Le gouvernement américain cache 635 millions de kilos de fromage dans des grottes secrètes
Auteur: Simon Kabbaj
C’est une histoire qui semble tout droit sortie d’un roman. Quelque part sous le sol américain, dans des grottes secrètes, le gouvernement stocke un trésor d’une valeur inestimable : 635 millions de kilogrammes de fromage. Oui, vous avez bien lu. Des briques de fromage orange vif à perte de vue. Cette réserve ahurissante, connue sous le nom de « Government Cheese » (le fromage du gouvernement), est le résultat d’une série de décisions politiques et de crises économiques qui ont transformé l’Amérique en un dragon gardant une montagne… de produits laitiers.
Les origines : les années 70 et la peur de manquer de lait
Pour comprendre cette histoire folle, il faut remonter aux années 1970. À l’époque, les États-Unis font face à une pénurie de produits laitiers et à une inflation galopante. Le prix du lait et du fromage s’envole. Face à la grogne, le président de l’époque, Jimmy Carter, prend une décision radicale : il décide d’injecter 2 milliards de dollars de fonds fédéraux pour soutenir l’industrie laitière et stabiliser les prix. L’idée était simple : encourager la production pour faire baisser les coûts.
Quand le plan fonctionne... un peu trop bien
L’anthropologue Bradley N. Jones écrit dans The Oxford Companion to Cheese, et il ne fallut pas longtemps avant que la presse ne se saisisse du scandale. Le problème, c’est que le plan avait fonctionné… beaucoup trop bien. Rassurés par la promesse du gouvernement de racheter tous leurs surplus, les producteurs laitiers se sont mis à produire autant que possible. Le fromage, facile à stocker, est devenu le produit phare. Résultat : au début des années 80, le gouvernement s’est retrouvé avec un stock monstrueux de 227 millions de kilogrammes de fromage sur les bras. Cette montagne de produits laitiers était entreposée dans plus de 150 entrepôts répartis dans 35 États. L’Amérique ne manquait plus de fromage, elle croulait dessous.
La solution de Reagan : distribuer du fromage (parfois moisi)
Le scandale a vite éclaté. Alors que de nombreuses familles peinaient à se nourrir, le gouvernement laissait pourrir des montagnes de fromage. Face à la pression publique, le nouveau président, Ronald Reagan, a lancé le ‘Programme Spécial de Distribution de Produits Laitiers’. Des millions de kilos de ce fromage ont été distribués à des organisations caritatives pour nourrir les plus démunis. Le problème ? Une grande partie était déjà moisie. Malgré tout, il a été distribué. Ce fromage orange, facile à faire fondre, est devenu un symbole de la pauvreté, la base des macaronis au fromage et des sandwichs grillés pour les familles en difficulté.
La solution était loin d’être idéale, non seulement en raison de l’aptitude douteuse du fromage à la consommation humaine, mais aussi parce qu’elle commençait à perturber les ventes de l’industrie laitière d’où il provenait. Elle restait toutefois, sans doute, préférable à celle proposée par un fonctionnaire du ministère de l’Agriculture américain, qui confiait au Washington Post : « La solution la moins chère et la plus pratique serait probablement de le jeter dans l’océan. »
Le retour du fromage : les grottes secrètes
Le gouvernement a fini par se retirer du « business du fromage » dans les années 90. Mais l’histoire ne s’est pas arrêtée là. En 2016, le cycle de surproduction a recommencé, et le gouvernement a de nouveau accumulé un surplus colossal, atteignant les 635 millions de kilos que l’on connaît aujourd’hui. Mais cette fois, au lieu d’entrepôts, le fromage est stocké dans un lieu bien plus insolite : des « grottes à fromage ». Ce sont d’anciennes mines de calcaire reconverties, situées à des centaines de mètres sous terre. Le site Snopes a confirmé leur existence, même si leur emplacement exact reste flou. Les conditions y sont idéales : une température fraîche et stable pour conserver ce trésor laitier.
Pourquoi ce cycle infernal de surproduction ?
Mais pourquoi ce problème revient-il sans cesse ? C’est à cause des cycles naturels de l’industrie laitière. La production de lait connaît des pics saisonniers, tandis que la consommation, elle, peut varier. Pour éviter le gaspillage, transformer le lait excédentaire en fromage, un produit avec une longue durée de vie, est une solution logique. Mais cela crée un cercle vicieux de surproduction. Et ce n’est pas sans conséquences écologiques : l’élevage laitier intensif est une source majeure de méthane, un puissant gaz à effet de serre émis par les rots et les pets des vaches.
Conclusion : à la recherche d'une solution... le "thé au fromage" ?
Aujourd’hui, le stock de cheddar, de suisse et de fromage américain dort tranquillement sous terre, mais il coûte cher en entretien. Et le problème est que la consommation de produits laitiers aux États-Unis est en baisse. Que faire de tout ce fromage ? Les agriculteurs cherchent des solutions innovantes pour relancer la consommation. En 2010, le gouvernement avait même aidé financièrement la chaîne de pizzerias Domino’s pour qu’elle mette plus de fromage sur ses pizzas ! Aujourd’hui, les idées les plus folles sont sur la table. ‘Je lisais des histoires sur le thé au fromage en Chine qui est devenu viral’, a confié au Guardian un expert du marché laitier. ‘Peut-être qu’on devrait se pencher là-dessus’. En attendant de tous boire du thé au fromage, le trésor national le plus étrange d’Amérique continue de vieillir, dans le secret de ses grottes.
Selon la source : snopes.com