La tong, cette sandale qui a conquis le monde, pour le meilleur… et pour le pire
Auteur: Mathieu Gagnon
On les a tous aux pieds l’été. Pour aller à la plage, faire les courses, ou simplement traîner dans le jardin. On parle bien sûr des tongs. On pourrait croire que les baskets sont les reines du monde, mais détrompez-vous. Ces simples sandales, avec leur petite lanière qui sépare le gros orteil, se vendent en réalité plus que n’importe quelle autre chaussure. C’est assez fou quand on y pense.
Pour nous, ici, c’est le symbole des vacances, du soleil et de la détente. Mais pour des millions de personnes dans les pays plus pauvres, c’est bien plus que ça. C’est souvent la toute première, et parfois la seule, paire de chaussures qu’elles posséderont. Une histoire à deux visages, donc, pour un objet en apparence si simple.
Un nom différent dans chaque pays
C’est drôle, mais selon l’endroit où vous vous trouvez, on ne les appelle pas de la même manière. Le nom change, mais l’idée reste la même, souvent inspirée par le bruit qu’elles font en marchant. Aux États-Unis, on dit flip-flop. Au Québec, c’est des clic-clac. En Égypte, on entend parler de chip-chip. C’est plutôt amusant, non ?
Chez nous, en France, le mot « tong » vient en fait de l’anglais « thong », qui veut dire lanière. Ce sont les soldats américains qui les ont ramenées de la guerre du Vietnam. Attention à ne pas les confondre avec les « claquettes », ces sandales de piscine avec une large bande sur le dessus. Franchement, elles n’auraient jamais dû sortir des vestiaires, mais c’est une autre histoire…
Chez nous, le symbole des vacances et de l'insouciance
Dès que le soleil pointe le bout de son nez, elles sont partout. Aux pieds des gens qui poussent leur caddie au supermarché, en ville, au camping… partout. Elles sont synonymes de liberté, de simplicité. On se débarrasse de nos chaussures fermées, de nos chaussettes, et hop, on se sent tout de suite en vacances.
Par contre, il faut faire attention. On en voit même qui font du vélo ou qui conduisent avec. C’est non seulement dangereux car le pied peut glisser, mais c’est aussi interdit et vous risquez une amende en conduisant avec. Un petit rappel qui ne fait jamais de mal !
Une sandale pour les riches et pour les pauvres
C’est là que ça devient intéressant. Une tong, c’est juste une semelle et une lanière en plastique. La simplicité même. Et pourtant, elle en dit long sur la personne qui la porte. Un célèbre penseur français, Roland Barthes, aurait sûrement adoré analyser cet objet.
Il aurait vu que cette simplicité n’efface pas les différences. Il y a la tong basique, celle qu’on achète pour deux euros, et puis il y a la tong de grande marque, vendue dans les boutiques de luxe à Paris, qui peut coûter une petite fortune. La même chaussure, mais deux mondes complètement différents. Elle montre aussi le pied, une partie du corps souvent cachée, ce qui lui donne un petit côté séducteur, mine de rien.
La fabrication, du petit atelier au géant brésilien
Comment sont-elles fabriquées ? Eh bien, c’est assez simple, et c’est pour ça qu’on en trouve partout. Pas besoin de machines très compliquées. On peut en faire dans un tout petit atelier, comme c’est le cas en France avec des marques comme Couleur Tong, qui fabrique quelques dizaines de paires par jour.
Et puis, à l’autre bout du monde, il y a le géant : Havaianas, la marque brésilienne. Vous la reconnaissez facilement avec son petit drapeau du Brésil sur la lanière. Leur plus grande usine produit près d’un million de paires… par jour ! À l’origine, c’était la chaussure des pauvres dans les favelas. Et puis, grâce au marketing, à la Coupe du Monde de foot de 1998 et à des collaborations avec des grands couturiers, c’est devenu un accessoire de mode mondial.
Plus qu'une chaussure, une nécessité vitale
Mais oublions un instant les plages et les boutiques de luxe. Pour des centaines de millions de personnes dans le monde, marcher pieds nus est une réalité quotidienne. Et c’est terriblement dangereux. Le sol est plein de dangers : coupures, infections, vers parasites… Les problèmes de santé peuvent être très graves.
Pour ces populations, une simple paire de tongs en plastique à quelques centimes change tout. Ce n’est pas la chaussure idéale pour marcher toute la journée, on est bien d’accord. Mais c’est une protection essentielle qui sauve des pieds et des vies. C’est incomparablement mieux que de n’avoir rien du tout. C’est peut-être ça, le rôle le plus important de la tong.
Le revers de la médaille : un désastre pour la planète
Malheureusement, tout n’est pas rose. La tong est faite de plastique, dérivé du pétrole. Sa fabrication pollue. Mais le plus gros problème, c’est ce qu’elle devient après. Comme elle ne coûte presque rien, on ne lui accorde que peu de valeur.
On l’achète, on la porte un été, puis on la jette. Ou pire, on l’oublie sur la plage. Des millions de tongs finissent ainsi dans les décharges ou dans les océans, où elles polluent pendant des centaines d’années. C’est un véritable symbole de notre culture du jetable. On en achète plusieurs paires pour les assortir à nos tenues, sans penser à l’impact que cela peut avoir.
Conclusion : alors, la tong, ange ou démon ?
Finalement, la tong est pleine de contradictions. D’un côté, elle est un petit plaisir simple, un symbole de liberté pour nous. De l’autre, elle est une protection vitale pour les plus démunis. C’est un bienfait incroyable pour une partie de l’humanité.
Mais c’est aussi un déchet plastique qui s’accumule et pollue notre planète. L’image parfaite de cette dualité, c’est peut-être cette boutique Havaianas qui s’est installée sur les Champs-Élysées, projetant des images de la plage de Copacabana… tout en cachant la réalité des favelas juste derrière. La tong est comme ça : elle nous fait rêver tout en nous rappelant les dures réalités de notre monde. Difficile de la détester, mais impossible de l’aimer sans réserve.
Selon la source : slate.fr