Les ingrédients de la vie viendraient de l’espace, bien avant la naissance de la Terre
Auteur: Mathieu Gagnon
Une recette qui vient de loin

On a souvent tendance à penser que la vie est née ici, sur notre bonne vieille Terre. Mais si je vous disais que les ingrédients de base, eux, sont arrivés de l’espace ? Les astronomes, en regardant un peu partout, découvrent que l’univers est une sorte d’immense garde-manger. Ils y trouvent des « molécules organiques » – en gros, des constructions à base de carbone, l’atome de la vie – absolument partout.
Dans les gaz des comètes, la poussière entre les étoiles, et même dans des cailloux très anciens. C’est une idée assez vertigineuse : notre planète n’a peut-être pas eu à tout inventer. Elle aurait hérité d’une bonne partie de la recette, livrée directement par des impacts de comètes et d’astéroïdes. Ça change complètement notre vision des choses, non ?
Les comètes, de vraies messagères cosmiques

Tout a vraiment commencé à prendre forme en 1986. Vous vous souvenez peut-être de la comète de Halley ? Une sonde européenne, Giotto, est allée la voir de près. Et là, surprise ! Elle a trouvé une quantité inattendue de ces fameuses molécules organiques dans le nuage de gaz et de poussière qui entoure la comète (ce qu’on appelle la « chevelure » ou « coma »). On ne savait pas trop si c’étaient de gros blocs qui se cassaient ou plein de petites molécules distinctes.
Plus tard, une autre mission a suivi de très près la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko. En août 2015, les instruments ont pu analyser directement les gaz qui s’en échappaient. Et là, c’était beaucoup plus clair. On a utilisé une sorte de balance de très haute précision pour peser les molécules. Le résultat était sans appel : il s’agissait bien d’une multitude de petites molécules individuelles, pas de fragments de grosses structures. On a même pu identifier précisément certaines d’entre elles pour la première fois dans une comète, comme le nonane ou la naphtaline.
Ce qu’on n’a PAS trouvé, et c’est important

Parfois, ce qu’on ne trouve pas est tout aussi instructif. Les scientifiques avaient de vieilles théories. Ils pensaient que certaines molécules détectées venaient de la fragmentation de très grosses structures, comme des polymères. Un peu comme si on ne trouvait que des miettes de pain et qu’on en déduisait qu’il y avait une baguette au départ.
Mais les analyses plus fines de la comète 67P ont montré autre chose. Les signatures chimiques ne correspondaient pas à ces gros polymères supposés. En fait, l’explication la plus simple était la bonne : le gaz transportait une grande variété de molécules organiques distinctes et individuelles. C’est un détail crucial, car il suggère que ces molécules se sont formées comme ça, une par une, bien avant même la naissance de notre système solaire.
Deux réserves bien distinctes : le gaz et la poussière

Alors, on a des petites molécules dans le gaz. Mais ce n’est pas tout. Pendant que des instruments analysaient les gaz, d’autres se penchaient sur les grains de poussière éjectés par la comète. Et là, ils ont trouvé quelque chose de différent : de très grosses structures de carbone, complexes, un peu comme du goudron. Ça ressemble beaucoup à ce qu’on trouve dans certaines météorites.
Cela ne contredit pas les mesures faites sur le gaz. Au contraire, ça les complète ! On a compris qu’il y avait deux stocks d’ingrédients organiques. D’un côté, les solides, la poussière, qui conservent d’énormes réseaux de carbone. De l’autre, les gaz, qui transportent des molécules plus petites et plus volatiles. Chaque réserve raconte une partie de cette longue histoire chimique.
Les astéroïdes confirment la tendance

Les comètes ne sont pas les seules à transporter ces trésors. Des missions spatiales récentes nous ont ramené des échantillons d’astéroïdes. La mission japonaise Hayabusa2 a rapporté des grains de l’astéroïde Ryugu, et la mission américaine OSIRIS-REx a fait de même avec l’astéroïde Bennu.
Les résultats sont à peine croyables. Dans les échantillons de Ryugu, les scientifiques ont identifié pas moins de 20 000 types de composés à base de carbone, dont 15 acides aminés différents, qui sont les briques de base des protéines ! Bennu a montré une richesse similaire. Comme ces cailloux se sont formés au tout début du système solaire, leur composition est une véritable photo de famille des glaces et poussières qui entouraient notre jeune Soleil.
Alors, la vie a-t-elle commencé dans l’espace ?

Attention, il ne faut pas aller trop vite. Tout cela ne prouve pas que la vie est apparue dans l’espace pour ensuite arriver sur Terre. Non, l’idée est plus subtile. L’espace nous a fourni la boîte à outils moléculaire. Une boîte très complète, avec des chaînes, des cycles, des acides aminés… tout ce qu’il faut pour se lancer.
Ensuite, notre planète a agi comme une formidable cuisine. Avec de l’eau liquide, de la chaleur et des cycles jour/nuit, elle a offert les conditions parfaites pour que ces ingrédients s’assemblent et que la chimie devienne de plus en plus complexe. C’est aussi pour cela que les scientifiques sont prudents quand ils cherchent des traces de vie ailleurs. Ils ont découvert sur la comète 67P une molécule, le sulfure de diméthyle, qui sur Terre est produite par des êtres vivants. Sa présence là-bas prouve que des processus non-vivants peuvent aussi la fabriquer. Il faut donc toujours regarder le contexte global.
Conclusion : Une quête qui ne fait que commencer

Ce qui est fascinant, c’est que cette histoire est loin d’être terminée. L’espace n’a pas seulement livré de l’eau à la jeune Terre, il a aussi envoyé les pièces du grand puzzle de la vie. La recette a commencé à s’écrire dans les nuages interstellaires, bien avant notre Soleil.
Et maintenant ? Eh bien, on continue de chercher. Des missions comme Europa Clipper et Juice vont explorer les lunes glacées de Jupiter, pour voir si des molécules organiques existent près de leurs océans souterrains. Une autre, Dragonfly, un drone, va se poser sur Titan, une lune de Saturne aux rivières de méthane. Le but est de voir jusqu’où la chimie peut aller sur un monde si riche en matières organiques. Chaque découverte nous rapproche un peu plus de la réponse à cette question que l’on se pose tous : sommes-nous seuls dans l’univers ?