Psoriasis : certains traitements augmentent-ils le risque de cancer ? Une étude danoise sème le doute
Auteur: Mathieu Gagnon
Le psoriasis et la grande question du risque de cancer

Vivre avec un psoriasis modéré à sévère, ce n’est pas simple tous les jours. Heureusement, il existe des traitements, les fameux « biologiques », qui peuvent vraiment changer la vie. Mais une question taraude beaucoup de monde, patients comme médecins : quelle est leur sécurité sur le long terme ? Et surtout, y a-t-il un risque accru de cancer ? C’est une préoccupation légitime, car ces médicaments agissent sur notre système immunitaire. Une nouvelle étude menée au Danemark par l’Hôpital universitaire de Copenhague apporte quelques éléments de réponse. Et, franchement, ça fait réfléchir.
Une grande étude danoise pour y voir plus clair

Les chercheurs danois ont fait les choses en grand. Ils ont utilisé les registres de santé nationaux, une vraie mine d’or d’informations. Leur étude, publiée dans la prestigieuse revue JAMA Dermatology, a suivi près de 3 000 personnes atteintes de psoriasis qui commençaient un traitement biologique. Plus précisément, 2 001 patients sous adalimumab, 286 sous secukinumab et 591 sous ustekinumab.
Le point crucial ? Aucun de ces patients n’avait d’antécédent de cancer. C’est important, car cela permet de partir d’une base saine pour observer ce qui se passe sur plusieurs années. L’objectif était de comparer le risque de développer un premier cancer (en dehors des cancers de la peau non-mélanomes) entre ces trois traitements.
Une méthode de calcul astucieuse

Pour être sûrs de ne pas faire d’erreur d’interprétation, les scientifiques ont utilisé une méthode un peu particulière. Ils ont appliqué ce qu’on appelle un « temps de latence ». C’est un peu technique, mais l’idée est simple : un cancer met du temps à se développer. Il ne fallait pas risquer d’associer un cancer à un médicament si la maladie avait en réalité commencé avant même la première injection. C’est ce qu’on appelle la « causalité inversée ».
Ils ont donc analysé les données en décalant l’observation de 12 mois, puis de 24 mois après le début du traitement. Ils ont aussi tenu compte de l’âge, du sexe et du fait que certains patients souffraient aussi de rhumatisme psoriasique, ce qui peut influencer les choses.
Des résultats qui interpellent : l’ustekinumab se démarque

Alors, qu’est-ce que ça a donné ? Eh bien, les résultats sont assez intéressants. Avec le décalage de 12 mois, les différences n’étaient pas flagrantes. On ne pouvait pas vraiment conclure. Mais… les choses changent quand on regarde avec un décalage de 24 mois.
Là, les chiffres sont plus parlants. L’étude suggère que le traitement par ustekinumab serait associé à un risque de cancer sur cinq ans inférieur de 56 % par rapport à l’adalimumab. C’est une différence significative. C’est ce que les auteurs appellent un « schéma suggestif ». Ce n’est pas une preuve absolue, mais c’est un signal fort.
Les limites de l’étude : la prudence reste de mise

Les chercheurs sont les premiers à le dire : il faut rester prudent. Leurs estimations doivent être vues comme des mesures de risque comparatif, pas comme une relation de cause à effet gravée dans le marbre. L’étude a ses limites, c’est normal. Par exemple, ils n’ont pas pu analyser les risques pour des types de cancer spécifiques, ce qui serait pourtant très utile.
Il y a aussi un autre biais possible. Les médecins ne prescrivent pas ces médicaments au hasard. Par exemple, les patients qui ont reçu du secukinumab étaient plus nombreux à avoir aussi un rhumatisme psoriasique. Même si les calculs ont été ajustés, il est possible que la gravité de la maladie ou d’autres facteurs non mesurés aient pu influencer les résultats. C’est un vrai casse-tête dans ce genre d’analyse.
Conclusion : alors, on en retient quoi ?

Au final, que faut-il retenir de cette étude danoise ? D’abord, qu’elle est rassurante pour certains médicaments récents comme les inhibiteurs de l’IL-17 (le secukinumab en fait partie), pour lesquels on a encore peu de recul. Ensuite, et c’est le point principal, elle met en évidence un signal potentiellement favorable pour l’ustekinumab en matière de risque de cancer à cinq ans, comparé à l’adalimumab.
Ce n’est pas le mot de la fin, loin de là. C’est une piste sérieuse qui doit absolument être explorée par des études plus larges, plus longues, et qui s’intéressent à des cancers bien précis. La science avance pas à pas. Cette étude est une étape importante qui aidera, sans doute, les médecins et les patients à discuter plus sereinement des choix de traitement pour le psoriasis.