“Vaisseaux fantômes” : la Chine passe à l’action, et ses alliés russes et iraniens risquent gros
Auteur: Adam David
C’était un secret de polichinelle. Depuis des années, la Chine permettait aux pétroliers russes et iraniens, souvent sous pavillon de complaisance, d’accoster dans ses ports, contournant ainsi les sanctions internationales. Mais le vent semble tourner. Pékin vient d’annoncer de nouvelles règles drastiques qui pourraient bien mettre fin à ce jeu trouble.
Un système de notation pour faire le tri
Le changement est de taille et se concentre sur Qingdao, un port névralgique qui accueille à lui seul près d’un sixième des importations de pétrole du pays. À partir du 1er novembre 2025, les autorités portuaires appliqueront un nouveau système de contrôle bien plus strict. Fini, le laxisme qui a longtemps prévalu.
Concrètement, chaque navire sera évalué sur 100 points selon une grille précise : son âge, son historique en matière d’accidents ou de pollution, et la clarté de son immatriculation. Tout pétrolier obtenant une note inférieure à 55 sera classé ‘à haut risque’ et se verra tout simplement refuser l’entrée. Une ligne rouge claire est dessinée pour les navires de plus de 31 ans ou ceux dont l’identité est douteuse.
La flotte fantôme dans le viseur
Cette mesure, sans les nommer, cible directement ce que l’on appelle la ‘flotte fantôme’. Un ensemble hétéroclite de vieux pétroliers, souvent rachetés pour une bouchée de pain, qui naviguent avec des transpondeurs éteints ou des immatriculations falsifiées. Leur mission : transporter discrètement le pétrole russe et iranien vers des acheteurs peu regardants, comme la Chine.
Jusqu’ici, Pékin, qui n’a jamais officiellement souscrit aux sanctions occidentales, fermait les yeux. Ce commerce parallèle arrangeait tout le monde : il garantissait à la Chine un approvisionnement en énergie à bas coût, tout en offrant une bouée de sauvetage économique à Moscou et Téhéran. Mais cette tolérance semble avoir atteint ses limites.
Derrière pékin, l'ombre de washington
Ce revirement n’arrive pas par hasard. Il intervient après des pressions répétées de la part des États-Unis, qui ont plusieurs fois pointé du doigt le rôle de ports comme Qingdao dans la violation des embargos. La diplomatie américaine a visiblement trouvé les mots justes pour se faire entendre.
On peut aussi y voir une manœuvre préventive. La perspective d’un retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, et avec lui sa politique agressive de droits de douane, incite sans doute la Chine à la prudence. En donnant des gages de bonne volonté sur le dossier des sanctions, Pékin espère peut-être éviter une nouvelle guerre commerciale qui serait dévastatrice pour son économie.
À kiev, on salue une pression qui paie
La nouvelle n’est pas passée inaperçue à l’international. En Ukraine, le chef de cabinet du président Zelensky, Andriy Yermak, s’est empressé de saluer la décision chinoise. Sur les réseaux sociaux, il y voit la preuve que ‘la pression internationale et les restrictions rendent de plus en plus difficiles d’échapper aux sanctions’.
Pour Kiev, chaque baril de pétrole russe qui ne trouve pas preneur est une petite victoire, car ce sont les revenus des hydrocarbures qui financent en grande partie l’effort de guerre du Kremlin. Le geste de Pékin, même motivé par ses propres intérêts, est donc perçu comme un signal positif.
un pragmatisme calculé
Ce tour de vis ne signe sans doute pas un revirement idéologique de la part de Pékin. La Chine n’est pas soudainement devenue le gendarme des sanctions qu’elle n’a jamais soutenues. Il s’agit plutôt d’un arbitrage, d’un acte de pur pragmatisme économique.
Face au risque de s’aliéner durablement ses partenaires commerciaux occidentaux, Pékin semble avoir fait un choix : les bénéfices tirés du pétrole bon marché de ses alliés russe et iranien ne pèsent plus aussi lourd que la nécessité de préserver ses relations avec le reste du monde. Reste à voir si cette nouvelle fermeté affichée à Qingdao s’étendra à d’autres ports et, surtout, si elle résistera à l’épreuve du temps.
Selon la source : geo.fr