Les coachs en développement personnel nous poussent-ils à devenir de parfaits égoïstes ?
Auteur: Mathieu Gagnon
Vous les avez sûrement vus en passant devant une librairie. Ces livres aux titres prometteurs qui nous conseillent de moins nous soucier des autres, de penser d’abord à notre bonheur. On nous parle de « prendre soin de soi », de ne plus avoir peur de décevoir. C’est vrai que ça fait du bien d’entendre ça. Mais à force de n’écouter que soi-même, est-ce qu’on ne risque pas de devenir un peu… insupportable ? C’est la grande question. Est-ce que tous ces conseils sont en train de nous transformer en personnes centrées uniquement sur leur petit nombril, oubliant un peu le monde autour ?
Une mode qui ne date pas d'hier
On pourrait croire que cette idée de penser à soi est toute nouvelle, mais pas du tout. En fait, ça fait bien longtemps que ce genre de livres existe. Figurez-vous qu’un des plus connus, *Comment se faire des amis*, date de 1936 ! C’est dire si le besoin de se sentir mieux dans sa peau et avec les autres ne date pas d’hier. Aujourd’hui, des livres comme *L’Art subtil de s’en foutre* sont devenus de vrais phénomènes. Ils restent des mois, voire des années, parmi les meilleures ventes. Ça montre bien que le sujet touche énormément de monde. Ce n’est pas juste une petite mode passagère.
Quand le monde va mal, on se protège
Il faut dire que le contexte actuel n’aide pas. Chaque jour, à la télé ou sur internet, on entend parler de guerres, de conflits, de problèmes partout dans le monde. C’est lourd, et ça peut faire peur. Face à tout ça, il est assez naturel d’avoir envie de se créer une petite bulle pour se protéger. C’est un peu ce que ces livres nous proposent : ils nous disent qu’on a le droit de fermer un peu la porte aux malheurs du monde pour se concentrer sur soi. En gros, le message c’est : le monde est compliqué, alors occupez-vous de ce que vous pouvez contrôler, c’est-à-dire vous-même.
Apprendre à dire non, une nouvelle vertu ?
Le conseil principal qu’on retrouve partout, c’est d’arrêter de vouloir plaire à tout le monde. On nous explique qu’on a le droit de dire non, de refuser quelque chose sans se sentir coupable. Certains experts, comme la psychologue Ingrid Clayton, expliquent que beaucoup de gens ont été habitués depuis l’enfance à toujours faire passer les désirs des autres avant les leurs. Pour ces personnes, apprendre à dire « En fait, non, aujourd’hui je préférerais manger italien » est déjà une petite révolution. L’idée, ce n’est pas de devenir méchant, mais simplement d’apprendre à écouter ses propres envies et à les exprimer, même pour les petites choses du quotidien.
La politique de l'autruche, jusqu'où peut-on aller ?
Avec la crise du Covid, on a beaucoup entendu parler de « self-care », cette idée de prendre soin de soi. C’est une très bonne chose, bien sûr. Mais la question est de savoir où placer la limite. À quel moment est-ce que « prendre soin de soi » devient une excuse pour ne plus s’occuper des autres ? Si on est trop concentré sur notre bien-être, est-ce qu’on ne risque pas de devenir indifférent à la tristesse de notre voisin, ou aux problèmes plus graves qui se passent dans le monde ? C’est un peu comme faire l’autruche : se cacher la tête dans le sable peut être reposant un temps, mais on ne peut pas ignorer ce qui nous entoure pour toujours.
Trouver le juste milieu, un vrai défi
Tout est une question d’équilibre, et ce n’est pas facile à trouver. Quand faut-il se concentrer sur ses propres problèmes pour aller mieux, et quand faut-il lever la tête pour aider ceux qui nous entourent ? Il n’y a pas de réponse simple. C’est un peu comme un curseur qu’il faudrait régler chaque jour. Parfois, on a vraiment besoin de se recentrer, de recharger les batteries. D’autres fois, on a l’énergie et le devoir de s’ouvrir aux autres, de tendre la main. Le plus difficile, c’est de savoir quand faire l’un ou l’autre sans tomber dans l’égoïsme ou, à l’inverse, dans l’épuisement.
Un message qui ne veut pas dire la même chose pour tout le monde
Et puis, il faut voir que ce conseil de « penser à soi d’abord » n’a pas le même sens pour tout le monde. Pour une personne qui a déjà beaucoup de pouvoir et de privilèges, cela peut vite devenir une excuse pour ne penser qu’à soi, en mode « chacun pour sa pomme ». Mais pour quelqu’un qui fait face à des difficultés, à des injustices au quotidien, c’est très différent. Pour cette personne, penser à soi devient une question de survie. C’est une façon de se protéger, de garder la tête haute et de trouver la force de continuer à se battre. Le même conseil peut donc être une arme pour se défendre ou un bouclier pour s’isoler. Tout dépend de qui l’entend.
Conclusion : alors, bonne ou mauvaise chose ?
Au final, il n’y a pas de réponse toute faite. Le développement personnel n’est ni tout blanc, ni tout noir. Apprendre à se respecter et à poser ses limites est essentiel pour ne pas se laisser dévorer par la vie. Mais le risque, c’est de tomber dans l’excès et de construire un mur entre soi et les autres. Peut-être que la clé, c’est de voir ces conseils non pas comme une autorisation à être égoïste, mais plutôt comme un moyen de devenir plus fort. Et une personne plus forte, plus solide, est souvent une personne qui a plus à offrir aux autres. Tout est, comme toujours, une question de mesure et d’intention.
Selon la source : slate.fr