On pensait le lait et le fromage à l’abri, symboles d’une alimentation simple, presque ancestrale. Pourtant, une étude italienne vient jeter un pavé dans la mare : ces produits du quotidien sont eux aussi massivement contaminés par des microplastiques. Une découverte qui nous rappelle que cet polluant invisible a désormais infiltré les moindres recoins de notre chaîne alimentaire.
Une contamination qui n'est plus une surprise
Ce n’est plus un secret pour personne, le plastique est partout. Plus seulement sur les plages ou au fond des océans, mais bien dans l’air que l’on respire, dans l’eau que l’on boit, et dans la terre qui nourrit nos cultures. Ces fragments de moins de cinq millimètres, issus de la dégradation de nos emballages, textiles et pneus, ont déjà été retrouvés dans le sel, le miel, les poissons ou même les fruits et légumes.
Le constat est sans appel : notre exposition est continue. Des chercheurs ont déjà montré en 2022 que ces particules pouvaient circuler dans notre sang et se loger dans nos poumons. Des travaux plus récents, menés sur des animaux et confirmés chez l’humain, suggèrent une accumulation dans des organes vitaux comme le foie ou le cœur, laissant craindre des effets inflammatoires sur le long terme. Avec cette nouvelle étude, les produits laitiers rejoignent la longue liste des aliments sous surveillance.
L'étude italienne qui chiffre le problème
C’est une équipe de l’Université de Padoue qui a mené l’une des analyses les plus rigoureuses sur le sujet. Publiés dans la revue *NPJ Science of Food*, leurs travaux ont porté sur 28 échantillons de lait et de fromages, frais comme affinés, achetés en supermarché. Pour garantir la fiabilité des résultats, chaque manipulation a été réalisée en salle blanche, à l’abri de toute contamination extérieure.
Les résultats sont pour le moins éloquents. Sur les 28 produits testés, 26 contenaient des microplastiques. Les chercheurs ont observé une escalade inquiétante : environ 350 particules par kilogramme dans le lait, un chiffre qui grimpe à 1 280 dans les fromages frais et atteint jusqu’à 1 857 dans les fromages affinés. Une différence qui s’explique assez logiquement : le processus de fabrication du fromage concentre la matière et multiplie les contacts avec des équipements et emballages en plastique.
D'où vient ce plastique ?
Les coupables sont des plastiques bien connus de notre quotidien. En tête, le PET des bouteilles et barquettes, le polyéthylène des films alimentaires et le polypropylène des bouchons et contenants rigides. Fait intéressant, une majorité des particules identifiées étaient grises, une couleur souvent associée à l’usure de plastiques industriels.
Pour les scientifiques, l’origine du problème est claire : la contamination ne vient pas du lait à la source, mais s’insinue tout au long de la chaîne de production. De la trayeuse aux moules, des vêtements de protection des opérateurs aux films d’emballage, chaque étape est une source potentielle. Plus un aliment est transformé, plus il semble accumuler ces fragments indésirables.
Faut-il s'en inquiéter ?
Si la présence de plastique dans notre nourriture est avérée, ses conséquences sur notre santé restent encore une zone d’ombre. Personne ne peut affirmer aujourd’hui avec certitude l’impact réel de cette ingestion chronique. Ce qui ne veut pas dire que le risque est nul. Loin de là.
On sait que ces particules peuvent franchir nos barrières biologiques, s’accumuler dans certains tissus et provoquer une réaction inflammatoire. Certains travaux évoquent un lien possible avec des troubles cardiovasculaires ou une altération des fonctions du foie. Tout dépendra de leur taille, de leur forme et des produits chimiques qu’elles transportent. Les plus petites, les nanoplastiques, sont les plus redoutées, car elles peuvent potentiellement voyager via la circulation sanguine jusqu’à nos organes.
derrière le fromage, un enjeu de société
Cette étude sur les produits laitiers est bien plus qu’une simple alerte alimentaire. Elle met en lumière la dépendance massive de l’industrie agroalimentaire au plastique, de la ferme à l’assiette. Limiter notre exposition ne passera pas par l’arrêt de la consommation de fromage, mais par une refonte profonde des matériaux et des procédés de fabrication.
Derrière cette simple tranche de comté ou cette mozzarella se cache donc un défi majeur. Un enjeu de santé publique, bien sûr, mais aussi une question de transition écologique que la science commence à peine à mesurer. Et qui nous concerne tous.
Selon la source : science-et-vie.com