Au cœur d’une forêt californienne, le secret d’un arbre de 5 000 ans bien gardé
Auteur: Simon Kabbaj
Au cœur d’une forêt aride dans les montagnes de Californie, se cache un secret vivant, un organisme plus vieux que les pyramides de Gizeh, plus ancien que la cité de Babylone. Cet être, c’est un arbre, baptisé Mathusalem. C’est l’organisme vivant non-clonal (c’est-à-dire qui n’est pas un clone) le plus vieux de notre planète. Une véritable sentinelle du temps qui a traversé les millénaires en silence.
Mathusalem : le doyen du monde
Son nom, il le doit à un personnage de la Bible connu pour sa longévité exceptionnelle. Et pour cause : les scientifiques estiment que cet arbre a commencé à pousser il y a environ 4 857 ans. Cela veut dire qu’il a germé autour de 2 833 avant notre ère. Il était déjà un jeune arbre bien avant la construction des 7 merveilles du monde antique. Sa découverte en 1953 par un chercheur, Edmund Schulman, a été une véritable révolution, prouvant pour la première fois que des arbres pouvaient être plus vieux que la naissance du Christ.
Comment connaît-on son âge ? Le langage des cernes
Alors, comment peut-on être si précis ? Le secret, c’est la dendrochronologie, ou plus simplement, l’étude des cernes de l’arbre. C’est un peu comme lire un livre dont chaque page est une année. Chaque cerne nous raconte une histoire : un cerne large signifie une bonne année, avec de bonnes conditions de croissance. Un cerne étroit, au contraire, nous parle d’une année de sécheresse ou de conditions difficiles. C’est une véritable archive climatique.
Le secret de sa longévité : une croissance au ralenti
Mais comment a-t-il pu vivre si longtemps ? Le pin de Bristlecone, l’espèce de Mathusalem, est un champion de l’adaptation. D’abord, il est incroyablement résistant aux infections. Ensuite, il grandit très, très lentement. Pour vous donner une idée, un jeune arbre de 40 ans peut ne mesurer que 15 centimètres de haut. Même ses aiguilles sont tenaces : elles peuvent rester fonctionnelles pendant près de 45 ans !
L'art de survivre : le 'strip-barking'
L’une de ses adaptations les plus incroyables est le « strip-barking », ou l’écorçage en bandes. Quand les conditions sont très dures, comme lors d’une grande sécheresse, l’arbre fait un choix radical : il se sacrifie en partie pour sauver le reste. Des branches entières meurent, et l’arbre se débarrasse de la plupart de son bois non essentiel. Il ne laisse derrière lui que d’étroites bandes d’écorce vivante, parfois de seulement quelques centimètres de large, qui suffisent à maintenir en vie des sections entières de l’arbre. Un arbre peut ainsi survivre avec seulement 5% de tissus vivants.
Un paradis... difficile, la clé de sa force
Paradoxalement, ce qui rend ces arbres si forts, ce sont les conditions extrêmes dans lesquelles ils vivent. Ils poussent exclusivement en haute altitude, entre 3 000 et 3 300 mètres, sur des sols rocheux, avec peu de pluie et de longs hivers. C’est cet environnement hostile qui ralentit leur croissance et réduit la compétition avec d’autres plantes, leur permettant ainsi d’atteindre des âges record.
Et les autres ? Les concurrents au trône de la longévité
Mathusalem n’est pas le seul champion de la longévité. Au Chili, l’Alerce Milenario, un cyprès de Patagonie, aurait environ 5 484 ans. Il y a aussi Pando, dans l’Utah, une immense colonie de peupliers qui est en fait un seul organisme génétique, estimé entre 9 000 et 16 000 ans. Mais la grande différence, c’est que Pando est un clone. Chaque arbre individuel est jeune. Mathusalem, lui, est un individu unique, ce qui rend son âge encore plus impressionnant.
Un trésor à protéger, un secret bien gardé
Aujourd’hui, ces arbres anciens sont menacés par le changement climatique, les sécheresses et les insectes. Mais la plus grande menace, c’est peut-être l’homme. C’est pour cette raison que le Service des Forêts garde l’emplacement exact de Mathusalem strictement secret. C’est l’ironie de l’histoire : pour protéger ce trésor de savoir, il faut le cacher, le protéger de notre propre curiosité parfois destructrice.
Conclusion : une bibliothèque vivante de notre passé
Selon la source : independent.co.uk