Combiner deux types d’imagerie cérébrale révèle des indices cachés sur l’anxiété future chez les adolescents
Auteur: Mathieu Gagnon
L’anxiété, ce mal qui guette nos ados

Quand on est adolescent, on a souvent l’impression que le monde entier nous regarde, prêt à juger la moindre de nos erreurs. C’est un sentiment assez courant, non ? Pour beaucoup, cette gêne s’estompe avec le temps. Mais pour d’autres, ça s’installe, ça s’aggrave, et ça devient une véritable anxiété.
Une nouvelle étude menée par des chercheurs de l’Université de Californie du Sud (USC) apporte un éclairage vraiment intéressant sur cette question. Ils pensent avoir trouvé un moyen d’expliquer pourquoi certains jeunes s’en sortent mieux que d’autres. Et leur découverte pourrait, à terme, nous aider à repérer plus tôt les ados les plus fragiles, avant même que l’anxiété ne prenne toute la place.
Une étude pas comme les autres

Ce qui rend cette recherche si spéciale, c’est qu’elle s’appuie sur le suivi de jeunes depuis leur plus tendre enfance. Imaginez, des dizaines d’années de données ! Beaucoup de ces participants avaient été identifiés très tôt comme ayant ce que les psychologues appellent un « tempérament craintif ». En gros, ce sont des enfants qui, bébés, étaient plutôt timides ou méfiants face à la nouveauté.
On savait déjà que ce trait de caractère augmente le risque de développer de l’anxiété plus tard. Mais voilà le truc : tous les enfants craintifs ne deviennent pas anxieux. Loin de là. C’est ce mystère que les scientifiques ont voulu percer. Comme le dit Emilio Valadez, l’auteur principal de l’étude : « Nous voulions savoir pourquoi certains enfants développent de l’anxiété alors que d’autres non, même quand ils partagent des traits similaires au départ ».
Deux scanners pour y voir plus clair

Pour trouver des réponses, les chercheurs ont observé le cerveau des ados en pleine action. Ils leur ont fait passer un test sur ordinateur tout simple, conçu pour qu’ils fassent de petites erreurs, comme appuyer sur le mauvais bouton. Pendant ce temps, leur activité cérébrale était enregistrée par deux techniques différentes : l’électroencéphalographie (EEG) et l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf).
Chaque méthode a ses avantages. L’EEG est hyper rapide, il capte l’activité à la milliseconde près, mais il ne sait pas bien dire d’où ça vient précisément. L’IRMf, c’est l’inverse : plus lent, mais d’une précision redoutable pour localiser l’activité. En combinant les deux, les chercheurs ont mis au point une nouvelle technique de « fusion ». C’est un peu comme quand on utilise nos deux yeux pour voir en relief. D’un coup, l’image de ce qui se passe dans le cerveau est devenue beaucoup, beaucoup plus nette.
Une découverte surprenante, même pour les scientifiques

Et alors, les résultats… eh bien, ils ont surpris tout le monde. Prises séparément, les données de l’EEG ou de l’IRMf ne prédisaient pas grand-chose. Pas de quoi s’enthousiasmer. Mais une fois combinées, c’était une autre histoire.
Les données fusionnées ont permis d’expliquer environ 25 % des différences dans l’évolution de l’anxiété des jeunes entre 13 et 15 ans. C’est un bond énorme par rapport à ce qu’on pouvait prédire avant, en se basant uniquement sur leur tempérament initial ou leur niveau d’anxiété de départ. « Honnêtement, c’était une surprise », avoue le professeur Valadez. « On s’attendait peut-être à 5 ou 10 %. Mais 25 %, c’est énorme. J’ai même cru que j’avais fait une erreur au début ».
Ce que le cerveau nous apprend sur le tempérament

L’étude a aussi montré que le tempérament de l’enfant changeait la signification de l’activité cérébrale. Chez les ados qui étaient très timides bébés, une forte activité dans une zone précise du cerveau (le cortex cingulaire antérieur dorsal, une sorte de détecteur d’erreurs) était liée à une plus grande anxiété future.
Mais, et c’est là que ça devient fascinant, une autre région (le cortex cingulaire postérieur) semblait avoir un effet protecteur. Pour les jeunes au tempérament craintif, si cette zone devenait plus active avec le temps, ils avaient tendance à être moins anxieux. Pour faire simple, la façon dont le cerveau réagit à nos erreurs – et comment cette réaction évolue pendant l’adolescence – semble jouer un rôle clé dans l’aggravation ou l’amélioration de l’anxiété.
Conclusion : Vers une meilleure prévention ?

Alors, qu’est-ce que ça change pour nous, au quotidien ? Pour l’instant, pas grand-chose, soyons honnêtes. Comme le dit le chercheur, « cette étude n’a pas d’implications immédiates pour les familles ». Mais c’est une porte qui s’ouvre. Un jour, peut-être, on pourra utiliser ce genre d’imagerie pour identifier les jeunes les plus à risque, bien avant que les symptômes ne s’installent pour de bon. Et ça, ça permettrait de proposer une aide plus tôt, et surtout, plus personnalisée.
L’objectif final, c’est de pouvoir lire l’histoire que le cerveau nous raconte assez tôt pour savoir quels enfants ont besoin d’un coup de pouce. Pour leur offrir ce soutien avant que l’anxiété ne devienne le combat de toute une vie. C’est un espoir, un vrai.