Votre nouvelle ordonnance : une bonne dose de nature

Imaginez un peu. Vous sortez de chez le médecin, non pas avec une boîte de médicaments, mais avec une feuille qui vous dit : « Allez vous promener sous un arbre, respirez à fond et revenez me voir demain. » Ça peut faire sourire, mais c’est une pratique de plus en plus sérieuse. Depuis longtemps, on nous dit que le grand air fait du bien, mais aujourd’hui, des centaines de professionnels de santé vont plus loin : ils délivrent de vraies ordonnances pour passer du temps dehors.

Dans un monde où les réseaux sociaux, les tensions politiques et les conflits pèsent lourd sur notre moral, cette idée gagne du terrain. Et franchement, ça fait sens. Personne n’a besoin d’un papier pour mettre le nez dehors, bien sûr. Mais certains médecins pensent que le formaliser aide les gens à prendre ce conseil au sérieux. C’est un peu comme une permission officielle de prendre soin de soi.

Ce n’est pas juste une impression ou une idée un peu « baba cool ». Les bienfaits sont bien réels et prouvés. De nombreuses études ont en effet démontré que passer du temps dans des espaces naturels peut faire baisser la tension artérielle, réduire les hormones du stress et même renforcer notre système immunitaire. On se sent mieux, et notre corps aussi.

Le Dr Brent Bauer, qui dirige un programme de médecine complémentaire à la célèbre Mayo Clinic, aux États-Unis, le dit lui-même : « Étude après étude, on voit que nous sommes câblés pour être dans la nature. » Ce n’est donc pas juste une pensée magique, il y a de la vraie science derrière tout ça. Notre corps et notre esprit réclament ce contact, c’est aussi simple que ça.

Dire à quelqu’un d’aller dehors, c’est une chose. Qu’il le fasse vraiment, c’en est une autre. C’est là que l’ordonnance entre en jeu. Le Dr Suzanne Hackenmiller, une gynécologue de l’Iowa, a commencé à en prescrire après avoir elle-même trouvé du réconfort dans la nature suite au décès de son mari. Elle explique : « Quand j’en parle, c’est presque comme si je leur donnais la permission de faire quelque chose qu’ils pourraient considérer comme futile, alors que tout le reste semble si grave et stressant. »

Ce simple bout de papier transforme un conseil vague en une action concrète à entreprendre. On se sent plus engagé. Le Dr Bauer, qui traite souvent des chefs d’entreprise très occupés, dit qu’il en prescrit une trentaine par an. Pour ces personnes, une ordonnance peut être le déclic nécessaire pour commencer.

Ce mouvement n’est pas isolé. Il s’organise. Vers 2016, un médecin et guide nature, le Dr Robert Zarr, a lancé une organisation appelée Park Rx America. Elle fournit aux soignants des protocoles clairs pour prescrire des sorties en nature : on discute avec le patient de ce qu’il aime faire (marcher, s’asseoir sous un arbre, regarder les feuilles tomber), à quelle fréquence, et où aller. Tout est noté sur l’ordonnance, et l’organisation envoie même des rappels.

Et ça prend ! Près de 2 000 soignants se sont inscrits aux États-Unis et dans d’autres pays comme l’Australie, le Brésil ou l’Espagne. Depuis 2019, ils ont délivré plus de 7 000 « ordonnances nature ». Une centaine d’autres organisations similaires ont vu le jour rien qu’aux États-Unis. C’est dire si le besoin est là.

L’idée est si bonne qu’elle inspire même les plus jeunes. À l’université William & Mary, en Virginie, ce sont les étudiants eux-mêmes qui se prescrivent des doses de nature. Le système est simple : on remplit un formulaire en ligne pour indiquer ses préférences (distance, horaires, activités favorites), et on reçoit une « ordonnance » personnalisée.

Le succès est au rendez-vous. En 2020, ils délivraient en moyenne 12 ordonnances par mois ; en 2025, ce chiffre est passé à 22 par mois. Kelsey Wakiyama, une étudiante, raconte comment cela l’a aidée. Arrivée sur le campus, elle ne savait pas où se promener. Grâce à sa prescription, elle a découvert des sentiers. « L’air frais, ça calme mon système nerveux, c’est certain », confie-t-elle. « Être dehors, je l’associe à une légèreté, un calme, de bons souvenirs. » Une belle preuve que ça marche, peu importe l’âge.

Bien sûr, l’efficacité à long terme de ces prescriptions fait encore l’objet d’études. Une recherche menée en 2020 a conclu qu’il fallait plus de données pour évaluer le suivi des patients et les résultats sur la santé sur la durée. Mais au fond, qu’est-ce qu’on risque ?

À moins d’être en pleine tempête ou envahi par les moustiques, sortir prendre l’air ne peut que faire du bien. Dans notre monde actuel, où il est si facile de se sentir dépassé, s’immerger dans la nature est une façon simple et gratuite de se reconnecter à l’essentiel. C’est un moyen de reprendre un peu le contrôle quand tout semble nous échapper. Alors, la prochaine fois que vous vous sentirez stressé, pourquoi ne pas vous prescrire vous-même une petite balade ? C’est peut-être le remède le plus simple et le plus efficace qui soit.