Les premiers « bébés à 3 parents » sont nés sans maladies héréditaires, une avancée qui fait débat
Auteur: Simon Kabbaj
C’est une nouvelle qui ressemble à de la science-fiction, mais qui est bien réelle. Des scientifiques britanniques ont réussi à faire naître des bébés en parfaite santé, issus de familles porteuses de graves maladies génétiques, en utilisant l’ADN de trois personnes différentes. Ces « bébés à trois parents » sont la promesse d’un avenir sans certaines maladies héréditaires dévastatrices. Mais cette avancée spectaculaire ne fait pas l’unanimité. Entre espoir immense et craintes de dérives, le débat est lancé.
Le problème : les terribles maladies mitochondriales
Pour comprendre l’importance de cette découverte, il faut parler des maladies mitochondriales. Les mitochondries, ce sont un peu les « centrales énergétiques » de nos cellules. Quand elles ne fonctionnent pas bien à cause d’un défaut génétique, les conséquences peuvent être terribles : insuffisance cardiaque, paralysie, AVC, cécité… Les enfants qui naissent avec ces maladies ont souvent une vie courte et très douloureuse. C’est pour éviter ce drame que les chercheurs ont mis au point cette nouvelle technique.
La solution : le "don de mitochondries"
La technique, appelée « don de mitochondries », est aussi ingénieuse que complexe. Voici comment ça marche, en simplifiant :
-
Les médecins prennent l’ovule fécondé du couple qui souhaite avoir un enfant. Cet ovule contient le matériel génétique qui déterminera les traits du bébé (couleur des yeux, des cheveux…), mais aussi les mitochondries défectueuses de la mère.
-
Ils retirent délicatement le « noyau » de cet ovule, qui contient l’ADN du couple. Ils laissent de côté les mitochondries malades.
-
Ils prennent ensuite l’ovule fécondé d’une donneuse en bonne santé, retirent son noyau, et le remplacent par celui du couple.
Le résultat ? Un embryon qui a l’ADN des deux parents (pour tout ce qui est des traits physiques et héréditaires), mais les mitochondries saines de la donneuse. C’est de là que vient le terme de « bébé à trois parents », même si l’ADN de la donneuse ne représente qu’une infime partie du total.
Des premiers résultats très encourageants
Cette technique a permis à sept femmes porteuses de ces mutations génétiques d’avoir huit bébés en bonne santé (dont des jumeaux). Chez ces enfants, les mutations génétiques étaient soit totalement indétectables, soit présentes à des niveaux si faibles qu’elles ne devraient pas causer de maladie. Pour l’instant, tous ces enfants, âgés de quelques mois à plus de deux ans, se portent bien et se développent normalement. C’est une immense victoire pour ces familles et pour la science.
Mais tout le monde n'applaudit pas : la peur des "bébés sur mesure"
Malgré ce succès, de nombreuses voix s’élèvent pour exprimer leurs inquiétudes. Le principal reproche, c’est que l’on modifie le patrimoine génétique d’une manière qui pourra être transmise aux générations futures. Si une erreur est commise, elle pourrait introduire de nouvelles maladies dans le patrimoine génétique de l’humanité. Stuart Newman, un professeur de biologie cellulaire, va même plus loin. Il craint que ce ne soit que le début :
« Ça commencera par la prévention des maladies, mais ça s’épanouira en un programme eugéniste à part entière où les gènes seront manipulés pour fabriquer des bébés sur mesure, » a-t-il prévenu.
Une technique très encadrée, mais déjà utilisée ailleurs
Cette technique est loin d’être autorisée partout. Aux États-Unis, par exemple, la loi l’interdit. En revanche, le Royaume-Uni et l’Australie l’ont légalisée dans un cadre très strict. Ailleurs, des médecins en Ukraine ou en Grèce ont déjà tenté d’utiliser cette méthode pour aider des femmes infertiles à avoir des enfants, même si on ne sait pas encore si c’est efficace pour cette raison. Cette avancée pose donc des questions de société différentes selon les pays.
Conclusion : espoir ou pente glissante ?
Alors, que faut-il en penser ? D’un côté, il y a l’immense espoir pour des familles dévastées par la maladie, qui peuvent enfin rêver d’avoir un enfant en bonne santé qui leur est biologiquement lié. De l’autre, il y a la peur légitime de jouer aux apprentis sorciers avec le génome humain. Les partisans de la technique insistent sur le fait qu’il ne s’agit pas de choisir la couleur des yeux, mais d’éliminer des maladies mortelles. Les opposants rappellent qu’il existe d’autres options, comme l’adoption. Le débat est complexe et passionné, et il ne fait que commencer. Une chose est sûre : un suivi à long terme de ces enfants sera crucial pour répondre à toutes les questions qui restent en suspens.
Selon la source : cbsnews.com