Cancer du sein chez l’homme : 500 cas chaque année, un tabou médical qui persiste
Auteur: Adam David
C’est une réalité que l’on ignore, presque un tabou. Chaque année en France, environ 500 hommes reçoivent un diagnostic de cancer du sein, une maladie si fortement associée aux femmes que son existence masculine reste dans l’ombre. Ce retard de conscience est lourd de conséquences, car il mène souvent à une prise en charge tardive. Les histoires d’Emmanuel et de Joël viennent briser ce silence, rappelant que derrière les statistiques, il y a des vies qui dépendent de l’information.
« Je n’en avais jamais entendu parler ! » : le choc du diagnostic
Pour Emmanuel, tout a commencé par une boule suspecte sous le téton et un mamelon qui se rétractait. Pour Joël, un retraité sportif, c’était une simple douleur persistante au sein gauche. Dans les deux cas, l’idée d’un cancer du sein ne leur a même pas effleuré l’esprit. Leur réaction, et celle de leur entourage, oscille entre la surprise totale et une forme de déni. C’est l’histoire d’une maladie impensable, qui vient percuter des vies sans crier gare.
« J’ai eu de la chance d’être bien entouré », confie Emmanuel, diagnostiqué en 2022. Il soulève pourtant un point crucial : « Dans un milieu très masculin, ce type de cancer peut être perçu comme humiliant, une atteinte à sa virilité ». Un sentiment qui ajoute une charge mentale terrible à l’épreuve physique.
Une maladie perdue dans les statistiques
Si le sujet est si peu connu, c’est d’abord parce qu’il est rare. Le cancer du sein chez l’homme ne représente qu’à peine 1 % de l’ensemble des cas diagnostiqués. « Un homme sur 100 000 en Europe », précise la Dr Benoîte Méry, oncologue au Centre Léon-Bérard de Lyon. Une rareté qui a des effets en cascade. Les campagnes de dépistage, comme Octobre rose, ciblent exclusivement les femmes, renforçant l’idée que les hommes sont hors de danger.
Pire encore, le corps médical lui-même peut passer à côté. « Un médecin généraliste ne croisera peut-être jamais un seul cas dans sa carrière », souligne la Dr Camille Chakiba, de l’Institut Bergonié de Bordeaux. Cette méconnaissance généralisée explique en grande partie pourquoi le diagnostic survient souvent à un stade plus avancé que chez les femmes.
Derrière la maladie, des facteurs de risque bien réels
Le profil type du patient est un homme de 71 ans en moyenne, soit une décennie plus tard que pour les femmes. Sur le banc des accusés, on retrouve des prédispositions génétiques, notamment les mutations des gènes BRCA1 et BRCA2, déjà bien connues pour le risque qu’elles font courir aux femmes. D’autres facteurs, comme le syndrome de Klinefelter (une anomalie chromosomique), une exposition passée à des radiations, mais aussi l’obésité, le tabac ou l’alcool, peuvent jouer un rôle.
La présence de ces facteurs, surtout en cas d’antécédents familiaux, devrait inciter à une vigilance accrue. Un suivi génétique peut alors être proposé pour évaluer le niveau de risque.
Se battre contre le cancer, et contre les préjugés
Une fois le diagnostic posé, le parcours de soins s’enclenche, souvent calqué sur celui des femmes : ablation du sein (mastectomie), chimiothérapie, radiothérapie et hormonothérapie. Emmanuel, qui poursuit aujourd’hui une hormonothérapie préventive pour cinq ans, dit avoir « fait confiance aux professionnels ». Mais la bataille n’est pas que médicale.
Elle est aussi psychologique. Comment assumer cette cicatrice, ce corps changé ? Joël, lui, a fait son choix. « Se mettre torse nu à la plage ne me gêne absolument pas », affirme-t-il avec force. « Je me sens homme à 100 %. » Une manière puissante de balayer les tabous et de réaffirmer son identité au-delà de la maladie.
Apprendre à écouter son corps, un message universel
Le pronostic, malheureusement, reste aujourd’hui plus sombre chez les hommes, avec un taux de survie à cinq ans inférieur de 8 % à celui des femmes. La raison n’est pas biologique, mais temporelle : le retard au diagnostic. La clé, martèlent les spécialistes, tient en un mot : l’information. Il faut que les hommes sachent que cela peut leur arriver, et que les médecins y pensent.
Une masse derrière le mamelon, une rétraction de la peau, un ganglion sous le bras… Ces signes doivent alerter, sans attendre. Aujourd’hui en rémission, Emmanuel résume l’enjeu en une phrase simple et universelle : « Il faut apprendre à écouter son corps ». Un conseil qui, pour ces hommes, peut tout simplement sauver une vie.
Selon la source : passeportsante.net