des œufs de dinosaures apportent de nouvelles informations sur le climat terrestre d’il y a 85 millions d’années
Auteur: Adam David
Parfois, l’histoire ne se lit pas que dans les grands ossements. En Chine, des œufs de dinosaures, conservés presque intacts, viennent de livrer leurs secrets grâce à une nouvelle technique de datation, nous offrant une fenêtre sur le climat de la Terre à la fin du Crétacé.
Qinglongshan, la pouponnière des dinosaures
Imaginez une colline dans le centre de la Chine, sur les pentes du Qinglongshan. Ce n’est pas un site comme les autres. Au fil des ans, les chercheurs y ont déterré plus de 3 000 œufs fossiles, au point d’en faire la première réserve nationale dédiée. Une véritable pouponnière du Crétacé.
Le trésor, ici, n’est pas tant la quantité que la qualité. Beaucoup de ces œufs reposent encore dans des roches sédimentaires à peine altérées, parfois même en grappes, comme si la mère venait de quitter le nid. L’un d’eux, contenant 28 spécimens, a particulièrement attiré l’œil des scientifiques de l’Institut de géosciences du Hubei.
Dans l'intimité d'une coquille
Mais qu’est-ce qui rend ce nid si spécial ? À l’intérieur, les coquilles appartiennent à l’espèce *Placoolithus tumiaolingensis*. Leur particularité : une structure très poreuse, typique de la famille des Dendroolithidae. Pour les paléontologues, ce n’est pas un détail.
Cette porosité pourrait bien être la signature d’une adaptation à un climat bien spécifique, et en pleine mutation. C’est du moins l’hypothèse de Bi Zhao, l’auteur principal de l’étude parue dans *Frontiers in Earth Science*. La coquille, fragile armure, devient alors un indice sur le monde extérieur de l’époque.
Une horloge géologique d'une précision inédite
Le véritable coup de théâtre de cette recherche réside dans la méthode. Pour la première fois sur ce site, les scientifiques ont appliqué une datation uranium-plomb directement sur les fragments de coquille. Fini, les estimations basées sur les couches de cendres volcaniques ou de sédiments alentour, souvent imprécises.
Grâce à un micro-laser et à la spectrométrie de masse, ils ont pu mesurer la désintégration naturelle de l’uranium en plomb au sein même du fossile. C’est un peu comme utiliser une horloge atomique pour remonter le temps. Le verdict est tombé, d’une fiabilité redoutable : ces œufs ont 85 millions d’années, avec une marge d’erreur de seulement 1,7 million d’années.
Quand un œuf réécrit la carte du climat
Ce chiffre, 85 millions d’années, n’est pas qu’une simple date sur un calendrier géologique. Il replace très précisément la ponte de ces dinosaures dans un contexte climatique global bien connu : un épisode de refroidissement progressif de la planète.
Cette tendance avait débuté quelques millions d’années plus tôt, durant l’étage Turonien. La datation directe de ces œufs confirme donc que ces animaux vivaient et se reproduisaient dans un monde dont le thermostat était en train de baisser. Leur adaptation, visible dans la structure de leurs coquilles, prend alors tout son sens.
Vers une nouvelle chronologie mondiale des dinosaures
Et si cette méthode chinoise changeait la donne partout dans le monde ? C’est tout l’enjeu. En permettant de dater les œufs indépendamment de leur contexte rocheux, elle ouvre la voie à une comparaison fiable entre des fossiles découverts aux quatre coins du globe. On pourrait enfin établir des chronologies solides pour suivre les migrations ou comprendre des extinctions locales.
Ces coquilles poreuses, véritables indicateurs paléoclimatiques, racontent aussi une histoire plus tragique. Certains chercheurs pensent que cette espèce, trop spécialisée, trop adaptée à un climat particulier, n’aurait pas survécu aux variations brutales qui ont suivi. Une adaptation qui se serait finalement retournée contre elle.
l'infiniment petit au service des géants disparus
C’est une autre manière de raconter l’histoire de la Terre. Moins spectaculaire, peut-être, que celle des squelettes de tyrannosaures, mais tout aussi fondamentale. Grâce à la géochimie, de fragiles coquilles d’œufs, silencieuses depuis des millions d’années, sont en train de devenir les témoins les plus précis d’un monde que nous ne cesserons jamais de redécouvrir.
Selon la source : science-et-vie.com