L’image classique de l’homme des cavernes, armé de sa lance et chassant du gibier pour survivre, pourrait bien voler en éclats. Des découvertes récentes bousculent cette vision ancrée dans l’imaginaire collectif : certaines populations de l’âge de pierre, loin du régime riche en viande souvent attribué à cette époque, auraient adopté une alimentation principalement axée sur les végétaux. C’est le cas des Ibéromaurusiens, un groupe paléolithique d’Afrique du Nord, dont les habitudes alimentaires viennent d’être réexaminées par des chercheurs. Leurs travaux révèlent un régime bien différent de l’idée répandue du “régime paléo”, mettant en lumière une réalité bien plus nuancée et fascinante de nos lointains ancêtres.
Le régime paléo remis en question : une vision trop simplifiée ?
Le régime paléo, souvent présenté comme un retour aux racines alimentaires de l’humanité, repose sur l’idée que nos ancêtres de l’âge de pierre consommaient principalement de la viande, du poisson, des fruits et des légumes. Mais cette théorie bien ancrée pourrait ne pas refléter toute la réalité préhistorique. Une étude récente, publiée dans le Nature Ecology & Evolution Journal, remet en cause cette vision simpliste. En analysant les habitudes alimentaires des Ibéromaurusiens, un groupe paléolithique d’Afrique du Nord, les chercheurs ont découvert que leur alimentation était majoritairement composée de plantes. Parmi les aliments identifiés, on retrouve des légumineuses sauvages, des glands et des pignons de pin, des sources végétales riches en nutriments qui formaient l’essentiel de leur régime. Cette découverte bouscule l’idée reçue d’une alimentation préhistorique axée sur la chasse, montrant que certaines populations privilégiaient les ressources végétales locales pour subvenir à leurs besoins.
L'analyse des isotopes révèle un régime végétal méconnu
Pour comprendre les habitudes alimentaires des Ibéromaurusiens, des chercheurs ont eu recours à une méthode scientifique avancée : l’analyse isotopique. Cette technique consiste à étudier les traces chimiques présentes dans les dents et les os anciens afin de déterminer les sources alimentaires consommées. En identifiant des isotopes spécifiques tels que le carbone, l’azote et le zinc, les scientifiques ont pu reconstituer avec précision le régime de ce groupe paléolithique. Les résultats ont révélé une consommation majoritairement végétale, remettant en cause l’idée d’une alimentation centrée sur la chasse. Ce régime riche en plantes se rapproche davantage de celui des premières sociétés agricoles, montrant que certaines populations préhistoriques étaient déjà tournées vers une alimentation plus diversifiée que ce que suggère le régime paléo moderne.
Des dents qui racontent l'histoire d'un régime végétal
L’examen des restes dentaires des Ibéromaurusiens a révélé un indice frappant : la présence de nombreuses caries. Ce détail, loin d’être anodin, indique la consommation fréquente d’aliments riches en amidon fermentescible, comme des betteraves, du seigle, du maïs et du manioc. Les caries, souvent liées à un apport important en glucides, suggèrent que ces populations suivaient un régime alimentaire riche en végétaux, bien éloigné de l’image du chasseur-cueilleur principalement carnivore. Ces preuves dentaires renforcent l’idée que l’alimentation préhistorique était plus variée et riche en plantes qu’on ne l’imagine souvent.
Une comparaison intrigante avec les natoufiens
Les Ibéromaurusiens partageaient leur époque avec un autre groupe préhistorique : les Natoufiens, connus pour leur alimentation riche en végétaux. Originaire d’Asie de l’Ouest, ce peuple a progressivement évolué vers l’agriculture, en commençant à cultiver et domestiquer certaines plantes sauvages. Ce parallèle soulève une question fascinante : pourquoi les Ibéromaurusiens n’ont-ils pas adopté des pratiques agricoles similaires ? Ce contraste met en lumière la diversité des modes de vie préhistoriques et remet en cause l’idée répandue d’un régime paléo universellement carnivore. Ces découvertes montrent qu’une alimentation végétale pouvait exister bien avant l’essor de l’agriculture organisée, révélant une préhistoire plus complexe qu’on ne l’imaginait.
l'influence de l'environnement sur l'alimentation préhistorique
Les ressources locales semblent avoir joué un rôle déterminant dans les habitudes alimentaires des Ibéromaurusiens. Selon l’étude, la diversité végétale présente en Afrique du Nord à cette époque aurait favorisé un régime principalement végétal. Des traces botaniques retrouvées sur le site de Taforalt, notamment des glands sucrés carbonisés, des pignons de pin, des pistaches, des avoine sauvage et des légumineuses, indiquent que ces populations exploitaient largement les plantes comestibles locales. Cette abondance végétale aurait ainsi façonné leur régime alimentaire, démontrant que les premiers humains s’adaptaient à leur environnement bien plus qu’à des pratiques alimentaires universelles.
Un régime flexible, pas exclusivement végétal
Bien que le régime des Ibéromaurusiens ait été majoritairement végétal, il n’était pas totalement dépourvu de protéines animales. Des traces de découpe retrouvées sur des os de mouflons à manchettes et de gazelles témoignent de pratiques de chasse et de consommation de viande. Toutefois, cette consommation restait modérée et bien loin des excès souvent associés à l’idée moderne du régime paléo. Ce mélange alimentaire illustre la grande adaptabilité de ces populations préhistoriques, capables d’exploiter à la fois les ressources végétales abondantes et des protéines animales occasionnelles pour répondre à leurs besoins nutritionnels.
Une découverte qui change notre compréhension de la préhistoire
Cette étude bouscule les idées reçues selon lesquelles les premiers humains suivaient un régime principalement carnivore. Les résultats révèlent que les habitudes alimentaires préhistoriques étaient bien plus variées qu’on ne l’avait imaginé. Klervia Jaouen, co-autrice de l’étude, a souligné l’importance de ces découvertes en déclarant : “Il y a plus de diversité que ce que nous pensions”. Cette remise en question du modèle paléo traditionnel invite à repenser la façon dont nous percevons les régimes alimentaires de nos ancêtres, mettant en lumière des pratiques adaptées à l’environnement et aux ressources locales disponibles.
Vers de nouvelles découvertes sur l'alimentation préhistorique
Les résultats de cette étude ouvrent la voie à des recherches plus approfondies sur les régimes alimentaires des premières sociétés humaines. Klervia Jaouen et son équipe prévoient désormais d’explorer la transition alimentaire entre le Paléolithique et le Néolithique en Afrique du Nord, en comparant les habitudes alimentaires de différentes populations à travers le temps. Cette démarche pourrait permettre de mieux comprendre comment les régimes humains ont évolué en fonction des changements environnementaux et des pratiques culturelles. Ce travail comparatif pourrait également aider à reconstituer de façon plus précise l’histoire de la diversité alimentaire préhistorique.