Donald Trump reçu par la famille royale britannique, lors d’une cérémonie marquée par le faste au château de Windsor
Auteur: Adam David
Des carrosses, des gardes en bonnet d’ours et les ors d’un château millénaire. Le Royaume-Uni a déroulé le tapis rouge pour Donald Trump, mercredi, dans une opération de séduction diplomatique millimétrée. L’objectif, à peine voilé, était d’utiliser la fascination bien connue du président américain pour la monarchie afin de réchauffer une « relation spéciale » jugée essentielle de part et d’autre de l’Atlantique.
Une diplomatie de la flatterie
Personne ne s’en est vraiment caché, ni du côté des diplomates ni dans les médias britanniques : cette visite d’État était avant tout une opération charme. Charles III, dans son rôle d’hôte, a été la carte maîtresse du gouvernement travailliste de Keir Starmer pour amadouer un dirigeant réputé imprévisible. On a donc soigneusement évité les sujets qui fâchent, comme le conflit en Ukraine, l’urgence climatique ou l’affaire Epstein, ce prédateur sexuel dont Trump fut proche, tout comme le prince Andrew, frère du roi aujourd’hui mis au ban.
Le calcul est simple : miser sur l’attachement de Trump à ses racines écossaises – sa mère en était originaire et il y possède deux parcours de golf – et sur son faible pour l’apparat royal.
Windsor, une forteresse dorée
Pour le maintenir à bonne distance d’éventuels manifestants, mais aussi pour le plonger dans un univers qu’il affectionne, le président américain a passé sa journée confiné derrière les hauts murs du château de Windsor. Le programme ? Une immersion totale dans le folklore militaire britannique. Des joueurs de cornemuse aux célèbres « bearskins » de la garde royale, rien n’a été laissé au hasard. Le clou du spectacle fut sans doute cette cérémonie de la « battue en retraite » menée par la Old Guard, le plus ancien régiment de l’armée américaine. Du jamais-vu pour une visite d’État, a même précisé le ministère de la Défense britannique.
Un privilège sous conditions
Toutefois, tous les honneurs ne lui ont pas été accordés. Contrairement à Emmanuel Macron avant lui, Donald Trump n’a pas été invité à s’adresser aux parlementaires à Westminster. Un signe, sans doute, de sa faible popularité dans le pays. Une étude YouGov publiée le jour même révélait que plus de la moitié des Britanniques estiment que sa présidence n’a rien apporté de bon au Royaume-Uni.
Qu’importe, le locataire de la Maison Blanche a eu droit à son dîner d’État, avec 160 convives triés sur le volet, dont le prince et la princesse de Galles. L’occasion pour lui de déclarer, avant même de goûter à la panna cotta de cresson, que « le terme spécial ne rend pas assez justice à la relation spéciale » entre les deux nations. De quoi, assurément, ravir ses hôtes.
À Londres, un autre comité d'accueil
Pendant que Windsor jouait sa partition, une autre ambiance régnait dans les rues de Londres, bien que la mobilisation fut moindre qu’en 2019. Environ 5 000 personnes ont répondu à l’appel de la « Stop Trump coalition », scandant des slogans sans équivoque comme « Trump not welcome here ». Au milieu de la foule, Amy, venue de Bristol, tenait une bannière où l’on pouvait lire « Orange lies matter » (un jeu de mots sur « les mensonges de l’orange comptent »). Elle explique vouloir « faire quelque chose de positif » et ne pas laisser « perdre de vue les mensonges » du président américain.
Deux visages du Royaume-Uni
Alors, que pense Amy de cette grande opération de séduction menée par son gouvernement ? Elle hausse les épaules, avec un certain fatalisme. « C’est de la politique. Je suppose qu’ils n’ont pas le choix, mais je ne le ferais pas ! » Une phrase qui résume parfaitement le grand écart du Royaume-Uni. D’un côté, le pragmatisme d’une diplomatie prête à toutes les flatteries pour préserver un allié stratégique. De l’autre, une opinion publique qui n’oublie rien et ne cache pas son malaise. Entre la realpolitik des palais et le rejet d’une partie de la rue, le gouvernement britannique marche sur une ligne de crête.
Selon la source : lemonde.fr