Un phénomène appelé misokinésie pourrait toucher 1 personne sur 3, selon une étude – mais qui en est la cause ?
Auteur: Simon Kabbaj
Vous est-il déjà arrivé de perdre patience en voyant quelqu’un faire des petits gestes répétés, comme secouer un pied, manipuler un stylo ou tapoter des doigts sur la table ? Vous n’êtes pas seul. Ce phénomène a un nom : la misokinésie, littéralement la haine du mouvement. Une étude récente menée par des chercheurs canadiens révèle que cette réaction, longtemps ignorée par la science, pourrait concerner jusqu’à une personne sur trois. Et pourtant, rares sont ceux qui en parlent…
1. Un mal silencieux mais courant

La misokinésie est un phénomène psychologique encore peu connu du grand public, et pourtant, près d’un tiers des gens se disent affectés. Il ne s’agit pas simplement d’une gêne passagère, mais d’une réaction émotionnelle intense face à des mouvements répétitifs, comme le fait de gigoter, se balancer, ou manipuler un objet de manière répétitive. Ces gestes, souvent innocents, peuvent devenir insupportables pour certaines personnes, provoquant frustration, nervosité, voire colère.
2. Un cousin visuel de la misophonie

La misokinésie a été identifiée dans le sillage de la misophonie, un trouble où certains sons – comme mâcher ou respirer bruyamment – déclenchent des réactions émotionnelles fortes. Dans le cas de la misokinésie, ce ne sont pas les sons, mais bien les images de mouvements répétés qui causent du tort. Selon les chercheurs de l’Université de Colombie-Britannique (UBC), il s’agit de la “première exploration scientifique approfondie” de ce phénomène.
3. Une réaction qui perturbe la vie sociale

Les conséquences de la misokinésie sont bien réelles. Les personnes concernées peuvent ressentir de la colère, de l’anxiété ou un profond inconfort, ce qui peut les pousser à éviter certaines situations sociales, professionnelles ou éducatives. Le chercheur Todd Handy, psychologue à l’UBC, rapporte que certaines personnes limitent leurs activités sociales ou trouvent difficile de se concentrer dans un environnement où quelqu’un bouge trop.
4. Une sensibilité variable d’une personne à l’autre

Les chercheurs ont observé, à travers des expériences impliquant plus de 4 100 participants, que la sensibilité à la misokinésie peut varier fortement. Certains ne sont gênés que de façon légère, tandis que d’autres sont profondément affectés. Ce n’est donc pas un phénomène rare, ni réservé à des cas cliniques extrêmes : il touche des gens ordinaires, dans leur quotidien. Et pourtant, beaucoup l’ignorent ou n’osent pas en parler.
5. D’où vient ce phénomène ? La piste des neurones miroirs

Pour comprendre l’origine de la misokinésie, les scientifiques se sont tournés vers plusieurs hypothèses. Une piste intéressante concerne les neurones miroirs, des cellules du cerveau qui s’activent non seulement quand nous bougeons, mais aussi quand nous observons quelqu’un d’autre bouger. Cela pourrait expliquer pourquoi certaines personnes ressentent du stress simplement en voyant un geste répétitif : leur cerveau réagit comme si c’était elles-mêmes qui bougeaient. Cette empathie involontaire pourrait amplifier leur propre anxiété.
6. La révélation étonnante : un trouble lié à une difficulté à détourner l’attention

Mais l’élément le plus surprenant ressort d’une étude de suivi menée en 2024 par la chercheuse Sumeet Jaswal. En analysant les réactions de 21 volontaires, elle a découvert que la misokinésie ne serait pas simplement une réaction de distraction, mais plutôt une incapacité à se détacher du stimulus visuel. En d’autres termes, les personnes atteintes ne parviennent pas à détourner leur attention des gestes répétitifs, ce qui amplifie leur inconfort. C’est une forme de captation involontaire de l’attention, qui les emprisonne dans une boucle de stress difficile à briser.
Conclusion – Un trouble invisible, mais bien réel

La misokinésie est un phénomène discret mais largement répandu, qui peut rendre certaines situations sociales ou professionnelles difficiles à vivre. Si vous vous êtes déjà senti irrité en observant quelqu’un bouger sans cesse, vous n’êtes ni seul, ni capricieux. Ce trouble affecte profondément le bien-être de nombreuses personnes, souvent sans qu’elles sachent pourquoi.
Heureusement, la recherche commence à s’y intéresser sérieusement. En comprenant mieux les mécanismes du cerveau qui y sont liés, il sera peut-être bientôt possible de trouver des solutions pour mieux vivre avec cette sensibilité particulière.
Et si vous vous reconnaissez dans ces descriptions, sachez ceci : votre ressenti est valide, et la science vous donne enfin une voix.
Source étude : nature