Maserati à contre-courant : le pari d’une supercar 100 % thermique, coup de génie ou chant du cygne ?
Auteur: Adam David
Alors que l’industrie automobile semble engagée dans une course effrénée vers le tout-électrique, une voix dissonante se fait entendre du côté de Modène. Maserati, par la bouche de son ingénieur en chef, vient de le confirmer : sa prochaine supercar restera fidèle au moteur thermique, et plus précisément à son V6 Nettuno. Un pari audacieux, presque anachronique, qui interroge : est-ce un simple retour à la raison ou le dernier baroud d’honneur d’un monde révolu ?
L'électrique ? non merci, les clients n'en veulent pas
Ce n’est pas un virage soudain, mais plutôt la confirmation d’une tendance observée en interne. L’abandon, au printemps dernier, du projet de MC20 électrique n’était pas un caprice. Selon Davide Danesin, patron des ingénieurs motoristes de la marque, une part non négligeable des acheteurs de supercars reste, pour le dire poliment, sceptique face à l’électrification.
Le poids des batteries, la complexité technique qui peut nuire à la fiabilité, la perte de la sonorité mécanique… les griefs sont connus et visiblement tenaces. Le peu d’engouement pour une MC20 « à piles » l’a prouvé : le public traditionnel de ces machines d’exception veut encore de l’essence et des pistons. Maserati choisit donc délibérément de ne pas suivre la voie de sa rivale directe, la McLaren Artura, qui a fait le choix d’un V6 hybride.
Le V6 Nettuno, un moteur loin d'avoir dit son dernier mot
Le cœur de ce projet, c’est donc lui : le fameux V6 Nettuno. Déjà présent sur l’ensemble de la gamme, de la MC20 au SUV Grecale, ce moteur biturbo de 3 litres serait loin d’avoir atteint ses limites dans sa version actuelle de 630 chevaux. Davide Danesin l’assure, sans détour : en tirer 200 chevaux supplémentaires pour flirter avec les 800 ch serait techniquement possible.
Et ce, sans la moindre béquille électrique. L’ingénieur affirme même pouvoir atteindre ce niveau de performance tout en respectant les futures normes Euro 7, qui entreront en vigueur fin 2026. La clé résiderait dans la conception unique de ce moteur, avec sa double chambre de combustion issue de la compétition.
Une super GT pour chasser sur les terres des V12
À quoi pourrait donc ressembler cette future machine ? On s’éloignerait de la berlinette radicale à moteur central pour s’orienter vers une « super GT » à moteur avant, probablement développée sur une base de Granturismo. Une architecture moins extrême, mais qui permettrait d’aller chasser sur des terres prestigieuses.
Dans le viseur, des monuments comme l’Aston Martin Vanquish ou la nouvelle Ferrari 12 Cilindri, toutes deux armées d’un V12 atmosphérique. Un défi immense pour un V6, même suralimenté. Et pour parfaire ce tableau de puriste assumé, Davide Danesin n’exclut même pas l’option d’une boîte de vitesses manuelle. Un fantasme, sans doute, surtout quand on connaît les malus écologiques qui frappent l’Hexagone.
L'ombre d'Alfa Romeo pour concrétiser le rêve
Mais une telle licorne mécanique a un coût, et les projets de niche sont un luxe que même les constructeurs de prestige peuvent difficilement s’offrir seuls. C’est là qu’intervient la cousine Alfa Romeo. Santo Ficili, le directeur général des deux marques, a confirmé qu’une coopération était non seulement envisageable, mais sans doute nécessaire pour mener à bien un tel programme à l’horizon 2027.
Ce ne serait pas une première. On pense évidemment au duo récent MC20 / Alfa Romeo 33 Stradale, ou, plus loin dans le temps, à la sublime 8C qui partageait son châssis et son V8 avec la Granturismo de l’époque. La logique est simple : mutualiser les coûts pour rendre viable la production d’une très petite série.
le paradoxe du luxe automobile moderne
Ce rêve d’une supercar pur-sang, presque anachronique à l’heure de la transition énergétique, repose finalement sur un paradoxe très contemporain. La volonté de créer de telles machines, de faire perdurer une certaine idée de l’automobile passion, est bien vivace chez les constructeurs italiens.
Mais pour financer ces bijoux thermiques, il faudra bien que les modèles plus… pragmatiques, comme le nouveau SUV Alfa Romeo Junior électrique, trouvent leur public. L’avenir des légendes s’écrit bien souvent avec les profits du présent. Reste à savoir si les clients suivront Maserati dans cette voie à contre-courant.
Selon la source : automobile-magazine.fr