Imaginez un instant un animal qui porterait en lui la puissance de la jungle sud-américaine et la majesté de la savane africaine. Un croisement qui semble tout droit sorti d’une légende, tout simplement parce que ses parents ne se rencontrent jamais dans la nature. Eh bien, cet animal existe. Il s’appelle le jaglion, et son histoire, aussi fascinante soit-elle, soulève de nombreuses questions sur la place de l’homme dans le grand livre de la vie.
Si l’on a déjà entendu parler du ligre (issu d’un lion et d’une tigresse), le jaglion, lui, reste dans l’ombre. Pourtant, ce croisement entre un jaguar mâle et une lionne est sans doute l’un des exemples les plus frappants d’hybridation animale poussée par la main de l’homme.
Une naissance que personne n'attendait
L’histoire des jaglions les plus connus nous emmène au Canada, au sanctuaire Bear Creek Wildlife Sanctuary. C’est là qu’en 2006, deux petits ont vu le jour, à la surprise générale. Leurs parents, un jaguar noir nommé Diablo et une lionne appelée Lola, avaient été élevés ensemble depuis leur plus jeune âge. Selon les responsables du parc, personne n’avait anticipé ni même souhaité qu’ils se reproduisent. Une affirmation qui laisse songeur.
Après une gestation d’environ 110 jours, similaire à celle des lions, sont nés Tsunami, un mâle, et Jazhara, une femelle. Ces deux jaglions, nés en captivité et uniques en leur genre, allaient devenir un cas d’école pour les scientifiques et une curiosité pour le monde entier.
Un portrait-robot pour le moins étonnant
Alors, à quoi ressemble un jaglion ? C’est un mélange assez spectaculaire. Les deux petits de Bear Creek étaient la preuve vivante de cette fusion génétique. Tsunami arborait un pelage doré, hérité de sa mère la lionne, mais couvert des rosettes sombres caractéristiques de son père le jaguar. Sa sœur, Jazhara, avait un pelage presque noir, charbon, sur lequel on pouvait deviner des taches encore plus foncées, un peu comme une panthère noire (qui, pour rappel, est souvent un jaguar ou un léopard mélanique).
Leur morphologie était tout aussi hybride : une silhouette trapue et puissante comme celle du jaguar, mais avec une tête et une face plus allongées, qui rappelaient sans conteste la lionne. Une véritable créature deux-en-un.
La question de la fertilité : un hybride peut-il se reproduire ?
En général, quand deux espèces différentes se croisent, leur progéniture est stérile. Le meilleur exemple, c’est le mulet, issu d’un âne et d’une jument. Mais chez les grands félins, les choses sont un peu plus compliquées. Contre toute attente, le jaglion ne serait pas forcément stérile.
Une rumeur tenace, bien que jamais confirmée officiellement, prétend que Jazhara aurait elle-même donné naissance à un petit après s’être accouplée avec un léopard noir. L’existence de ce « jagleopon » reste un mystère. Si c’était vrai, ce serait un cas rarissime d’hybridation complexe : un animal déjà hybride qui se reproduit avec une troisième espèce. Cela montre à quel point les barrières génétiques entre les espèces du genre Panthera sont fines.
Pourquoi ces croisements posent-ils un grave problème éthique ?
Si l’histoire du jaglion peut paraître attendrissante, elle est en réalité très controversée. Et pour cause, ce croisement est une pure création humaine. Dans la nature, les jaguars vivent en Amérique du Sud et les lions en Afrique. Ils n’ont absolument aucune chance de se rencontrer. Leur reproduction est donc totalement artificielle.
Les biologistes et les défenseurs des animaux tirent la sonnette d’alarme. Ces hybridations peuvent entraîner de graves problèmes de santé pour les animaux : malformations à la naissance, troubles du comportement, déséquilibres hormonaux… De plus, un jaglion est condamné à vivre en captivité. Il ne possède ni les instincts, ni les codes sociaux, ni l’adaptation à un milieu spécifique pour survivre à l’état sauvage. Il n’appartient à aucun écosystème et dépend entièrement des soins de l’homme. C’est une sorte d’impasse biologique.
entre curiosité scientifique et dérive commerciale
Le jaglion est un cas d’étude fascinant pour les généticiens. Il prouve que les grands félins du genre Panthera (lions, tigres, jaguars, léopards) partagent un patrimoine génétique très proche, avec 38 chromosomes, ce qui leur permet de créer des hybrides. Mais cette curiosité scientifique ne doit pas faire oublier l’essentiel : le bien-être animal.
Malheureusement, l’apparence unique de ces animaux attise la convoitise. Les photos et vidéos de Tsunami et Jazhara ont fait le tour d’Internet, et certains zoos privés ou éleveurs peu scrupuleux pourraient être tentés de reproduire ces croisements pour attirer du public ou pour le profit. Le jaglion est donc devenu, malgré lui, le symbole d’une limite à ne pas franchir : celle où la fascination de l’homme prend le pas sur le respect de la nature.
Selon la source : geo.fr