C’est une nuisance qui gâche les soirées d’été et alimente les conversations. Mais derrière la simple piqûre du moustique tigre se cache un enjeu de santé publique bien réel, notamment dans le sud de la France. Face à cet envahisseur, la ville de Montpellier expérimente une approche pour le moins originale : retourner l’ennemi contre lui-même.
Un lâcher massif et très ciblé
Imaginez la scène. Le 22 août dernier, dans le quartier Malbosc, des milliers d’insectes ont été délibérément libérés dans la nature. Pas n’importe lesquels : près de 85 000 moustiques tigres mâles, rendus incapables de se reproduire en laboratoire par la start-up locale Terratis, grâce à une exposition contrôlée aux rayons X. Leur mission ? Séduire pour mieux neutraliser.
Ces mâles, il faut le rappeler, ne piquent pas. Leur unique rôle dans cette opération est de s’accoupler avec les femelles sauvages présentes dans le secteur, afin de couper court à leur cycle de reproduction.
Exploiter la faille biologique du moustique
Toute la stratégie repose sur une particularité biologique simple, mais cruciale. « La femelle ne s’accouple qu’une seule fois dans sa vie », résume Clélia Oliva, la présidente de Terratis. L’idée est donc de « truquer » cette rencontre unique. En inondant une zone de mâles stériles, on maximise les chances pour que ce premier et dernier accouplement soit stérile.
Le résultat est mathématique. La femelle vivra sa vie, cherchera à pondre, mais ses œufs, issus de cette union infructueuse, n’écloront tout simplement jamais. Comme le précise Florian Vernichon, écologue chez Terratis, une fois l’accouplement fait avec un mâle stérile, « elle va pondre des œufs stériles pendant tout le reste de sa vie ».
Viser le long terme, pas l'effet immédiat
Que ceux qui espèrent une disparition instantanée des piqûres ne se réjouissent pas trop vite. L’opération ne vise pas un soulagement pour l’été en cours, mais bien une préparation pour le suivant. Il s’agit de prendre une longueur d’avance sur le cycle de l’insecte.
« L’idée est que les œufs qui vont passer l’hiver soient stériles et qu’au printemps prochain on parte avec plus d’efficacité », explique Clélia Oliva. Ailleurs dans le monde, comme à Singapour ou au Portugal où la méthode est déjà testée, on observe une réduction de la fertilité des œufs d’environ 60 % dès la première année. Un chiffre loin d’être négligeable.
Un enjeu de santé, mais aussi écologique
Car au-delà du confort, c’est bien la santé des habitants qui est en jeu. Vecteur potentiel de maladies comme la dengue ou le chikungunya, le moustique tigre est devenu une préoccupation sérieuse. « Si on diminue la population de moustiques-tigres, ça peut aussi contribuer à diminuer le risque de transmission vectorielle », souligne Pascale Berthommé, de la direction Santé Publique de la ville.
L’autre avantage, et il est de taille, c’est l’aspect écologique de la démarche. Ici, pas de pesticides, pas de produits chimiques qui pourraient affecter le reste de l’écosystème, des abeilles aux oiseaux. On utilise la biologie de l’insecte contre lui-même, dans une approche chirurgicale et respectueuse de l’environnement.
une expérience sous haute surveillance
L’initiative est prometteuse, mais le travail ne fait que commencer. La ville et ses partenaires, comme l’EID Méditerranée, vont maintenant observer attentivement les résultats sur le terrain. Des pièges à œufs seront régulièrement contrôlés pour mesurer concrètement la baisse de la fertilité et l’évolution de la population de moustiques.
Montpellier a peut-être lâché sa petite armée silencieuse dans la nature, mais la vraie bataille se jouera au printemps prochain. Une bataille d’usure, biologique et, tous l’espèrent, victorieuse.
Selon la source : passeportsante.net