117 ans de vie : l’incroyable longévité d’une supercentenaire enfin expliquée par la science
Auteur: Adam David
Elle s’appelait Maria Branyas Morera et s’est éteinte le 19 août 2024, à l’âge de 117 ans, ce qui faisait d’elle la doyenne de l’humanité. Mais comment vit-on aussi longtemps, et surtout en relative bonne santé ? Une équipe de chercheurs espagnols vient de lever une partie du voile, en plongeant au cœur de sa biologie, et les résultats sont aussi surprenants qu’instructifs.
Un cas d'étude hors du commun
Son histoire traverse les époques. Née à San Francisco en 1907 de parents espagnols, elle a posé ses valises à 8 ans en Catalogne, dans la petite ville d’Olot. Une région déjà connue pour la longévité de ses habitants, où l’espérance de vie des femmes dépasse de trois ans la moyenne nationale. Preuve en est, les deux filles de Maria Branyas Morera étaient elles-mêmes nonagénaires lorsqu’elle a franchi le cap des 110 ans.
Si les centenaires sont de plus en plus nombreux, atteindre le statut de « supercentenaire » reste un exploit biologique rarissime. C’est cette exception qui a poussé une équipe de l’Institut de recherche sur la leucémie Josep Carreras à se pencher sur son cas.
Plongée dans l'infiniment petit
« Nous voulions tirer des enseignements de ce cas particulier pour en faire bénéficier d’autres personnes », explique Manel Esteller, généticien à l’Université de Barcelone et co-auteur de l’étude. De son vivant, Maria Branyas Morera avait accepté avec humilité de donner des échantillons de sang, de salive ou encore d’urine. « Mon seul mérite, c’est d’être en vie », disait-elle simplement.
À partir de ces prélèvements, les scientifiques ont réalisé ce qu’on appelle une analyse multiomique. C’est une sorte de portrait-robot biologique complet, allant de son génome à sa flore intestinale, en passant par son métabolisme. Un profil ensuite comparé à celui d’autres femmes de la même région, pour tenter d’y déceler sa singularité.
La première surprise : des télomères très courts
L’une des premières découvertes a de quoi dérouter. En analysant son ADN, l’équipe a constaté que ses télomères – ces petits capuchons qui protègent l’extrémité de nos chromosomes et raccourcissent avec l’âge – étaient exceptionnellement courts. Normalement, c’est un signe associé aux maladies du vieillissement. Or, Maria était en excellente santé pour son âge.
Pour Manel Esteller, cela change la perspective : « Cela nous indique que la perte de télomères n’est pas nécessairement associée à la maladie, mais simplement au vieillissement ». Autrement dit, on peut vieillir sans forcément tomber malade. Le déclin n’est pas une fatalité.
La chance à la loterie génétique
Si Maria Branyas Morera a vécu si longtemps, c’est d’abord parce qu’elle a, comme le dit joliment Manel Esteller, « tiré le bon numéro à la loterie génétique ». Son génome a révélé un cocktail protecteur : des mutations qui la protégeaient des maladies cardiovasculaires et du diabète, et aucune trace des variants génétiques augmentant le risque d’Alzheimer.
Plus étonnant encore, elle possédait des variantes génétiques qui, chez d’autres espèces comme le ver ou la mouche, sont directement liées à une durée de vie prolongée. Un héritage biologique hors du commun.
Mais la génétique ne fait pas tout...
Son sang aussi parlait pour elle : peu de « mauvais » cholestérol, beaucoup de « bon », et des marqueurs d’inflammation très bas pour son âge. Son système immunitaire était si robuste qu’à 113 ans, en pleine pandémie, elle est devenue la personne la plus âgée d’Espagne à survivre à la Covid-19.
La clé de cette résistance pourrait se trouver… dans son intestin. Son microbiote intestinal était comparable à celui d’une personne beaucoup plus jeune, avec une abondance de *Bifidobacterium*, une bactérie connue pour ses effets bénéfiques. Un équilibre probablement favorisé par son mode de vie : le fameux régime méditerranéen, une activité physique régulière et, détail notable, trois yaourts par jour.
Des cartes en main, et une façon de les jouer
« Nos gènes sont comme les cartes que l’on reçoit au poker », résume le chercheur. « Mais c’est la façon dont on joue la partie qui compte vraiment ». Maria Branyas Morera avait reçu une main exceptionnelle, mais elle a aussi su la jouer avec un mode de vie sain.
Bien sûr, l’étude ne porte que sur une seule personne et il est impossible d’en tirer des conclusions générales. Reste que ce portrait-robot d’une vie hors norme ouvre des pistes fascinantes pour comprendre le vieillissement et, peut-être un jour, développer des thérapies pour aider chacun à mieux vieillir.
Selon la source : trustmyscience.com