Une bactérie de yellowstone vient de réécrire les règles de la vie telles que nous les connaissions
Auteur: Mathieu Gagnon
On pense souvent que la vie suit des règles bien précises, un peu comme dans les manuels scolaires. Pour avoir de l’énergie, la plupart des êtres vivants, y compris nous, ont besoin d’oxygène. C’est notre carburant principal. Mais dans le monde microscopique, certaines créatures, les microbes, ont d’autres astuces quand l’oxygène se fait rare. Jusqu’à présent, les scientifiques pensaient que c’était soit l’un, soit l’autre. Jamais les deux en même temps.
Mais voilà, une équipe de chercheurs de l’Université d’État du Montana a trouvé une petite bactérie dans une source chaude du célèbre parc de Yellowstone qui, visiblement, n’a jamais lu ces manuels. Cette découverte pourrait bien nous forcer à revoir tout ce que nous pensions savoir sur la survie dans des conditions extrêmes.
Des microbes qui respirent l'oxygène et le soufre en même temps
Pour faire simple, la respiration, pour une cellule, c’est le moyen de transformer la nourriture en énergie. La méthode la plus connue utilise l’oxygène. Mais quand il n’y en a pas, certains microbes se tournent vers d’autres éléments, comme le soufre, le fer ou le nitrate. C’est juste une autre façon de faire le même travail.
Ce qui est incroyable avec la bactérie de Yellowstone, appelée *Aquificales*, c’est qu’elle ne choisit pas. Elle fait les deux en même temps ! Les chercheurs ont observé qu’elle produisait du sulfure (un signe qu’elle utilise le soufre) tout en consommant de l’oxygène. C’était totalement inattendu. Lisa Keller, la chercheuse principale, l’a dit elle-même : « Il n’y a pas d’autre explication que le fait que ces cellules respirent de l’oxygène en même temps qu’elles respirent du soufre élémentaire ». C’est un peu comme si une voiture pouvait rouler à l’essence et à l’électricité simultanément.
Un environnement extrême, une stratégie de survie unique
Il faut dire que vivre dans une source chaude de Yellowstone, ce n’est pas de tout repos. L’eau est brûlante, pleine de minéraux dissous, et le niveau d’oxygène change constamment. Pourquoi ? Parce que l’eau chaude retient beaucoup moins bien l’oxygène que l’eau froide, et il s’échappe facilement.
Dans un tel environnement, être capable de s’adapter à la minute près est une question de vie ou de mort. Cette bactérie est une championne de l’adaptation. Elle adore les températures élevées et se nourrit de choses simples comme l’hydrogène. Quand il y a de l’oxygène, elle l’utilise. Quand il n’y en a plus assez, elle passe au soufre sans s’arrêter. Ou mieux encore, elle fait les deux pour ne jamais être à court d’énergie.
Dans les coulisses du laboratoire
Comment ont-ils prouvé une chose pareille ? Ce n’était pas simple. D’abord, l’équipe a isolé le microbe et l’a cultivé en laboratoire dans des conditions similaires à sa source chaude. Ils lui ont donné sa nourriture préférée (de l’hydrogène gazeux) et les deux options pour respirer : de l’oxygène et du soufre.
Ensuite, ils ont joué aux détectives. Ils ont mesuré précisément la quantité d’oxygène consommée et ont surveillé l’apparition de sulfure, la preuve irréfutable de l’utilisation du soufre. Mais ce n’est pas tout. Ils ont aussi regardé à l’intérieur de la bactérie pour voir quels « interrupteurs » génétiques étaient activés. Et bingo : les gènes responsables de l’utilisation de l’oxygène ET ceux pour le soufre étaient tous allumés en même temps.
Le secret d'une croissance plus rapide
Alors, quel est l’intérêt pour la bactérie de se compliquer la vie ? La réponse est simple : l’efficacité. Les expériences ont montré que les cultures de bactéries qui avaient accès à la fois à l’oxygène et au soufre se développaient beaucoup plus vite et devenaient plus nombreuses. En fait, la croissance était plus rapide et le nombre de cellules plus élevé que lorsque les bactéries n’avaient que l’oxygène ou que le soufre à leur disposition.
C’est une stratégie gagnante, surtout quand l’oxygène n’est pas fiable. Une petite astuce a d’ailleurs peut-être empêché de voir ce phénomène plus tôt : le produit de la respiration au soufre, le sulfure, est rapidement détruit par l’oxygène. Sans un suivi très attentif, on aurait pu croire que rien ne se passait. Les chercheurs ont été plus malins.
Et si c'était une vieille astuce de la nature ?
Ce qui rend cette histoire encore plus fascinante, c’est que cette bactérie n’est probablement pas la seule à utiliser cette technique. Des gènes similaires ont été retrouvés chez de nombreux autres microbes. On dirait bien que cette « double respiration » pourrait être une stratégie de survie bien plus répandue qu’on ne l’imaginait, surtout dans des lieux où tout change tout le temps, comme les sources chaudes ou les fonds marins.
Cette découverte nous ramène aussi des milliards d’années en arrière. À l’époque où la vie est apparue sur Terre, l’oxygène était rare et instable. Les premiers microbes qui ont appris à utiliser les petites bouffées d’oxygène disponibles, tout en gardant leur ancien métabolisme sans oxygène en marche, ont dû avoir un avantage énorme. Cette bactérie de Yellowstone, bien que moderne, nous montre peut-être à quoi ressemblait la vie lors du Grand Événement d’Oxydation, ce moment clé où l’oxygène a commencé à s’accumuler sur notre planète.
Comment cette double respiration fonctionne-t-elle ?
Imaginons une échelle d’énergie. L’oxygène est tout en haut. L’utiliser, c’est comme dévaler la plus grande pente : ça libère un maximum d’énergie. Le soufre est un peu plus bas sur l’échelle ; il donne de l’énergie, mais un peu moins.
Normalement, une cellule choisit la meilleure option disponible, donc l’oxygène. Mais quand celui-ci vient à manquer par intermittence, au lieu de tout arrêter et d’attendre, la bactérie *Aquificales* est plus maligne. Elle continue d’utiliser le peu d’oxygène qu’elle trouve tout en activant la voie du soufre en parallèle. Cela lui assure un flux d’énergie constant, sans interruption. C’est la combinaison de la chaleur, qui favorise les réactions chimiques, et de la disponibilité de l’hydrogène (le combustible) et du soufre qui rend cette stratégie si avantageuse dans son milieu.
Au-delà du laboratoire, à quoi ça peut servir ?
Cette histoire de bactérie n’est pas juste une curiosité scientifique. Elle pourrait avoir des applications bien réelles. Par exemple, en encourageant ce genre de double métabolisme, on pourrait rendre plus efficaces les systèmes qui transforment les déchets en énergie ou qui dépolluent les sols, surtout dans des conditions où l’apport en oxygène est difficile à contrôler.
C’est aussi une leçon d’humilité pour les scientifiques. Elle leur rappelle que la nature est rarement aussi simple que les expériences en laboratoire. Pour vraiment comprendre la vie, il faut parfois recréer des conditions aussi complexes et changeantes que celles du monde réel. C’est dans ce « désordre » que se cachent les stratégies de survie les plus ingénieuses.
Conclusion : une leçon d'adaptation
Au final, cette petite bactérie de Yellowstone nous rappelle une chose essentielle : la vie est incroyablement inventive et flexible. Elle ne se soucie pas de nos règles et de nos catégories. Son seul but est de continuer, de s’adapter et de survivre, peu importe les défis.
C’est une belle leçon d’adaptation qui nous montre qu’il y a encore tant de merveilles à découvrir, parfois dans les endroits les plus inhospitaliers de notre propre planète. Comme le dit la chercheuse, « cela ouvre la porte à de nombreuses explorations ». Et qui sait quelles autres surprises le monde microscopique nous réserve.
Selon la source : earth.com