Qui ne s’est jamais réveillé en sueur, persuadé que la pizza de la veille était la seule responsable de son cauchemar ? Cette vieille croyance populaire, souvent balayée d’un revers de main, commence pourtant à intriguer sérieusement les chercheurs. Et si ce que nous mettons dans notre assiette le soir influençait réellement le scénario de nos nuits ?
Du mythe aux premières pistes scientifiques
L’idée n’est pas nouvelle. Au début du XXe siècle, une bande dessinée américaine, Dream of the Rarebit Fiend, mettait déjà en scène des personnages dont les rêves étranges étaient attribués à une fondue au fromage dégustée avant de se coucher. Un simple folklore, pensait-on. Pendant longtemps, la science a d’ailleurs laissé ce terrain en friche, faute de données tangibles.
Pourtant, quelques enquêtes exploratoires ont récemment semé les premières graines du doute. Une étude de 2007 suggérait que les amateurs d’aliments biologiques rapportaient des rêves plus vifs. Une autre, en 2022, a pointé du doigt les sucreries comme de possibles déclencheurs de cauchemars. Le fromage, lui, revenait souvent dans les témoignages, tout comme les produits laitiers en général.
Une nouvelle étude canadienne met les pieds dans le plat
Pour tenter d’y voir plus clair, nous avons mené une enquête en ligne auprès de plus de 1000 étudiants canadiens. Nous les avons interrogés sur leurs habitudes alimentaires, leur sommeil et leurs rêves. Le verdict ? Un peu plus de 40 % des participants ont affirmé que certains aliments jouaient, en bien ou en mal, sur la qualité de leur sommeil.
Plus intéressant encore, environ 5 % d’entre eux étaient convaincus que leur alimentation avait un impact direct sur leurs rêves. Et quels étaient les coupables les plus souvent cités ? Sans grande surprise, les desserts, les sucreries et, encore une fois, les produits laitiers.
Quand l'intestin s'invite dans nos nuits
Mais la découverte la plus frappante se situe ailleurs. Notre étude a révélé que les personnes se déclarant allergiques ou intolérantes au gluten ou au lactose étaient bien plus nombreuses à percevoir un lien entre nourriture et rêves. Celles intolérantes au lactose, en particulier, ont signalé des cauchemars plus fréquents et plus intenses.
Le chaînon manquant pourrait bien être l’inconfort digestif. Nous avons en effet constaté que les symptômes gastro-intestinaux, comme les ballonnements ou les douleurs abdominales, étaient associés à la fois à l’intolérance au lactose et à la prévalence des cauchemars. L’agitation physique de notre ventre pourrait ainsi se traduire en agitation psychique une fois endormi.
L'axe intestin-cerveau, chef d'orchestre de nos angoisses ?
Ces résultats jettent une lumière nouvelle sur ce que les scientifiques appellent l’« axe intestin-cerveau ». Il s’agit d’une sorte de ligne de communication directe et permanente entre notre système digestif et notre système nerveux central. Ce que l’on mange ne nourrit pas seulement notre corps, mais envoie aussi des signaux à notre cerveau.
Pour la première fois, nos travaux suggèrent que des troubles intestinaux pourraient se manifester psychologiquement pendant le sommeil, sous la forme très concrète de mauvais rêves. L’inconfort physique se transformerait en scénario angoissant.
Des implications qui dépassent le simple mauvais rêve
Cette piste ouvre des perspectives inattendues, notamment dans le traitement du syndrome de stress post-traumatique (SSPT), dont les cauchemars récurrents sont l’un des symptômes les plus invalidants. Si certains aliments, comme les produits laitiers ou les sucreries, peuvent exacerber les cauchemars chez des personnes sensibles, alors la nutrition pourrait devenir un levier thérapeutique.
On pourrait imaginer que les traitements du SSPT incluent demain une évaluation des habitudes alimentaires, des allergies et des intolérances. Un simple ajustement de régime pourrait, qui sait, aider à apaiser des nuits tourmentées.
Conclusion : alors, que faire ce soir avant de dormir ?
Bien sûr, la recherche n’en est qu’à ses débuts et ces liens restent, pour l’instant, des corrélations. Des expériences contrôlées seront nécessaires pour prouver un lien de cause à effet. Mais en attendant, quelques principes de précaution peuvent être utiles.
Éviter les repas lourds, très sucrés ou épicés juste avant de se coucher semble être une bonne base. Si vous vous savez intolérant au lactose, tester des alternatives végétales le soir pourrait être une piste. Tenir un petit journal de ce que vous mangez et de la qualité de vos rêves peut aussi aider à repérer des schémas personnels. Finalement, la principale leçon à retenir est sans doute la plus simple : écoutez votre corps. Il a souvent des choses à nous dire, même dans notre sommeil.
Selon la source : theconversation.com