Votre sensibilité au gluten cache peut-être autre chose : une étude révèle un lien surprenant entre intestin et cerveau
Auteur: Mathieu Gagnon
On entend partout parler du gluten. Pour beaucoup de gens, c’est devenu l’ennemi public numéro un, la cause de tous leurs maux de ventre, de leur fatigue… Et si on faisait fausse route depuis des années ? Une nouvelle étude, menée par l’Université de Melbourne et publiée dans la prestigieuse revue The Lancet, vient bousculer toutes nos certitudes. Elle suggère que cette fameuse « sensibilité au gluten » n’aurait, en fait, pas grand-chose à voir avec le gluten lui-même. Non, le problème serait bien plus complexe et se nicherait dans la communication secrète entre notre intestin et notre cerveau.
Cette découverte pourrait bien tout changer dans la manière dont on comprend, diagnostique et traite ces troubles qui touchent des millions de personnes.
La sensibilité au gluten : une réalité, mais pas celle qu'on croit
Quand on parle de sensibilité au gluten non cœliaque (ou NCGS), on décrit des personnes qui se sentent mal après avoir mangé des produits contenant du gluten, mais qui n’ont pas la maladie cœliaque, une maladie auto-immune bien réelle. Les symptômes sont là : ballonnements, douleurs, grosse fatigue… Difficile de les ignorer. D’ailleurs, près de 10 % de la population mondiale se sentirait concernée.
Pourtant, la chercheuse qui a mené cette étude, Jessica Biesiekierski, est formelle : « Contrairement à la croyance populaire, la plupart des gens atteints de NCGS ne réagissent pas au gluten ». Une affirmation qui a de quoi surprendre, n’est-ce pas ?
Alors, qui sont les vrais responsables ?
Si ce n’est pas le gluten, qu’est-ce que c’est ? L’étude pointe du doigt plusieurs suspects. D’abord, les FODMAPs. Derrière ce nom un peu barbare se cachent des glucides qui fermentent dans l’intestin et peuvent provoquer des gaz et des douleurs chez certaines personnes. On les trouve dans le blé, mais aussi dans beaucoup d’autres aliments comme l’oignon ou les pommes.
Mais ce n’est pas tout. L’étude a aussi montré quelque chose de fascinant : le pouvoir de notre esprit. Dans des essais très contrôlés, les participants réagissaient de la même manière, qu’on leur donne du gluten, du blé sans gluten, ou… un simple placebo (une substance sans effet). Bref, le simple fait de s’attendre à avoir mal pouvait suffire à déclencher les symptômes.
Un nouveau regard : un trouble de l'axe intestin-cerveau
Ces résultats amènent les scientifiques à repenser complètement la sensibilité au gluten. Ils ne la voient plus comme une réaction à un aliment, mais plutôt comme un trouble de « l’interaction intestin-cerveau ». En gros, c’est un peu comme le syndrome de l’intestin irritable (SII). Le problème viendrait d’une sorte de dialogue perturbé entre notre système digestif et notre cerveau, qui interprète mal les sensations venant du ventre.
« Cela redéfinit la NCGS comme faisant partie du spectre de l’interaction intestin-cerveau, plus proche de conditions comme le syndrome de l’intestin irritable que d’un trouble distinct du gluten », explique la professeure Biesiekierski. C’est un changement de perspective énorme.
Qu'est-ce que ça change pour vous et votre médecin ?
Concrètement, qu’est-ce que ça veut dire ? D’abord, que des millions de personnes s’imposent peut-être un régime sans gluten strict pour rien. Un régime qui, en plus d’être contraignant, peut parfois manquer de certains nutriments.
Pour les médecins, c’est aussi une révolution. Le professeur Jason Tye-Din, gastro-entérologue, souligne que cette nouvelle compréhension va permettre de poser des diagnostics plus précis et d’offrir des traitements vraiment personnalisés. Au lieu de dire à tout le monde « arrêtez le gluten », on pourra chercher la vraie cause des troubles. L’idée est d’adopter une approche sur mesure, basée sur des preuves, plutôt que sur des restrictions alimentaires inutiles.
Conclusion : Vers une approche plus globale et plus humaine
Alors, que faire si vous souffrez de maux de ventre ? Cette étude ne dit pas que vos symptômes sont « dans votre tête », loin de là. Ils sont bien réels. Elle nous dit simplement que la solution n’est peut-être pas là où on la cherchait. Le futur du traitement pourrait combiner des ajustements alimentaires ciblés (par exemple, sur les FODMAPs) avec un soutien psychologique pour mieux gérer la perception de la douleur et l’anxiété liée à l’alimentation.
Les chercheurs appellent à un changement des messages de santé publique pour arrêter de diaboliser le gluten sans discernement. En fin de compte, il s’agit d’apprendre à écouter son corps, mais avec les bonnes informations en main. Et surtout, de ne pas hésiter à en parler à un professionnel de santé pour trouver une solution qui vous est propre, bien au-delà de la simple étiquette « sans gluten ».
Selon la source : medicalxpress.com