Et si l’intelligence artificielle pouvait nous aider à écouter les murmures les plus secrets de l’univers ? C’est la promesse portée par Google, qui vient de dévoiler un système capable d’affiner la détection des ondes gravitationnelles, ces discrètes vibrations de l’espace-temps qui nous racontent les événements cosmiques les plus violents.
Une fenêtre encore trop étroite sur le cosmos
Depuis leur première détection en 2015 – une prouesse qui a valu un prix Nobel –, les ondes gravitationnelles ont ouvert une nouvelle fenêtre sur le cosmos. La collision de deux trous noirs, confirmée par l’observatoire LIGO, a validé une prédiction centenaire d’Einstein et inauguré ce que l’on appelle l’astronomie multi-messager.
Pourtant, cette fenêtre reste encore bien étroite. Les détecteurs actuels, comme LIGO et Virgo, sont de formidables machines, mais ils opèrent dans une bande de fréquence limitée. Imaginez écouter un orchestre avec des bouchons d’oreilles qui ne laisseraient passer que les sons les plus aigus. C’est un peu la situation actuelle : on capte les fusions rapides de trous noirs stellaires, mais on est sourd aux phénomènes plus lents, comme ceux impliquant les trous noirs supermassifs qui sommeillent au cœur des galaxies.
Dompter le bruit parasite, le grand défi
Le principal obstacle n’est pas la technologie elle-même, mais le bruit. Les signaux que l’on cherche sont d’une faiblesse inouïe, une déformation infime de l’espace. Le moindre soubresaut de la Terre, la plus petite vibration thermique ou électronique dans les instruments suffit à les noyer dans un brouhaha indéchiffrable.
Concrètement, les vibrations sismiques perturbent les basses fréquences, tandis que d’autres interférences affectent les plus hautes. C’est pour cette raison que les observatoires sont des bijoux d’ingénierie, isolés du monde. Mais cette isolation a ses limites, et une grande partie du spectre gravitationnel nous échappe encore.
Deep Loop Shaping : l'IA en chef d'orchestre
C’est précisément sur ce verrou technologique que Google DeepMind a décidé de se pencher. Leur solution, baptisée Deep Loop Shaping, n’est pas un simple filtre. C’est un véritable chef d’orchestre intelligent, capable d’ajuster en temps réel les réglages ultra-sensibles des interféromètres pour dompter le ‘bruit’ qui parasite les écoutes.
En utilisant l’apprentissage par renforcement, l’IA apprend à stabiliser les miroirs des détecteurs avec une efficacité redoutable, sans pour autant introduire de nouvelles perturbations. Loin de n’être qu’une simulation, le système a été testé avec succès sur le site LIGO de Livingston, aux États-Unis, démontrant sa pertinence dans des conditions réelles.
Des résultats qui laissent rêveur
Les premiers résultats sont plus qu’encourageants. Selon Google, la méthode pourrait améliorer jusqu’à 100 fois les performances de l’observatoire dans certaines configurations. Autrement dit, on pourrait passer de quelques détections spectaculaires à des centaines de nouveaux événements chaque année, captés avec une précision et un niveau de détail inédits.
Cette avancée ne se limite pas à la quantité. En élargissant la gamme de fréquences audibles, on pourrait enfin commencer à chasser ces fameux trous noirs supermassifs, et peut-être découvrir des phénomènes cosmiques dont nous ne soupçonnons même pas l’existence.
DeepMind, le laboratoire qui voulait résoudre la science
Ce n’est pas la première fois que le laboratoire londonien, racheté par Google en 2014, s’attaque à des problèmes scientifiques fondamentaux. On se souvient d’AlphaGo, qui avait stupéfié le monde en battant les meilleurs joueurs de Go, un jeu réputé pour son intuition. Plus récemment, AlphaFold a révolutionné la biologie en prédisant la structure tridimensionnelle des protéines, une prouesse qui a valu à son PDG, Demis Hassabis, le prix Nobel de chimie en 2024.
De la stabilisation de réacteurs à fusion nucléaire à l’astronomie, DeepMind continue de démontrer que ses modèles d’IA peuvent être bien plus que des outils : de véritables partenaires de recherche. La technique Deep Loop Shaping pourrait d’ailleurs trouver des applications dans tous les domaines nécessitant un contrôle vibratoire de haute précision.
Conclusion
Avec cet outil, la quête des ondes gravitationnelles entre dans une nouvelle ère. L’enjeu n’est pas seulement d’accumuler plus de données, mais de potentiellement révéler des pans entiers de la physique qui nous sont aujourd’hui inaccessibles. En apprenant à mieux écouter l’univers, c’est peut-être une nouvelle façon de le comprendre qui se dessine à l’horizon.
Selon la source : tameteo.com