Âge glaciaire : les mammouths laineux et colombiens auraient formé des hybrides durant des milliers d’années
Auteur: Adam David
On les imaginait évoluer en parallèle, chacun sur son territoire, étrangers l’un à l’autre. D’un côté, le mammouth laineux, adapté aux toundras glaciales du nord ; de l’autre, son cousin de Colomb, arpentant les steppes plus clémentes du sud de l’Amérique. Pourtant, une poignée de dents fossilisées vient de révéler que ces deux géants de l’âge glaciaire ont partagé bien plus qu’un continent : ils se sont croisés et reproduits pendant des milliers d’années.
L'ADN ancien, ce grand bavard
L’histoire nous rappelle un peu la nôtre, celle du métissage entre Homo sapiens et Néandertal. Ici, l’intrigue se joue entre Mammuthus primigenius et Mammuthus columbi. Publiée récemment dans la revue Biology Letters, l’analyse génétique de deux molaires découvertes dans l’ouest du Canada a livré un verdict sans appel : leurs propriétaires étaient des hybrides, le fruit de rencontres répétées entre les deux espèces.
Jusqu’ici, les scientifiques se basaient surtout sur la forme des dents ou sur l’ADN mitochondrial, qui ne raconte qu’une partie de l’histoire familiale. Ces nouvelles données, qui scrutent l’ensemble du génome, ouvrent une fenêtre inédite sur le passé de ces animaux.
Les glaciers comme agences matrimoniales
Comment ces rencontres ont-elles pu avoir lieu ? La faute, ou plutôt la grâce, aux caprices du climat de l’ère glaciaire. Les avancées et les reculs des immenses calottes glaciaires redessinaient constamment le paysage, forçant les troupeaux à migrer. Ces mouvements ont créé des « zones de contact », comme la Colombie-Britannique où les fossiles ont été retrouvés, des lieux où les deux espèces se sont retrouvées contraintes de cohabiter.
Les chiffres issus de l’analyse sont d’ailleurs éloquents. La première dent, vieille de 36 000 ans, révèle un animal avec 21 % de gènes de mammouth de Colomb. Pour la seconde, plus jeune de 11 000 ans, cette proportion grimpe à 35 %. Une augmentation qui ne laisse place à aucun doute.
Un métissage durable, pas un accident de parcours
Si le croisement n’avait été qu’un événement isolé, la part d’ADN de l’espèce « étrangère » se serait diluée au fil des générations. Or, c’est l’inverse qui s’est produit. Cela prouve que le flux génétique était continu, que ces hybridations se sont répétées sur des millénaires. « On nous a longtemps enseigné que les espèces ne se reproduisent pas entre elles », rappelle le professeur Adrian Lister du Natural History Museum, l’un des auteurs de l’étude. « Mais la génétique nous montre que c’est arrivé bien plus souvent qu’on ne le pensait. »
Quand la nature fait le tri
Pourtant, malgré ce brassage génétique, les dents de ces hybrides du nord restaient typiques de celles des mammouths laineux. Pourquoi ? Simplement parce qu’elles étaient les plus efficaces pour brouter l’herbe coriace des steppes froides. La nature, pragmatique, a fait le tri : elle a conservé les traits les plus utiles à la survie dans un environnement donné.
Ce métissage a probablement été un atout. En augmentant la diversité génétique, il a pu offrir à ces populations une meilleure capacité d’adaptation face aux changements constants de leur milieu. Un peu comme le chat sauvage d’Écosse qui, en s’hybridant avec le chat domestique, a acquis de nouvelles résistances.
une leçon pour un monde qui se réchauffe
Cette histoire, vieille de dizaines de milliers d’années, résonne étrangement avec notre présent. Le réchauffement climatique actuel pousse lui aussi des espèces à se déplacer, à se rencontrer, et parfois à s’hybrider. Comprendre ces mécanismes passés pourrait nous aider à anticiper les défis de la conservation de la biodiversité aujourd’hui.
Reste une question, immense. Si les mammouths étaient capables d’une telle souplesse adaptative, pourquoi ont-ils fini par disparaître ? L’exploration de leur passé génétique pourrait bien, un jour, nous aider à comprendre les limites de la résilience du vivant face à un climat qui s’emballe.
Selon la source : geo.fr