La vie sur Mars ? Une simple levure de boulanger nous donne un indice surprenant
Auteur: Mathieu Gagnon
On utilise la levure de boulanger depuis des siècles. Pour le pain, pour le Boisson gazeuse… C’est un ingrédient familier, presque banal. Mais qui aurait pu imaginer que ce minuscule organisme pourrait nous aider à comprendre si la vie peut exister sur une autre planète, comme Mars ?
C’est pourtant la découverte incroyable de scientifiques de l’Institut Indien des Sciences (IISc) et du Laboratoire de Recherche Physique (PRL). Ils ont montré que notre bonne vieille levure, la Saccharomyces cerevisiae, est capable de survivre dans des conditions qui imitent celles de la planète rouge. Une révélation qui relie le fond de notre cuisine à l’immensité de l’espace.
Cette trouvaille change un peu notre regard sur la vie. On pensait la levure confinée à nos fours et nos brasseries, mais elle vient de prouver une capacité d’adaptation assez bluffante face à des pressions extraterrestres. On dirait bien que même les formes de vie les plus simples possèdent des codes de survie insoupçonnés pour résister aux radiations, aux poisons et aux chocs violents. Peut-être que la vie, ou du moins une forme de vie microscopique, a existé ou existe encore ailleurs que sur Terre.
La levure mise à une épreuve extrême
Les chercheurs n’y sont pas allés de main morte. Ils ont littéralement poussé la levure dans ses derniers retranchements. Imaginez : ils l’ont bombardée avec des ondes de choc se déplaçant à Mach 5.6, soit plus de cinq fois la vitesse du son. Comme si ça ne suffisait pas, ils l’ont aussi baignée dans du perchlorate de sodium, un produit chimique toxique qu’on trouve dans le sol martien.
Le but était simple : voir si une forme de vie pouvait rester… eh bien, vivante, après un impact de météorite et un bain chimique hostile. L’une des plus grandes difficultés, selon Riya Dhage, l’auteure principale de l’étude, a été de réussir à exposer les cellules de levure vivantes aux ondes de choc sans tout contaminer. C’était une première.
Et le résultat ? La levure a tenu bon. Oui, elle a survécu aux deux traitements. Sa croissance était plus lente, c’est vrai, mais elle a refusé de mourir. À l’intérieur de ses cellules, un système de défense s’est mis en marche.
Le secret de sa survie : des 'abris' à l'intérieur de la cellule
Alors, comment a-t-elle fait ? Face à la crise, la levure a produit ce que les scientifiques appellent des condensats de ribonucléoprotéines (RNP). Pour nous, on peut voir ça comme des sortes de minuscules abris d’urgence à l’intérieur même de la cellule. Ces abris réorganisent l’ARN et les protéines pour faire face au danger.
Les ondes de choc ont déclenché deux types d’abris, tandis que le produit chimique n’en a déclenché qu’un seul. Ces petites bulles de protection agissent comme des centres de tri : elles décident quels messages génétiques mettre de côté et lesquels utiliser plus tard. C’est un système de défense très ancien, qu’on retrouve chez beaucoup d’espèces.
Pour vérifier, les scientifiques ont utilisé des levures mutantes, auxquelles il manquait deux protéines essentielles pour construire ces abris. Et sans surprise, ces cellules-là ont eu beaucoup plus de mal à survivre au stress chimique. Leurs gènes importants, ceux qui s’occupent de réparer les protéines et la paroi cellulaire, devenaient instables.
Quand les gènes aident la levure à s'adapter
En analysant l’ARN, les chercheurs ont vu que plus de 1 300 gènes avaient changé leur activité sous l’effet du perchlorate de sodium. Beaucoup se sont mis à booster la production d’énergie et la défense contre le stress, pendant que d’autres ralentissaient certaines fonctions pour économiser les forces.
Un détail assez fascinant : la levure a aussi activé des gènes pour se préparer à former des ascospores. C’est une sorte de mode de survie, de dormance, qu’elle utilise normalement quand elle manque de nourriture. En gros, elle a mis sa croissance sur pause pour se protéger. C’était une adaptation très efficace chez la levure normale, alors que les mutantes étaient à la traîne. La preuve que les ‘abris’ RNP jouaient un rôle clé pour gérer le stress.
Se relever après le choc
Après le stress des ondes de choc, la stratégie de la levure a changé. Là, elle a mis le paquet sur les gènes liés à la traduction et à la réparation des protéines, tout en réduisant son métabolisme énergivore. La priorité, c’était de réparer les dégâts. Une fois de plus, ce sont les ‘abris’ RNP qui ont fait la différence entre la récupération et l’effondrement. Ils ont permis de stabiliser les molécules d’ARN essentielles à la survie.
C’était limpide : ces petites structures internes étaient la clé de sa résilience. Sans elles, la cellule était perdue.
Ce que la survie de la levure nous révèle
« Ce qui rend ce travail unique, c’est l’intégration de la physique des ondes de choc, de la biologie chimique et de la biologie cellulaire moléculaire pour sonder comment la vie pourrait faire face à de tels stresseurs de type martien », explique Riya Dhage. C’est une approche vraiment complète.
D’ailleurs, des recherches antérieures avaient montré que ces mêmes ondes de choc, si violentes, peuvent aussi aider à former des acides aminés, qui sont les briques de base de la vie. C’est un peu paradoxal, non ? Les mêmes forces qui détruisent peuvent aussi créer. Cette nouvelle étude montre que la vie, une fois qu’elle est là, peut résister à ces mêmes forces avec une ténacité surprenante.
Conclusion : La levure, une alliée pour l'exploration spatiale ?
Le professeur Purusharth Rajyaguru, co-auteur de l’étude, l’admet lui-même : « Nous avons été surpris d’observer la levure survivre aux conditions de stress semblables à celles de Mars que nous avons utilisées dans nos expériences ». Les scientifiques espèrent que cette étude encouragera à embarquer de la levure dans les futures explorations spatiales.
Les résultats font de la levure un excellent modèle pour l’astrobiologie. Et puisque nous, les humains, possédons aussi ces fameux condensats RNP dans nos cellules, ces découvertes pourraient même inspirer la médecine spatiale. Peut-être qu’un jour, nous saurons comment mieux protéger les cellules des astronautes pendant leurs longues missions.
De la pâte à pain à l’espace lointain, qui l’eût cru ? Notre levure de boulanger a fait un sacré chemin. Elle est minuscule, c’est vrai, mais sa résilience pourrait bien nous aider à écrire le prochain chapitre de notre histoire avec les étoiles. Et à comprendre ce qu’il faut vraiment pour que la vie s’accroche, loin de la Terre.
Selon la source : earth.com