Le Canada va bientôt perdre son statut « pays sans rougeole » les États-Unis seront les prochains
Auteur: Simon Kabbaj
C’est une régression sanitaire que l’on croyait impensable. Une maladie hautement contagieuse, quasiment éliminée grâce à la vaccination, est sur le point de faire son retour officiel en Amérique du Nord. Le 29 octobre 2025, le Canada s’apprête à perdre son statut de pays ‘sans rougeole’, après un an de transmission continue sur son territoire. Et les experts préviennent : les États-Unis, confrontés à leur pire année depuis des décennies, pourraient bien être les prochains sur la liste. ‘À ce jour, il semble très, très probable que le Canada perde son statut d’élimination de la rougeole, tandis que les États-Unis courent également un risque substantiel dans les 3 prochains mois », a déclaré à Gizmodo Sten Vermund, médecin en chef du Global Virus Network.
La rougeole, un ennemi redoutable et toujours présent
Malgré l’existence d’un vaccin très efficace, la rougeole reste une menace mondiale. En 2023, on estime qu’elle a rendu malades environ 10 millions de personnes et en a tué plus de 100 000 dans le monde, la plupart étant des enfants non vaccinés de moins de cinq ans. Obtenir le statut de ‘pays sans rougeole’ est un exploit de santé publique. Cela signifie qu’un pays a réussi à stopper la transmission locale du virus grâce à des programmes de vaccination massifs. Le Canada avait obtenu ce statut en 1998, les États-Unis en 2000, et l’ensemble du continent américain en 2016. Mais tant que la maladie circule quelque part dans le monde, elle peut toujours revenir si les taux de vaccination baissent.
La situation critique du Canada : un an de transmission continue
Le point de bascule pour le Canada a commencé en octobre 2024, avec le début d’une épidémie dans la province du Nouveau-Brunswick. Depuis, le pays a signalé plus de 5 000 cas, presque tous liés à cette première grappe. Bien que le rythme ait ralenti, la transmission ne s’est jamais complètement arrêtée. Ce lundi, les autorités sanitaires canadiennes ont rapporté 19 nouveaux cas pour la semaine du 18 octobre et 136 cas récents répartis dans cinq juridictions. Or, la règle de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) est stricte : il faut plus d’un an de transmission continue pour qu’un pays perde son statut. Le Canada ayant franchi ce triste anniversaire, il est quasiment certain que sa désignation sera révoquée lors de la prochaine réunion de l’Organisation panaméricaine de la santé (OPS) le mois prochain.
Et les États-Unis ? Une année 2025 catastrophique
Pour les États-Unis, la situation est à peine meilleure. L’année 2025 a été terrible, avec environ 1 650 cas signalés, le bilan le plus lourd depuis 1992. Une épidémie majeure a frappé l’ouest du Texas en début d’année (plus de 700 cas), suivie d’une autre au Nouveau-Mexique (environ 100 cas). Le pays a également enregistré ses premiers décès dus à la rougeole en une décennie, avec au moins trois morts. Actuellement, des épidémies sont toujours en cours en Caroline du Sud, en Illinois, au Minnesota, en Arizona et en Utah, ces deux derniers États partageant un foyer de plus de 120 cas. « Je m’attends à ce que les États-Unis perdent leur statut d’élimination de la rougeole l’année prochaine », a déclaré à Gizmodo Jessica Justman, épidémiologiste à l’Université de Columbia.
Le scénario qui menace les États-Unis pour 2026
Le risque pour les États-Unis est bien réel. Si les autorités sanitaires parviennent à relier génétiquement l’un des foyers actuels (par exemple, celui de l’Arizona/Utah) à la grande épidémie du Texas, et que la transmission se poursuit jusqu’en janvier prochain, alors les États-Unis auront eux aussi connu plus de 12 mois de transmission continue. Dans ce cas, l’OPS pourrait très bien décider de révoquer leur statut ‘sans rougeole’ au début de l’année 2026. L’experte Jessica Justman est pessimiste, soulignant qu’en 2025, les États-Unis ont déjà connu ‘43 foyers épidémiques‘ et que ‘87% des cas n’étaient pas importés‘, ce qui témoigne d’une transmission locale bien installée.
Un contexte politique américain qui n'aide pas
La situation aux États-Unis est aggravée par un contexte politique délétère. Le président Donald Trump a nommé Robert F. Kennedy Jr. à la tête du Département de la Santé, un homme connu pour son long historique de désinformation sur la sécurité des vaccins, y compris celui contre la rougeole (ROR). Au plus fort de l’épidémie au Texas, RFK Jr. et ses alliés ont minimisé son impact et ont même promu des traitements non prouvés et absurdes, comme l’huile de foie de morue. ‘Une correction de cap pour les États-Unis nécessitera une campagne de vaccination intensive et des fonds… Aucune de ces deux choses ne semble probable dans le contexte actuel’, regrette Jessica Justman.
Comment inverser la tendance ? La vaccination, encore et toujours
Aussi redoutable soit-elle, nous savons comment combattre la rougeole : la vaccination. Perdre son statut n’est pas une fatalité. Le Brésil et le Venezuela l’ont perdu récemment, mais ont réussi à le regagner grâce à des efforts de santé publique renouvelés. Les taux de vaccination aux États-Unis et au Canada restent globalement élevés, mais les épidémies éclatent dans des ‘poches’ de communautés sous-vaccinées, comme les communautés mennonites au Canada, qui ont souvent moins de contact avec les médecins. Contrairement aux États-Unis, le Canada n’a pas de figures publiques majeures au sein de son système de santé qui promeuvent un sentiment anti-vaccin.
Conclusion : une bataille de santé publique à regagner
Au final, le retour de la rougeole en Amérique du Nord est un avertissement brutal. L’expert Sten Vermund s’attend à ce que le Canada présente un plan détaillé à l’OPS, incluant des campagnes de vaccination ciblées dans les régions sous-vaccinées comme l’Alberta et l’Ontario, et une meilleure surveillance. Le même plan pourrait fonctionner aux États-Unis, mais le contexte politique est un obstacle majeur, avec un CDC affaibli sous la direction de RFK Jr. et un gouvernement fédéral en ‘shutdown’ qui pourrait entraver le financement. Bien que le Canada soit le premier à tomber, la rougeole pourrait avoir plus de facilité à se réimplanter durablement chez son voisin du sud. Et si c’est le cas, bien plus d’enfants et de familles en paieront le prix.
Selon la source : gizmodo.com