Le mystère d’octobre 1582 : Pourquoi il manque 10 jours dans votre calendrier
Auteur: Mathieu Gagnon
Avez-vous déjà eu la curiosité de remonter le temps avec le calendrier de votre téléphone ? Si oui, et si vous êtes allé jusqu’en 1582, vous avez sûrement remarqué quelque chose de très étrange. En octobre de cette année-là, le calendrier saute directement du 4 au 15. Dix jours ont tout simplement… disparu.
Alors, non, ce n’est pas un bug de votre appareil ni une blague des ingénieurs. C’est bien réel. Ces dix jours n’ont jamais vraiment existé pour une bonne partie du monde. Pour comprendre ce tour de passe-passe historique, il faut se plonger dans une histoire fascinante de papes, d’étoiles et de Pâques.
Avant, on utilisait le calendrier julien
Pour bien comprendre, il faut savoir qu’avant notre calendrier actuel, l’Europe utilisait majoritairement le calendrier julien. C’est Jules César qui l’avait mis en place en 45 avant notre ère. Il ressemblait beaucoup au nôtre : 12 mois, 365 jours, et une année bissextile tous les quatre ans pour ajouter un jour en février.
Ça semblait parfait, non ? Eh bien, presque. Il y avait un tout petit défaut de calcul. L’année selon le calendrier julien était en fait un poil plus longue que l’année solaire réelle (le temps que la Terre met pour faire le tour du Soleil). On parle de quelques minutes seulement, mais au fil des siècles, ces petites minutes se sont accumulées pour former des jours entiers de décalage.
Le grand problème de la date de Pâques
Ce petit décalage n’était pas qu’une simple curiosité pour les astronomes. C’est devenu un véritable casse-tête pour l’Église catholique. Pourquoi ? À cause de la date de Pâques. Depuis une grande réunion en 325 (le Concile de Nicée), il avait été décidé que Pâques devait être célébré le premier dimanche après la première pleine lune qui suit l’équinoxe de printemps.
L’Église avait fixé l’équinoxe de printemps au 21 mars. Mais à cause du retard accumulé par le calendrier julien, au 16ème siècle, le véritable équinoxe de printemps tombait autour du 11 mars ! La plus grande fête chrétienne n’était donc plus calculée correctement. Il fallait absolument faire quelque chose.
L'arrivée du calendrier grégorien pour tout remettre d'aplomb
C’est là qu’intervient le Pape Grégoire XIII. En 1582, pour résoudre cette crise, il a introduit un tout nouveau calendrier, celui que nous utilisons encore aujourd’hui : le calendrier grégorien. La correction était subtile mais terriblement efficace. La règle des années bissextiles a été légèrement changée : une année est bissextile tous les 4 ans, sauf si elle est divisible par 100 mais pas par 400. C’est un peu technique, mais en gros, ça a permis de rattraper le retard et de s’assurer que ça ne se reproduise plus.
Mais il restait un gros problème : comment faire avec les 10 jours de retard qui s’étaient déjà accumulés depuis des siècles ?
Le grand saut : du 4 au 15 octobre en une nuit
La solution a été radicale, mais simple. Il fallait supprimer ces 10 jours. D’un coup. Le Pape a donc décrété que les gens se coucheraient le soir du jeudi 4 octobre 1582… et se réveilleraient le vendredi 15 octobre. Les jours du 5 au 14 octobre ont été purement et simplement sautés.
Le choix du mois d’octobre n’était pas un hasard. C’était un mois assez calme dans le calendrier religieux, sans fête chrétienne majeure. On a donc attendu la fin de la fête de Saint François d’Assise le 4 octobre pour faire le grand saut. Imaginez un peu !
Une adoption qui a pris du temps
Ce qui est amusant, c’est que tout le monde n’a pas adopté ce nouveau calendrier en même temps. Les pays catholiques comme l’Italie, l’Espagne ou la France l’ont fait immédiatement. Mais les pays protestants, par exemple, ont mis beaucoup plus de temps, parfois des siècles !
Un cas intéressant est celui de l’Alaska. En 1867, l’Alaska a été vendue par la Russie (qui utilisait encore le calendrier julien) aux États-Unis (qui utilisaient le grégorien). Pour se synchroniser, l’Alaska a dû sauter plusieurs jours pour s’aligner sur son nouveau pays. Leurs « jours manquants » ont donc eu lieu bien plus tard !
Conclusion : L'histoire au bout de nos doigts
Voilà donc pourquoi votre calendrier de téléphone a un trou en octobre 1582. Ce n’est pas une erreur, mais le témoin d’une des plus grandes réformes de la mesure du temps de notre histoire. C’est assez fascinant de se dire qu’une décision prise par un Pape il y a plus de 400 ans pour une raison religieuse a encore un écho visible sur les appareils ultra-modernes que nous tenons dans nos mains aujourd’hui.
La prochaine fois que vous tomberez dessus par hasard, vous saurez que vous ne regardez pas un bug, mais une petite cicatrice de l’Histoire.
Selon la source : iflscience.com