Alzheimer : les hôpitaux misent sur des poupées thérapeutiques pour calmer les patients
Auteur: Adam David
Imaginez la scène. Un après-midi gris, un peu tristoune, à l’hôpital de Cesson-Sévigné. Céline Nezet, la responsable de l’unité de soins, entre dans une chambre. Et là, une petite voix fragile lui lance : « Si vous ne la cassez pas, vous pouvez la prendre. »
De qui parle cette vieille dame ? D’un petit garçon nommé Johan. Sauf que Johan… c’est une poupée. Une poupée que cette patiente couve du regard, à qui elle parle, qu’elle borde comme un vrai bébé. Visiblement, cette patiente s’en occupe très bien, elle lui donne même parfois à manger. C’est… touchant, et un peu déroutant, non ?
L'idée un peu folle de Céline et ses collègues sceptiques
Franchement, au début, personne n’y croyait vraiment. C’est Céline Nezet qui a eu cette idée, il y a quelques mois : intégrer Johan et une autre poupée, Léa, dans son service. Ses collègues ont dû la regarder avec de grands yeux.
« Mais à quoi ça va servir ? », lui demandaient-ils tous. Des poupées dans une unité de médecine qui accueille surtout des personnes très âgées, ça peut sembler… bizarre. Un gadget, un simple passe-temps ?
Pas du tout. C’est bien plus sérieux que ça. C’est une thérapie, une vraie, qu’on appelle la « doll therapy ». Elle est utilisée pour les personnes qui souffrent de gros problèmes cognitifs, comme la maladie d’Alzheimer.
Un truc qui ne date pas d'hier, en fait
Et attention, ce n’est pas une invention farfelue sortie de nulle part. Cette thérapie par les poupées, ça existe depuis des dizaines d’années aux États-Unis, en Suède ou au Canada. Bref, on n’a rien inventé.
Le principe est simple, en théorie. Ces poupées, qui ont à peu près le poids et la taille d’un vrai bébé, sont là pour rassurer les malades et calmer leurs angoisses. Pour quelqu’un qui est complètement paumé, désorienté par la maladie, ça peut devenir un repère. Un truc tangible qui fait parfois remonter des souvenirs à la surface, qui ancre dans un semblant de réel. Enfin, c’est l’idée.
Sur le terrain, est-ce que ça marche vraiment ?
Bon, la théorie c’est bien beau, mais en vrai ? Eh bien, dès qu’un patient semble angoissé ou un peu perdu, hop, l’équipe soignante n’hésite plus à proposer une poupée.
Clément, un jeune infirmier du service, avoue qu’il n’en avait jamais entendu parler avant. Au début, il était curieux, sans plus. Aujourd’hui, il est bluffé. « La présence de ces poupées les rassure », assure-t-il. Il voit les patients communiquer avec, exprimer des émotions quand ils les serrent dans leurs bras. Et ça, c’est énorme.
C’est surtout un truc qui marche avec les femmes, on s’en doute. Mais, et c’est important de le noter, il y a quand même ce monsieur pour qui ça fonctionne aussi. Comme quoi, il ne faut jamais avoir d’idées préconçues.
Attention, ce n'est pas une baguette magique
Évidemment, ce n’est pas la solution miracle. Faut pas rêver. Céline Nezet le dit elle-même : « Cela ne marche pas avec tout le monde ». Ça dépend de l’avancée de la maladie, bien sûr, mais aussi… du vécu de la personne.
Et là, l’exemple qu’elle donne est assez terrible. Ils ont essayé avec une dame qui tournait en rond dans sa chambre, elle s’ennuyait. Logique, on lui donne la poupée. Mais ça ne prenait pas. C’était même… gênant pour elle. Et c’est en parlant avec son mari qu’ils ont compris pourquoi. Cette femme avait perdu un enfant.
Une histoire qui vous remet les idées en place et rappelle que derrière la maladie, il y a une vie, avec ses joies et ses drames.
Un outil pour éviter l'artillerie lourde
Mais il y a un autre aspect, peut-être encore plus crucial. En cas de crise, quand un patient devient très agité, la poupée peut devenir un vrai rempart contre le pire.
Clément l’explique très bien : un patient qui essaie de s’arracher sa perfusion, par exemple… c’est un cauchemar à gérer. Le fait de lui donner un objet à tenir, à occuper ses mains, ça peut tout changer. Ça canalise l’agitation.
Et surtout, ça permet d’éviter de sortir l’artillerie lourde : la contention physique ou les médicaments pour calmer. C’est ce qu’on appelle une approche non médicamenteuse. Et rien que pour ça, ça vaut de l’or.
Conclusion : et les familles dans tout ça ?
Reste une dernière question, et pas des moindres : les proches. Voir sa mère ou son père avec une poupée dans les bras, ça doit faire un choc, non ? On peut imaginer la surprise, voire les critiques. Certains pourraient crier à l’infantilisation.
Pourtant, à Cesson-Sévigné, Céline Nézet assure n’avoir jamais eu de retour négatif. Pas une seule fois. Et si ça arrivait un jour ? Sa réponse est prête : elle expliquerait. Simplement. Les bienfaits sur le bien-être du patient, le calme retrouvé. Point. Pour elle, c’est tout ce qui compte.
D’ailleurs, elle ne compte pas s’arrêter là. Elle songe même déjà à acquérir d’autres poupées. L’histoire de Johan et Léa ne fait que commencer.
Selon la source : 20minutes.fr