On l’a tous entendue, cette histoire. L’ocytocine, c’est « l’hormone des câlins », celle qui nous lie dans les moments d’amour, de confiance, et de tendresse. On la libère pendant un rapport sexuel, un accouchement, l’allaitement… Bref, dès qu’il y a de la chaleur humaine.
Vous avez même peut-être lu des conseils pour en produire plus : faites des câlins, écoutez de la musique, faites du sport. Facile, non ? Eh bien, il semblerait que la réalité soit un peu plus… complexe. Des recherches récentes viennent bousculer tout ce qu’on croyait savoir. Et si cette hormone n’était pas seulement une affaire de romance, mais le véritable chef d’orchestre de nos amitiés ?
Pourquoi des petites bêtes nous en apprennent tant
Pour percer ce mystère, des chercheurs de l’Université de Californie ont étudié des créatures assez inattendues : les campagnols des prairies. Pourquoi eux ? Parce que ces petites bêtes à fourrure sont connues pour une chose assez rare dans le monde animal : elles forment des relations durables et exclusives, que ce soit avec un partenaire amoureux ou avec des amis du même sexe. C’est un peu comme nous, finalement.
Cela en fait des candidats parfaits pour comprendre la biologie derrière nos relations sociales. Annaliese Beery, professeure à Berkeley et auteure principale de l’étude, explique que ces animaux permettent de voir ce qui rend l’amitié si spéciale, et comment elle se différencie des autres types de liens.
Quand l'hormone manque à l'appel, l'amitié prend son temps
L’équipe de recherche a donc regardé ce qui se passait chez des campagnols qui n’avaient pas les « récepteurs » pour l’ocytocine. Imaginez que l’ocytocine est une clé, et le cerveau a besoin de serrures pour l’utiliser. Sans ces serrures, la clé ne sert à rien.
Le résultat est fascinant. Ces campagnols pouvaient toujours se faire des amis, mais cela leur prenait beaucoup, beaucoup plus de temps. L’ocytocine semble donc cruciale au tout début d’une relation, pour la rendre plus rapide et surtout, pour nous aider à choisir. Pour nous faire dire : « C’est toi que je préfère, pas cet inconnu. »
En gros, l’ocytocine ne détermine pas si nous sommes sociables, mais plutôt avec qui nous choisissons de l’être.
L'amitié à l'épreuve : trois expériences révélatrices
Pour être sûrs de leur coup, les chercheurs ont mené trois tests très concrets.
1. Le test de rapidité : Normalement, un campagnol se choisit un ami en 24 heures. Ceux sans récepteurs pour l’ocytocine ? Il leur a fallu près d’une semaine pour montrer une préférence. L’hormone agit donc comme un véritable accélérateur d’amitié.
2. Le test de la « fête » : Imaginez une grande pièce avec plein d’autres campagnols. Ceux qui avaient un fonctionnement normal restaient d’abord près de leur ami connu avant de se mêler aux autres, un peu comme nous le ferions. Les autres, eux, se sont mélangés directement, sans montrer de loyauté particulière. Comme s’ils ne connaissaient personne.
3. Le test de la motivation : Les chercheurs ont mesuré à quel point les campagnols étaient prêts à faire un effort (appuyer sur un levier) pour rejoindre un ami. Les campagnols normaux travaillaient dur pour voir leur copain. Les autres ? Ils faisaient l’effort pour leur partenaire amoureux, mais pas plus pour un ami que pour un inconnu.
L'amitié avant l'amour, une vieille histoire ?
Cette étude a fait germer une idée intéressante dans la tête de la chercheuse Annaliese Beery. Et si l’amitié, ce qu’elle appelle les « relations sélectives entre pairs », était apparue bien avant l’amour exclusif (la monogamie) chez les animaux ?
Elle a remarqué que beaucoup d’espèces de campagnols se lient d’amitié, même celles qui ne sont pas monogames. C’est comme si le besoin de se choisir un ou deux bons copains était une tendance très ancienne et profondément ancrée. Peut-être que c’est ce socle de l’amitié qui, plus tard, a permis à l’amour exclusif d’émerger. Une question qui reste ouverte, mais qui donne à réfléchir.
Être ami, c'est aussi choisir qui ne l'est pas
Voilà peut-être le plus surprenant. Les campagnols qui manquaient de récepteurs à l’ocytocine étaient moins sélectifs, et donc… plus amicaux avec les inconnus ! Ils étaient moins méfiants et moins agressifs.
Cela montre que l’ocytocine a deux facettes. D’un côté, elle renforce notre envie d’être avec nos proches, nos amis, notre « groupe ». C’est le côté prosocial. De l’autre, elle nous aide à rejeter les étrangers, à marquer une frontière. C’est le côté antisocial. L’amitié, ce n’est donc pas seulement aimer quelqu’un, c’est aussi, d’une certaine manière, ne pas aimer les autres de la même façon.
Conclusion : alors, l'hormone de l'amitié ?
Même si cette recherche a été faite sur des animaux, elle ouvre des portes immenses pour comprendre nos propres relations. Si l’ocytocine influence non seulement notre désir de créer des liens, mais aussi notre manière de choisir nos amis, cela pourrait un jour aider à mieux comprendre des conditions comme l’autisme ou la schizophrénie, où les relations sociales sont parfois difficiles à nouer.
Alors, la prochaine fois que vous entendrez parler de « l’hormone de l’amour », vous pourrez sourire. C’est vrai, mais ce n’est que la moitié de l’histoire. Il est peut-être temps de lui donner un nouveau surnom : l’hormone de l’amitié. Après tout, c’est elle qui, discrètement, nous aide à construire ces liens si précieux qui durent toute une vie.
Selon la source : earth.com