Des chiens au secours des orques : cette mission incroyable pourrait changer le destin des géants du Pacifique !
Auteur: Adam David
L’image a de quoi surprendre : sur un bateau de recherche fendant les eaux froides du Pacifique, une chienne scrute l’horizon, le nez au vent. Sa mission n’est pas de chasser le phoque, mais de pister l’odeur des excréments d’orques. C’est l’un des nouveaux visages, inattendus et pourtant essentiels, de la lutte pour sauver les dernières orques résidentes du Sud, une population au bord du gouffre.
le compte à rebours a commencé pour les orques résidentes
Elles ne sont plus que 74. Un chiffre dérisoire pour une population qui comptait autrefois plusieurs centaines d’individus. Les orques résidentes du Sud, qui peuplent les eaux au large de l’État de Washington, sont prises dans un étau mortel. Leur monde s’est rétréci, et leur principale source de nourriture, le saumon chinook, a quasiment disparu, victime de la surpêche et de la dégradation de son habitat fluvial.
À cette famine s’ajoute un cocktail toxique. Polluants chimiques, microplastiques et, surtout, le vacarme incessant du trafic maritime qui brouille leurs sonars naturels, les empêchant de chasser et de communiquer. C’est un lent étranglement, qui se joue sous la surface, loin des regards.
le deuil de tahlequah, symbole d'une agonie
Cette détresse prend parfois une forme tragiquement visible. On se souvient de Tahlequah (J35), cette femelle qui, en 2018, avait porté le corps de son nouveau-né sans vie pendant 17 jours, sur plus de 1 600 kilomètres. Un « tour de deuil » qui avait ému le monde entier. Mais ce drame n’est pas isolé. D’autres femelles du même groupe ont depuis été observées, poussant elles aussi leurs petits décédés.
Pour les scientifiques, ces comportements sont un signal d’alarme déchirant. « Les épaulards sont un indicateur de l’écosystème », confiait récemment au *Guardian* la biologiste Deborah Giles. « Tout ce qui cause leur déclin est de notre faute, donc c’est notre responsabilité de les aider à se rétablir. » Une responsabilité immense.
eba, la chienne au flair d'or
Face à l’urgence, il a fallu innover, trouver des moyens d’étudier ces animaux sans leur ajouter le moindre stress. C’est là qu’Eba entre en scène. Cette chienne croisée, sauvée d’un refuge, a été formée pour une tâche très précise : repérer à distance les fèces d’orques flottant à la surface. Son flair exceptionnel permet à l’équipe de Deborah Giles de rester à des centaines de mètres des cétacés.
Chaque échantillon récolté est une mine d’or. Il renseigne sur le régime alimentaire, le niveau d’hormones de stress ou de gestation, la présence de polluants, de parasites… C’est une méthode non invasive qui tranche avec les biopsies ou les balises de suivi, parfois sources d’infections. On peut enfin prendre le pouls de la population, sans la déranger.
quand la technologie prend le relais dans les airs
Si le flair canin est précieux, le regard vient aussi du ciel. Depuis une dizaine d’années, le scientifique James Sheppard et son équipe du San Diego Zoo Wildlife Alliance ont mis au point des drones capables d’une véritable prouesse : voler à travers le souffle d’une orque lorsqu’elle remonte à la surface pour respirer.
Ce nuage d’air expiré, de la taille de deux ballons de basket, est collecté en quelques secondes. Il contient de l’ADN, des hormones, des marqueurs de maladie. « Il nous faut des données solides, presque en temps réel, pour savoir si un problème se présente et si une intervention est nécessaire », explique-t-il. L’objectif n’est pas d’accumuler de la connaissance pour le plaisir. « Ce que nous faisons doit avoir des bénéfices concrets », insiste-t-il, « sinon nous ne faisons que collectionner des timbres ».
plus qu'un animal, un membre de la famille
Car derrière les données scientifiques se cache une dimension culturelle, presque spirituelle. Pour les peuples autochtones de la région, comme la tribu Swinomish, les orques ne sont pas de simples animaux. Ils sont des parents, des « poissons noirs » (blackfish) qui font partie intégrante de leur identité. « Nous considérons les orques comme faisant partie du réseau qui nous relie à tous les êtres vivants », témoigne Steve Edwards, un membre de la tribu.
Sauver les orques, c’est donc bien plus que préserver une espèce. C’est une course contre la montre pour réparer un écosystème brisé, et peut-être aussi pour préserver une part de notre propre humanité. Une bataille menée avec la finesse de la science, la puissance de la technologie et, de manière plus touchante, la loyauté d’un chien.
Selon la source : geo.fr