Lait infantile : du dioxyde de titane détecté malgré l’interdiction, les experts alertent
Auteur: Adam David
Malgré son interdiction dans l’alimentation depuis 2020 en France et 2022 en Europe, le dioxyde de titane continue de susciter l’inquiétude. Une récente étude menée conjointement par l’INRAE, l’AP-HP et le CNRS, et publiée dans la revue Science of the Total Environment, révèle un paradoxe troublant pour les consommateurs et surtout pour les parents. Le constat est alarmant : des particules de ce cancérigène potentiel se retrouvent dans la quasi-totalité des laits infantiles et même dans le lait maternel.
Une contamination généralisée et invisible
Les résultats de l’étude, qui visait à mesurer l’exposition réelle des humains à ce polluant, sont sans appel. Les chercheurs ont analysé des laits d’origine animale, des laits infantiles et du lait maternel. Leurs conclusions révèlent une contamination massive et insidieuse :
- 100 % des laits animaux analysés (vache, chèvre, ânesse, bio ou conventionnels) contenaient des particules de dioxyde de titane, avec des concentrations allant de 16 à 348 millions de particules par litre.
- 83 % des laits infantiles (1er, 2e et 3e âge, bio ou non) présentaient également cette contamination, avec des taux pouvant atteindre près de 4 milliards de particules par litre.
Ces chiffres démontrent que l’interdiction de l’additif alimentaire E171 n’a pas suffi à éradiquer sa présence dans la chaîne alimentaire.
Le lait maternel, un reflet de l'exposition des mères
Fait peut-être plus préoccupant encore, l’étude a mis en évidence la présence de dioxyde de titane dans tous les échantillons de lait maternel prélevés sur dix femmes volontaires en région parisienne. « Cette découverte prouve que l’additif peut passer la barrière de la glande mammaire », expliquent les auteurs. Le lait, nourriture essentielle des nouveau-nés, devient ainsi un vecteur d’exposition involontaire. Les niveaux de contamination variaient fortement d’une femme à l’autre, suggérant un lien direct avec l’environnement et les habitudes de vie.
Un risque sanitaire avéré, mais des sources encore floues
Le dioxyde de titane est loin d’être anodin. L’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) et l’Anses ont soulevé des préoccupations sur les potentiels effets génotoxiques (capacité à endommager l’ADN) des nanoparticules le composant. Par inhalation, il est même classé « cancérogène suspecté ». Si l’additif E171 est banni de nos assiettes, la substance reste autorisée dans de nombreux autres produits du quotidien : dentifrices, médicaments ou encore crèmes solaires. Les chercheurs estiment que ces travaux mettent en lumière « l’existence d’une contamination autre », probablement environnementale ou liée à l’exposition via ces autres produits, qui finit par se retrouver dans l’organisme.
L'appel à un principe de précaution renforcé
Face à ces données, les associations montent au créneau. Pour Mathilde Detcheverry, déléguée générale de l’association Avicenn interrogée par Le Monde, « ces résultats sont très préoccupants ». Elle estime que la persistance de cette contamination, notamment chez les plus vulnérables, justifie une action des pouvoirs publics. « Le principe de précaution devrait conduire les autorités à suspendre l’autorisation de cette substance pour les usages non essentiels susceptibles de conduire à une exposition environnementale et humaine », préconise l’experte. L’enjeu est de protéger les populations d’une exposition subie et dont les effets à long terme sont encore mal évalués.
Les bons réflexes à adopter face à une menace diffuse
Pour le consommateur, se prémunir totalement est complexe, car la contamination n’est pas étiquetée. Cependant, les professionnels de santé et les associations recommandent quelques gestes de prudence :
- Vérifier la composition des produits non alimentaires comme les dentifrices ou les médicaments, où le dioxyde de titane peut apparaître sous le nom « titanium dioxide », « CI 77891 » ou « E171 ».
- Privilégier les produits portant la mention « sans dioxyde de titane » ou « sans nanoparticules », de plus en plus courante en cosmétique et hygiène.
- Ne pas céder à la panique. Les pédiatres rappellent que les bienfaits de l’allaitement maternel restent immensément supérieurs aux risques potentiels liés à cette contamination. Il ne faut surtout pas l’interrompre.
- Soutenir les associations de consommateurs et de veille sanitaire qui militent pour une réglementation plus protectrice à l’échelle européenne.
une vigilance citoyenne indispensable
La mise au jour de cette contamination généralisée des laits infantiles et maternels par un polluant officiellement interdit est un signal d’alarme puissant. Elle souligne les limites d’une interdiction sectorielle et l’urgence d’une approche globale pour évaluer et maîtriser l’impact des substances controversées présentes dans notre environnement. Face à cette menace insidieuse, la vigilance des consommateurs et l’exigence d’une réglementation plus stricte sont les meilleurs garants de la santé des plus fragiles.
Selon la source : femmeactuelle.fr