Des sites archéologiques cachés révélés dans la jungle grâce à l’IA avant leur disparition
Auteur: Mathieu Gagnon
Imaginez un instant. Au cœur de la forêt amazonienne, sous des arbres hauts comme des immeubles, se cachent les vestiges de civilisations entières. Des villes, des routes, des histoires qui remontent à des milliers d’années. C’est un trésor immense, mais presque impossible à trouver. La jungle est si grande, si dense… c’est comme chercher une aiguille dans une botte de foin de la taille de l’Europe. Les archéologues pourraient y passer toute leur vie sans en explorer ne serait-ce qu’une petite partie. Alors, comment faire ? On se sent un peu démuni face à une telle immensité. Mais voilà que la technologie moderne vient leur donner un coup de main assez spectaculaire.
Un concours un peu spécial lancé par les créateurs de ChatGPT
C’est là qu’intervient une idée assez originale. OpenAI, l’entreprise qui a créé le fameux robot conversationnel ChatGPT, s’est associée à deux archéologues de renom. Ensemble, ils ont lancé un concours : le « OpenAI to Z Challenge ». L’objectif ? Inviter des passionnés de technologie du monde entier à utiliser l’intelligence artificielle pour débusquer des sites archéologiques inconnus. L’idée était simple : utiliser la puissance des ordinateurs pour voir ce que l’œil humain ne peut pas percevoir à travers des kilomètres de feuilles et de branches. Un vrai jeu de piste, mais à l’échelle d’un continent.
L'équipe "Black bean" et sa découverte de 67 zones prometteuses
Et ça a marché ! Une équipe de trois personnes, qui s’est donné le nom amusant de « Black Bean » (Haricot Noir), a remporté le défi. Leur travail a bluffé les juges, dont faisaient partie Sarah Parcak, une spécialiste de l’Égypte ancienne, et Chris Fisher, un expert de l’Amérique centrale. En analysant des montagnes de données, ils ont réussi à identifier soixante-sept zones bien précises, principalement au Brésil, qui pourraient cacher des sites anciens importants. Ce ne sont pas juste des suppositions en l’air ; ce sont des points de départ concrets pour de futures fouilles. C’est un peu comme si on leur avait donné une carte au trésor.
Mais comment cette "magie" fonctionne-t-elle exactement ?
Alors, quel est leur secret ? Ce n’est pas de la sorcellerie, mais de la technologie très poussée. L’équipe a « nourri » un ordinateur avec des tonnes d’informations : des images satellites de Google, des données LiDAR (une sorte de radar laser qui peut voir à travers les arbres) et des cartes en 3D de la NASA. Ensuite, ils ont utilisé le modèle GPT-4o, le cerveau d’OpenAI, pour lui apprendre à reconnaître les formes et les motifs typiques des sites archéologiques déjà connus. L’IA a ensuite comparé ces modèles avec des régions encore inexplorées, un peu comme un détective qui cherche des indices familiers sur une nouvelle scène de crime.
Une logique finalement très simple : suivre l'eau
Ce qui est assez fascinant, c’est que les découvertes de l’IA sont pleines de bon sens. Un des membres de l’équipe, Yao Zhao, a expliqué que la plupart des zones qu’ils ont repérées se trouvent près de rivières ou de points d’eau. Et quand on y pense, c’est tout à fait logique. Comme nous aujourd’hui, les anciennes civilisations avaient besoin d’eau pour vivre, pour cultiver, pour se déplacer. Elles s’installaient donc tout naturellement près des sources d’eau. L’IA n’a fait que confirmer, à très grande échelle, ce que les archéologues savaient déjà intuitivement.
Une course contre la montre pour sauver ce qui peut encore l'être
Cette technologie arrive à un moment crucial. Ces trésors cachés sont en grand danger. La déforestation ronge la forêt amazonienne à une vitesse effrayante, et l’usure du temps fait son œuvre. Chaque jour, des vestiges peuvent disparaître à jamais, emportant avec eux une partie de notre histoire commune. L’IA offre une chance inespérée d’accélérer les recherches, de savoir où concentrer les efforts avant qu’il ne soit trop tard. Comme le dit l’archéologue Chris Fisher, « nous disposons d’une période limitée pour documenter la Terre avant qu’elle ne change fondamentalement ». C’est une véritable course contre la montre.
Une avancée formidable, mais qui soulève des questions
Bien sûr, tout n’est pas si simple. Cette nouvelle approche soulève des questions importantes. Le principal reproche est que les peuples autochtones qui vivent dans ces régions depuis des générations n’ont pas été consultés. Leurs terres ancestrales sont scrutées depuis l’espace sans leur accord, ce qui peut être perçu comme une forme de manque de respect. D’ailleurs, le ministère indigène du Brésil a demandé l’arrêt du concours. C’est un rappel important : la technologie est un outil puissant, mais elle doit être utilisée avec sagesse et en concertation avec les communautés locales pour protéger leur patrimoine.
Conclusion : l'archéologue de demain aura une nouvelle pioche, numérique
Alors, l’intelligence artificielle va-t-elle remplacer les archéologues en bottes et avec leur chapeau ? Certainement pas. Sarah Parcak le résume très bien : l’IA ne va pas piquer le travail des archéologues, elle va simplement le démultiplier. C’est un nouvel outil dans leur boîte, une sorte de super-jumelles capable de scruter la planète entière. Le travail sur le terrain, l’expertise humaine, la patience de déterrer délicatement un objet fragile… tout ça restera irremplaçable. L’IA va juste les aider à savoir où creuser. C’est le début d’une nouvelle ère pour l’archéologie, une aventure où l’humain et la machine collaborent pour redécouvrir notre passé avant qu’il ne s’efface.
Selon la source : slate.fr