Angleterre médiévale : des squelettes de 1 300 ans témoignent de liens avec l’Afrique de l’Ouest
Auteur: Adam David
L’Angleterre du VIIe siècle, on l’imagine blanche, peuplée de Saxons et d’Angles venus du nord de l’Europe. Pourtant, l’analyse ADN de deux squelettes vieux de 1 300 ans vient de fissurer cette image d’Épinal. Découverts dans deux cimetières distincts, ces individus avaient des ancêtres très récents originaires d’Afrique de l’Ouest, probablement leurs grands-parents.
Le récit traditionnel bousculé
On nous a longtemps raconté l’histoire d’une invasion. Celle des Angles, des Saxons et des Jutes qui, après le départ des Romains, auraient submergé l’île, façonnant la culture et la langue anglaises. C’est le récit fondateur de la période dite anglo-saxonne. Mais cette histoire a toujours eu ses zones d’ombre.
Les archéologues eux-mêmes peinent à mesurer l’ampleur réelle de ces mouvements migratoires. Jusqu’où allaient-ils ? Qui étaient vraiment ces gens ? Le débat est vif et les certitudes, rares. La génétique commence à peine à livrer des réponses, et elles sont parfois déconcertantes.
Deux sites, deux destins croisés
La réponse, ou du moins une partie, se cachait dans deux cimetières que tout semble opposer. Le premier, à Updown dans le Kent, se trouvait au carrefour des routes commerciales et politiques de l’époque, une porte d’entrée sur le continent. Le second, à Worth Matravers dans le Dorset, était bien plus isolé, à la marge de l’influence franque.
C’est en séquençant l’ADN des défunts de ces deux sites que les chercheurs de l’Université du Lancashire et de l’Université de Huddersfield ont fait leur découverte. Là, au milieu de squelettes aux origines nord-européennes attendues, se trouvaient ces deux exceptions qui changent tout.
Le puzzle de l'ADN
Dans les deux cas, le profil génétique raconte une histoire de métissage complexe. L’ADN mitochondrial, transmis uniquement par la mère, était bien nord-européen, comme celui de leurs voisins de cimetière. Une information qui, seule, les aurait rendus invisibles aux yeux des scientifiques.
Mais l’ADN autosomique, hérité des deux parents, révélait une tout autre origine : une ascendance africaine subsaharienne, très nette. Les analyses pointent vers des populations actuelles d’Afrique de l’Ouest, comme les Yoruba, les Mende ou les Esan. Cela signifie que l’un de leurs parents, ou plus probablement deux de leurs grands-parents, venait de bien plus loin que la mer du Nord.
Des vies intégrées, pas des destins d'exclus
Loin d’être des parias, ces deux individus semblaient parfaitement intégrés. La jeune femme d’Updown a été inhumée avec soin, accompagnée d’un pot sans doute venu de Gaule et d’une cuillère qui évoque des liens avec l’Empire byzantin ou la foi chrétienne. Sa tombe se situe près d’un ancien centre royal, suggérant un statut social non négligeable.
Dans le Dorset, le jeune homme reposait près d’un autre défunt aux origines purement locales, enterré avec une ancre en pierre de la région. Rien dans leurs sépultures ne suggère une mise à l’écart. Au contraire, tout indique qu’ils faisaient partie de leur communauté, partageant ses rites et son sol.
une Angleterre plus cosmopolite
Cette double découverte n’est pas anecdotique. Elle suggère que l’Angleterre du haut Moyen Âge était bien plus connectée et cosmopolite qu’on ne le pensait. Ces liens s’étendaient bien au-delà de l’Europe du Nord, jusqu’en Afrique subsaharienne, et ce, des centres du pouvoir aux communautés plus rurales.
Ce n’est plus seulement le mouvement des objets qui témoigne de ces échanges lointains, mais bien celui des personnes, de leur sang et de leurs histoires. Une réalité qui oblige aujourd’hui les historiens à revoir, au moins en partie, leur copie sur cette période fondatrice de l’histoire anglaise.
Selon la source : trustmyscience.com