Une chirurgie rarissime permet à un homme de retrouver la vue grâce à l’implantation d’une dent dans son œil
Auteur: Adam David
C’est une histoire qui relève presque de la science-fiction, et pourtant. Après plus de vingt ans de quasi-cécité et une cinquantaine d’opérations, Brent Chapman, un Canadien de 34 ans, a retrouvé la vue. La solution ? Une intervention chirurgicale aussi rare que spectaculaire : on lui a implanté l’une de ses propres dents dans l’œil.
Un combat de vingt ans contre la cécité
Pour Brent Chapman, tout a basculé à l’adolescence. À 13 ans, la prise d’un simple anti-douleur, l’ibuprofène, déclenche chez lui une réaction immunitaire foudroyante : le syndrome de Stevens-Johnson. Cette maladie rare et brutale pousse le corps à s’attaquer à sa propre peau et à ses muqueuses, y compris les plus fragiles, comme celles des yeux.
Dans son cas, le système immunitaire a anéanti les cellules souches qui permettent à la cornée de se régénérer. Privée de cette protection, la surface de son œil droit a été peu à peu recouverte d’un tissu opaque, comme un voile cicatriciel. La lumière ne passait plus. Pour lui, le monde s’est alors éteint de ce côté.
Quand la médecine classique baisse les bras
S’ensuit alors une véritable odyssée médicale. Plus de 50 chirurgies, dont dix tentatives de greffe de cornée. Parfois, une lueur d’espoir, une vision partielle qui revient pour quelques temps, mais jamais de solution durable. Le tissu cicatriciel finissait toujours par reprendre le dessus.
« Dans un cas comme celui-ci, une greffe de cornée standard ne pouvait tout simplement pas tenir », confiait à CNN Vicente Diaz, professeur d’ophtalmologie à Yale. Les cellules souches étant détruites, le corps n’avait plus les outils pour accepter et maintenir un greffon classique.
La solution est dans une dent
Face à cette impasse, des médecins de l’Université de Colombie-Britannique ont mis sur la table une option radicale, presque impensable : l’ostéo-odonto-kératoprothèse (OOKP), ou plus simplement, la « chirurgie de la dent dans l’œil ». Si la technique date des années 1960, elle est si complexe qu’elle n’est pratiquée que par une poignée de chirurgiens dans le monde. Pour Brent Chapman, c’était une première au Canada.
Pourquoi une dent ? L’idée peut paraître baroque, mais elle est redoutablement logique. « La dent est une structure idéale pour maintenir en place un élément de focalisation », explique le Dr Greg Moloney, qui a dirigé l’opération. Elle est dure, résistante, et surtout, le corps ne la rejette pas, puisqu’elle lui appartient. Elle devient un échafaudage biologique parfait pour une lentille artificielle.
Un chantier chirurgical en plusieurs étapes
Concrètement, l’opération est un marathon. L’équipe du Dr Moloney a d’abord extrait une canine de Brent, avec un petit morceau d’os pour conserver son irrigation sanguine. Cette dent a été sculptée, percée en son centre pour y insérer un cylindre optique en plastique. Mais on ne pouvait pas la greffer directement dans l’œil.
L’ensemble a d’abord été implanté… dans sa joue. Une sorte de « pépinière » biologique pendant plusieurs mois, le temps que de nouveaux tissus et vaisseaux sanguins viennent coloniser et nourrir l’implant. Ce n’est qu’après cette étape que le bloc dent-lentille a été prélevé puis finalement inséré au cœur de l’œil droit, à la place de la cornée opaque. Pour protéger la structure, le tout a été recouvert d’un tissu prélevé à l’intérieur de sa bouche, ce qui donne à son œil une teinte légèrement rosée.
le jour où la lumière est revenue
Le résultat a été quasi immédiat. À peine le bandage retiré, Brent Chapman percevait à nouveau des mouvements, des formes. Au fil des mois, et après une dernière intervention pour ajuster la mise au point de la lentille, sa vision s’est stabilisée à 20/30, une acuité quasi normale qui change une vie.
Cette procédure, aussi spectaculaire soit-elle, n’est pas une solution miracle pour toutes les formes de cécité. Elle est réservée aux cas très spécifiques de cornées détruites, à condition que la rétine et le nerf optique soient, eux, en parfait état de marche. Exigeant jusqu’à 12 heures de chirurgie et une expertise rare, elle reste une intervention exceptionnelle, un espoir de dernier recours pour des cas que l’on croyait désespérés.
Selon la source : trustmyscience.com