Une pyramide de 25 000 ans : des chercheurs disent qu’elle n’a pas été construite par l’homme

Située à Saqqarah, en Égypte, la pyramide à degrés de Djéser est un monument emblématique de l’Ancien Empire et l’une des grandes innovations architecturales de l’histoire. Conçue sous le règne du pharaon Djéser (vers 2 630 av. J.-C.) par l’illustre architecte Imhotep, elle marque un tournant majeur dans l’évolution des constructions funéraires.

Jusqu’alors, les tombeaux royaux prenaient la forme de mastabas, des structures rectangulaires basses. Imhotep eut l’idée révolutionnaire de superposer six mastabas, donnant naissance à la première pyramide en pierre jamais bâtie. Ce projet ambitieux introduisit des techniques de construction avancées, ouvrant la voie aux grandes pyramides de Gizeh, érigées plusieurs siècles plus tard.

Au-delà de son exploit architectural, la pyramide de Djéser témoigne du savoir-faire exceptionnel des bâtisseurs de l’époque. Elle incarne la puissance et le prestige du pharaon, tout en posant les bases d’un style architectural qui influencera durablement l’histoire de l’Égypte ancienne. Pour les égyptologues, elle reste la première véritable pyramide de l’histoire, un joyau du patrimoine mondial et une preuve incontestable de l’ingéniosité des civilisations antiques.

En 2021, une étude publiée dans la revue Archaeological Prospection a avancé une théorie pour le moins audacieuse : le site de Gunung Padang, en Indonésie, ne serait pas une simple colline volcanique, mais bien une structure artificielle remontant à plus de 25 000 ans. Si cette datation se révélait exacte, elle bouleverserait notre vision des premières civilisations humaines, suggérant que des sociétés avancées maîtrisaient déjà des techniques de construction bien avant l’apparition de l’agriculture, estimée à environ 11 000 ans av. J.-C.

Selon les chercheurs à l’origine de cette hypothèse, cette prétendue pyramide aurait été sculptée à partir d’une formation naturelle de lave, un processus qui aurait permis d’obtenir une structure organisée avec des terrasses et des alignements rocheux sophistiqués. Cette découverte remettait en question les bases mêmes de l’archéologie traditionnelle, qui considère que les grandes constructions monumentales n’ont émergé qu’avec les premières sociétés agricoles. Si les conclusions de cette étude étaient avérées, elles obligeraient les scientifiques à réévaluer l’histoire des civilisations humaines, en ouvrant la possibilité que des bâtisseurs inconnus aient existé bien avant l’essor des sociétés que nous connaissons.

Dès sa publication, l’étude sur Gunung Padang a suscité de vifs débats au sein de la communauté scientifique. Si l’idée d’une pyramide préhistorique datant de 25 000 ans a captivé l’imagination du public, elle a également été fermement contestée par de nombreux spécialistes. Archéologues, géologues et experts en datation au carbone 14 ont rapidement mis en lumière plusieurs incohérences méthodologiques et interprétatives.

Parmi les critiques les plus marquantes, Flint Dibble, archéologue à l’Université de Cardiff, a affirmé que les formations rocheuses découvertes sur le site pouvaient s’être organisées naturellement au fil du temps, sans nécessiter l’intervention de bâtisseurs. Selon lui, des matériaux comme la lave solidifiée et les mouvements naturels du sol auraient pu donner naissance à ces structures sans qu’il y ait une intention humaine derrière leur agencement.

De plus, la seule présence de sols anciens sous la colline ne suffit pas à prouver qu’une civilisation avancée y ait érigé une construction monumentale. Pour étayer une telle hypothèse, les scientifiques s’attendraient à trouver des indices concrets d’activité humaine, comme des outils, des gravures ou des vestiges organiques. Or, jusqu’à présent, aucun de ces éléments n’a été mis en évidence, renforçant ainsi le doute sur l’authenticité de cette prétendue pyramide.

L’un des principaux arguments contre la thèse d’une pyramide ancienne repose sur les techniques de datation utilisées. Les chercheurs ont trouvé des sols remontant à 27 000 ans, mais ces échantillons ne contenaient aucune trace d’activité humaine, comme des outils, du charbon de bois ou des ossements. Selon Bill Farley, archéologue à l’Université Southern Connecticut, une simple datation d’un sol ancien ne signifie pas que la structure elle-même est aussi ancienne. L’exemple du Palais de Westminster, où une analyse du sol pourrait révéler des éléments vieux de 40 000 ans, illustre bien cette confusion possible.

Face aux critiques massives, la revue Archaeological Prospection a lancé une enquête sur la validité de l’article. Après analyse, il a été conclu que les preuves avancées n’étaient pas suffisantes pour confirmer l’existence d’une pyramide sur le site de Gunung Padang. L’article a été officiellement rétracté, les éditeurs expliquant que les données ne démontraient pas une intervention humaine. Cette décision a provoqué la colère du professeur Danny Hilman Natawidjaja, auteur principal de l’étude, qui a dénoncé une censure scientifique empêchant l’exploration de nouvelles théories.

Malgré la rétractation de l’étude, l’affaire de Gunung Padang ravive un débat sur les capacités des civilisations anciennes. Certains sites comme Göbekli Tepe en Turquie, datant de plus de 11 000 ans, montrent que des constructions monumentales existaient bien avant l’essor de l’agriculture. Cette polémique soulève donc une question fondamentale : et si d’autres structures anciennes restaient à découvrir sous nos pieds ? L’archéologie moderne, avec l’aide de nouvelles technologies comme le LIDAR, continue de repousser les limites de notre savoir.

L’histoire des pyramides est loin d’être figée. Si la pyramide à degrés de Djéser reste aujourd’hui la plus ancienne construction pyramidale avérée, des découvertes comme celle de Gunung Padang invitent à reconsidérer les capacités des civilisations préhistoriques. L’archéologie est une science en perpétuelle évolution, où chaque nouvelle fouille peut remettre en question ce que nous pensions savoir. Peut-être qu’un jour, une découverte viendra définitivement bouleverser notre compréhension des premières civilisations. Qu’en pensez-vous ? Sommes-nous prêts à accepter que notre histoire pourrait être plus ancienne et plus complexe qu’on ne le croit ?