Saint-Jean-sur-Richelieu : l’incendie mortel qui a ravagé un immeuble fait désormais l’objet d’une enquête criminelle
Auteur: Adam David
Ce qui n’était au départ qu’un terrible fait divers a pris une tout autre tournure. L’incendie qui a ravagé un immeuble résidentiel de Saint-Jean-sur-Richelieu le week-end dernier, coûtant la vie à une femme de 43 ans, est désormais traité comme un acte criminel. La Sûreté du Québec a repris l’enquête, laissant une communauté sous le choc, entre le deuil et l’incompréhension.
Une nuit d'horreur sur la rue De Salaberry
La nuit a basculé vers 4h10, dimanche matin. Des cris, puis de la fumée. C’est ce qui a alerté Daniel Légaré, un voisin direct. « Je suis allée m’asseoir dans mon salon et c’est là que j’ai vu de la boucane qui grimpait », raconte-t-il, encore secoué. Son premier réflexe : appeler les secours. « Je suis sortie et en voyant le feu j’ai appelé le 911 ».
Conscient que des gens vivaient à l’étage, il a eu la présence d’esprit de demander une échelle aux policiers. Une intuition qui a peut-être sauvé des vies. Il se souvient encore de cette image surréaliste : « Une dame est descendue de l’échelle avec son petit chat ». Mais tout le monde n’a pas eu cette chance. Trois personnes ont été hospitalisées pour des blessures légères, et Valérie Christin Daigle, 43 ans, a été retrouvée sans vie.
L'enquête confiée à la Sûreté du Québec
Dès lundi, l’atmosphère a changé. L’enquête, d’abord locale, a été transférée à la Division des crimes contre la personne de la Sûreté du Québec. Une procédure habituelle lorsque des « éléments suspects » laissent croire à une origine criminelle. Pour l’heure, le voile n’a pas été levé sur la nature de ces éléments, et aucune arrestation n’a encore eu lieu. Le silence des autorités alimente les questions dans le voisinage.
Un immeuble au passé trouble, miroir d'une détresse sociale
Car l’immeuble de la rue De Salaberry n’était pas un bâtiment comme les autres. Les témoignages des voisins, recueillis sous couvert d’anonymat par crainte de représailles, dessinent le portrait d’un lieu « à problèmes ». On parle d’un va-et-vient incessant, probablement lié au trafic de drogue, et d’une population de locataires particulièrement vulnérable.
« Ça fait des années que ça crie et qu’il y a des va-et-vient », glisse un résident du quartier, qui concède toutefois que « ça semblait plus tranquille depuis quelques mois ». Une accalmie précaire, qui a volé en éclats dans la nuit de dimanche.
Le propriétaire face à une situation complexe
Rencontré sur les lieux, le propriétaire, William Désourdy, ne cache pas la situation complexe. Il confirme que l’immeuble abritait six locataires et qu’il avait engagé des procédures auprès du Tribunal administratif du logement. La raison ? Aucun loyer n’avait été payé depuis le mois de juin.
Loin de rejeter ses locataires, il affirme qu’il souhaitait continuer de loger « le même type de clientèle », souvent exclue du marché locatif traditionnel. Sa seule condition était pragmatique : « Je n’aurais eu aucun problème à ce qu’ils restent s’ils payaient », précise-t-il. Une réalité économique qui se heurte de plein fouet à la précarité de ses occupants.
Le souvenir de la « petite fleur bleue »
Au-delà des tensions et du drame, il y a le souvenir d’une femme. Dans le Vieux-Saint-Jean, Valérie Christin Daigle n’était pas une inconnue. Beaucoup se souviennent de sa silhouette et, surtout, de sa perruque bleue qui colorait les rues du quartier. Une touche de fantaisie dans une vie que l’on devine difficile.
Un intervenant social du secteur, connu sous le pseudonyme Dom2.0, est particulièrement ému. « On n’oubliera pas ma petite fleur bleue. C’est quelque chose de très dur à vivre », souffle-t-il. Il se rappelle l’avoir vue la semaine dernière, heureuse de recevoir des vêtements qu’il distribuait. « Elle appréciait beaucoup ce qu’on faisait pour elle. » Un simple moment de joie, juste avant la tragédie.
un quartier entre deuil et attente de réponses
Aujourd’hui, le quartier du Vieux-Saint-Jean panse ses plaies. La carcasse noircie de l’immeuble est là pour rappeler la violence des événements. Tandis que les enquêteurs cherchent à assembler les pièces du puzzle pour comprendre comment et pourquoi le feu a démarré, les habitants, eux, pleurent une voisine qui, derrière sa perruque colorée, portait une part de leur humanité.
Selon la source : journaldemontreal.com