Depuis des décennies, les scientifiques se posent une question qui ressemble à une énigme : de quoi est fait notre univers ? On connaît les étoiles, les planètes, tout ce qu’on peut voir. Mais il y a autre chose, une matière invisible qu’on appelle la matière noire. C’est un peu comme le ciment de l’univers, elle tient tout en place, mais personne n’a jamais réussi à la voir ou à la toucher.
Après 40 ans de recherches et de nombreuses théories qui n’ont rien donné, on commençait un peu à désespérer. Et puis voilà qu’une nouvelle idée, complètement différente et assez surprenante, vient de voir le jour. Et si la solution se cachait dans des particules aux propriétés totalement inattendues ?
La matière noire, ce grand fantôme de l'univers
Pour bien comprendre, imaginez les galaxies comme des manèges qui tournent très vite. Si vite, en fait, que les étoiles devraient être éjectées dans tous les sens. Mais elles ne le sont pas. Pourquoi ? Parce qu’une force invisible, une masse supplémentaire, les retient. C’est ça, la matière noire.
Les scientifiques ont cherché partout. Ils ont imaginé des particules légères, d’autres de poids moyen… mais toutes leurs tentatives pour les détecter ont échoué. C’est un peu frustrant, comme chercher ses clés dans le noir depuis 40 ans sans jamais les trouver. Il était peut-être temps de chercher ailleurs, avec une nouvelle lampe de poche.
Une vieille théorie qui refait surface
Parfois, les meilleures idées ne sont pas nouvelles, mais simplement oubliées. En 1981, un lauréat du prix Nobel, Murray Gell-Mann, avait remarqué quelque chose d’étonnant. Une théorie mathématique très complexe, appelée la « supergravité N=8 », semblait décrire parfaitement le nombre de particules fondamentales que nous connaissons. C’était presque trop beau pour être vrai.
Presque, car il y avait un petit défaut : la théorie se trompait légèrement sur la charge électrique de ces particules. Un détail, mais un détail qui a mis l’idée au placard pendant des années. C’était une piste prometteuse, mais qui menait à une impasse. Du moins, c’est ce qu’on croyait.
La solution : des particules étranges, lourdes et chargées
Récemment, deux physiciens, Krzysztof Meissner et Hermann Nicolai, ont décidé de ressortir cette vieille théorie du tiroir. Ils l’ont dépoussiérée et, grâce à de nouvelles idées, ont réussi à corriger le petit défaut sur les charges électriques. Et là, surprise !
Leur version corrigée de la théorie prédit l’existence de nouvelles particules appelées gravitinos. Mais ce ne sont pas des particules comme les autres. D’abord, elles sont extrêmement lourdes, des milliards de milliards de fois plus qu’un proton. Et surtout, et c’est ça le plus fou, elles seraient chargées électriquement. Comment une particule « chargée » peut-elle être « noire » et invisible ? Simplement parce qu’étant si lourdes, elles sont aussi incroyablement rares. Il y en a si peu qu’elles ne produisent quasiment aucune lumière, ce qui leur permet de rester cachées.
Le défi : comment attraper un de ces fantômes ?
Détecter une particule aussi rare est un défi immense. Pour vous donner une idée, les scientifiques estiment qu’il n’y aurait qu’un seul gravitino dans un volume de 10 000 kilomètres cubes. C’est comme chercher une seule aiguille, non pas dans une botte de foin, mais dans une montagne de bottes de foin !
Nos détecteurs actuels sont bien trop petits pour avoir la moindre chance d’en apercevoir un. Il fallait donc attendre la construction d’un appareil à la hauteur de ce défi. Un véritable piège à fantômes, géant et ultra-sensible.
JUNO, un espoir géant venu de Chine
Cet appareil existe, ou presque. Il s’appelle JUNO (Jiangmen Underground Neutrino Observatory) et il est en cours de construction en Chine. C’est une installation colossale : imaginez une sphère de 40 mètres de diamètre, enfouie profondément sous terre, et remplie de 20 000 tonnes d’un liquide spécial, une sorte d’huile synthétique.
À l’origine, JUNO a été conçu pour étudier d’autres particules fantômes, les neutrinos. Mais il se trouve qu’il est, par un heureux hasard, parfaitement adapté pour chasser nos fameux gravitinos. C’est un peu comme acheter un nouveau filet de pêche pour les sardines et se rendre compte qu’il est parfait pour attraper le poisson légendaire que personne n’a jamais vu. Les premières mesures sont prévues pour 2025.
Une signature lumineuse unique en son genre
Alors, que se passera-t-il si un de ces gravitinos super-lourds traverse le détecteur JUNO ? Les scientifiques ont fait des calculs très poussés, en mêlant physique des particules et chimie de pointe. Leur conclusion est formelle : le passage d’un gravitino laisserait une trace lumineuse bien particulière dans le liquide.
Cette trace, cette « signature », serait absolument unique. Impossible de la confondre avec le passage d’une autre particule connue. Ce serait comme une empreinte digitale lumineuse, une preuve irréfutable de son existence. Si les milliers de capteurs de JUNO détectent un jour ce signal précis, le champagne pourra être sabré.
Conclusion : Au seuil d'une découverte historique ?
Voilà où nous en sommes. Après des décennies de recherches infructueuses, nous avons un nouveau suspect très sérieux pour la matière noire. Nous savons à quoi il ressemble, comment il se comporte, et nous avons enfin l’outil pour le piéger.
Si JUNO parvient à détecter ces gravitinos, ce ne sera pas seulement la fin du mystère de la matière noire. Ce serait une avancée gigantesque pour la physique, la première preuve directe que nous nous approchons de la compréhension des lois les plus fondamentales de l’univers, celles qui unissent la gravité et le monde des particules. L’attente commence, et tous les regards sont désormais tournés vers cette immense sphère lumineuse enfouie sous une montagne chinoise.
Selon la source : scitechdaily.com