Sclérose en plaques : des chercheurs français sur la piste d’un signal pour prédire les poussées
Auteur: Adam David
C’est la hantise de toute personne atteinte de sclérose en plaques : la poussée, imprévisible et souvent dévastatrice. Une équipe de chercheurs toulousains vient peut-être de trouver le moyen de l’anticiper, en identifiant un acteur inattendu dans le déclenchement de l’inflammation cérébrale. Publiée dans la prestigieuse revue Science Translational Medicine, leur découverte ouvre des perspectives vertigineuses pour le suivi et le traitement de la maladie.
Le régulateur devenu agresseur
Au cœur de cette avancée, on trouve un certain type de globules blancs, les lymphocytes T folliculaires régulateurs (Tfr). Normalement, leur rôle est de calmer le jeu, d’inhiber les réactions auto-immunes. Mais dans le cas de la sclérose en plaques, les chercheurs de l’institut toulousain Infinity ont observé qu’ils jouaient un rôle à contre-emploi. « Dans la SEP, ces cellules participent à la pathologie », explique Nicolas Fazilleau, directeur de recherche à l’Inserm et pilote de l’étude.
Concrètement, au lieu de freiner l’inflammation, ces Tfr encouragent d’autres cellules immunitaires, les lymphocytes B mémoire, à migrer vers le cerveau. C’est ce mécanisme qui est directement à l’origine de la neuro-inflammation, et donc des poussées de la maladie. Une sorte de pompier pyromane à l’échelle cellulaire.
Du laboratoire au chevet des patients
Pour s’assurer que cette observation n’était pas un simple hasard de laboratoire, l’équipe a analysé les prélèvements sanguins d’une centaine de patients suivis dans les CHU de Toulouse et de Rennes. Le résultat est sans appel. Lors des poussées, la population de ces fameux Tfr augmente significativement dans le sang. « La fréquence de ces cellules régulatrices était parfaitement corrélée à la neuro-inflammation », confirme Nicolas Fazilleau.
Cette corrélation est si forte qu’elle a immédiatement mis les chercheurs sur une piste : et si le taux de Tfr pouvait servir de signal d’alarme ? Un indicateur biologique pour prédire l’imminence d’une crise.
La preuve par la souris
Comme souvent en recherche médicale, la confirmation est venue d’un modèle animal. Les scientifiques ont étudié des souris atteintes d’une maladie mimant la sclérose en plaques. Chez celles qui étaient génétiquement dépourvues de ces cellules Tfr, l’inflammation cérébrale était bien moins importante. Ces souris développaient une forme plus légère de la maladie, avec moins de poussées inflammatoires. L’expérience a parlé d’elle-même : sans l’activité de ces cellules, le mal est moins sévère.
Vers un 'bulletin météo' des rechutes ?
L’application la plus directe de cette découverte serait donc de pouvoir anticiper les poussées. Un simple test sanguin pourrait demain alerter médecins et patients qu’une crise se prépare, avant même l’apparition des premiers symptômes cliniques. Une véritable révolution. « Détecter une rechute en amont permettrait de traiter les patients plus tôt », souligne le chercheur. Car c’est là tout l’enjeu : intervenir avant que les dégâts sur le système nerveux ne deviennent irréversibles.
Une nouvelle porte d'entrée thérapeutique
Mais l’équipe ne s’est pas arrêtée là. En creusant le mécanisme, elle a identifié une autre pièce du puzzle : une molécule nommée S1PR2. Située à la surface des lymphocytes B, elle agit comme un frein, les empêchant normalement de quitter les ganglions et de vagabonder dans l’organisme. Les Tfr semblent saboter ce frein, favorisant ainsi l’échappée des lymphocytes B vers le cerveau.
Cette découverte dessine une nouvelle stratégie thérapeutique. « Cibler ou contrôler l’expression de ce récepteur particulier permettrait d’empêcher les lymphocytes B de s’échapper vers le système nerveux central », imagine Nicolas Fazilleau. L’idée ne serait plus de combattre l’inflammation une fois installée, mais de l’empêcher à sa source.
Un espoir, et un long chemin
Bien sûr, la route est encore longue entre la paillasse du laboratoire et la pharmacie. Il faudra des années pour développer et valider un test de prédiction fiable ou un nouveau médicament ciblant ce mécanisme. Mais pour les centaines de milliers de personnes vivant avec l’incertitude de la sclérose en plaques, cette découverte est bien plus qu’une simple publication scientifique. C’est un pas tangible vers une médecine plus personnalisée et, peut-être, une vie un peu plus sereine.
Selon la source : lequotidiendumedecin.fr