Tout commence souvent par une douleur bien réelle, une blessure ou une intervention chirurgicale. Le médecin prescrit un opioïde – tramadol, codéine, morphine – et le soulagement est presque immédiat, une véritable bénédiction. Mais derrière cette efficacité se cache un mécanisme redoutable, capable de faire basculer un patient en quelques jours à peine. Comment un simple traitement peut-il devenir une prison chimique ?
Un court-circuit dans le cerveau
Pour comprendre, il faut se pencher sur la chimie de notre cerveau. Les opioïdes se fixent sur des récepteurs spécifiques, un peu comme une clé dans une serrure, bloquant les signaux de la douleur. Mais leur action ne s’arrête pas là. Ils déclenchent en parallèle une vague de dopamine, la fameuse « hormone du plaisir ».
Le cerveau enregistre alors une sensation d’euphorie intense, qu’il associe directement à la prise du médicament. C’est le début d’un conditionnement puissant : pour retrouver ce bien-être, il faudra recommencer. Le circuit de la récompense, conçu pour nous motiver à accomplir des actions vitales, est tout simplement détourné.
De la tolérance à la compulsion, l'engrenage
La dépendance s’installe rarement du jour au lendemain, mais elle suit une pente glissante. D’abord, le corps s’habitue. C’est la tolérance : les doses initiales ne suffisent plus, il faut augmenter pour obtenir le même effet. Puis vient le manque. L’arrêt de la substance provoque des symptômes brutaux, tant physiques (sueurs, tremblements) que psychologiques (anxiété, angoisse).
C’est à ce stade que le médicament, autrefois un allié, devient une nécessité pour simplement « fonctionner ». Cette mécanique infernale est parfaitement décrite par Guillaume, un ancien dépendant : « Je savais à quelle heure je devais prendre mon cacheton. Je savais quand il faisait effet. Et je sentais aussi quand il ne faisait plus effet. » Son témoignage dit tout de la compulsion, quand la vie entière s’organise autour de la prochaine prise.
Un risque sous-estimé, même sur ordonnance
L’une des idées les plus tenaces, et des plus dangereuses, est que « si c’est prescrit, ce n’est pas risqué ». La réalité est bien plus complexe. Plusieurs études montrent qu’une accoutumance peut se développer après seulement une semaine à dix jours de traitement continu.
Certains profils sont aussi plus vulnérables. Des antécédents de troubles anxieux, de dépression ou la consommation d’autres substances comme l’alcool ou les benzodiazépines peuvent agir comme des accélérateurs, fragilisant la barrière entre l’usage thérapeutique et la dépendance.
Une crise de santé publique silencieuse
À l’échelle mondiale, les chiffres donnent le vertige. L’Organisation Mondiale de la Santé estime qu’environ 60 millions de personnes consomment des opioïdes. Chaque année, ce sont près de 125 000 décès par surdose qui sont recensés sur la planète. Une hécatombe.
Le plus tragique, peut-être, est que ce problème massif reste largement sous-traité. Moins d’une personne dépendante sur dix aurait accès à un accompagnement médical adapté. C’est une véritable bombe à retardement sanitaire, qui se joue derrière les portes closes des foyers.
savoir pour se protéger
Face à ce tableau, la prévention est la clé de voûte. Cela passe par un dialogue transparent entre le médecin et son patient dès la première prescription, mais aussi par un suivi attentif si le traitement doit se prolonger. Explorer des alternatives non-opioïdes, lorsque c’est possible, est également crucial.
Pour ceux qui sentent le piège se refermer, des solutions existent. Il ne faut surtout pas rester seul. Des structures spécialisées comme les CSAPA (Centres de Soin, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie) ou des groupes de parole offrent un soutien vital. Car comprendre les rouages de cette dépendance, c’est déjà commencer à reprendre le contrôle.
Selon la source : passeportsante.net