Des scientifiques cartographient une planète lointaine si chaude qu’elle déchire les molécules d’eau
Auteur: Mathieu Gagnon
Pour la toute première fois, des chercheurs ont réussi un véritable exploit : créer une carte des températures en trois dimensions d’une planète située bien au-delà de notre système solaire. La star de cette prouesse, c’est WASP-18b, un monstre gazeux qui tourne autour de son étoile en moins de temps qu’il n’en faut à la Terre pour faire un tour sur elle-même.
Ce n’est pas n’importe quelle planète. Imaginez un monde presque 10 fois plus massif que Jupiter, et tellement grillé par son étoile que la vapeur d’eau ne peut tout simplement pas y survivre. Elle est littéralement pulvérisée.
WASP-18b, la planète qui brise l'eau
WASP-18b, c’est ce que les scientifiques appellent un « Jupiter ultra-chaud ». Elle se trouve à environ 400 années-lumière de nous, ce qui est une sacrée distance, et pourtant on en sait de plus en plus sur elle. Sa particularité ? Elle boucle son orbite en seulement 23 heures. C’est fou, non ?
À cause de cette proximité extrême avec son étoile, la planète est ce qu’on appelle « verrouillée gravitationnellement ». C’est un peu comme notre Lune : un côté fait toujours face à la chaleur, tandis que l’autre reste perpétuellement dans l’ombre. Le côté ensoleillé est un véritable enfer, avec des températures qui peuvent atteindre près de 2 700 degrés Celsius. À ce niveau de chaleur, les molécules d’eau n’ont aucune chance. C’est d’ailleurs ce qui en faisait un sujet d’étude parfait pour les astronomes.
Lire la lumière dans l'obscurité : la magie de la cartographie par éclipse
Alors, comment fait-on pour cartographier un objet si lointain et impossible à voir directement ? L’astuce réside dans la lumière, ou plutôt dans les infimes variations de lumière lorsque la planète passe derrière son étoile. C’est une technique appelée « cartographie par éclipse ».
Pensez-y comme si vous dessiniez les détails d’une silhouette. C’est brillant. Ryan Challener, un chercheur de l’Université Cornell, explique que cette méthode permet « d’imager des exoplanètes que nous ne pouvons pas voir directement, parce que leurs étoiles hôtes sont bien trop lumineuses ». On observe donc ce qui se passe juste avant et pendant que la planète disparaît.
Tracer les températures dans l'atmosphère couche par couche
Pendant que la planète se cache derrière son étoile, les scientifiques observent attentivement comment la lumière provenant de ses différentes parties s’estompe. Ces petites différences leur permettent de faire le lien avec des zones précises à la surface de la planète.
Le vrai coup de génie, c’est d’analyser cette lumière à travers différentes longueurs d’onde, ou « couleurs ». Certaines de ces couleurs sont absorbées par la vapeur d’eau, et d’autres non. « Si vous faites une carte à une longueur d’onde que l’eau absorbe, vous verrez la couche d’eau dans l’atmosphère, alors qu’une longueur d’onde que l’eau n’absorbe pas sondera plus en profondeur », précise M. Challener. En combinant ces informations, ils peuvent reconstituer une carte 3D complète des températures.
Ce que la carte a finalement révélé
Et le résultat est fascinant. La nouvelle carte du côté jour de WASP-18b a montré une zone circulaire, surchauffée, là où les rayons de l’étoile frappent le plus fort. C’est le point le plus chaud de la planète, et comme prévu, il y fait bien trop chaud pour que la vapeur d’eau puisse exister.
Autour de ce point chaud, il y a une bande plus fraîche qui s’étend vers les bords. Et là, surprise : on trouve des signes de vapeur d’eau. Cette différence confirme une théorie que les scientifiques avaient depuis longtemps : la chaleur intense peut vraiment détruire l’eau dans une atmosphère. Mais c’est la première fois qu’on l’observe à l’échelle d’une planète entière. On voit des zones avec de l’eau et d’autres sans, sur un seul et même monde. C’est une confirmation spectaculaire.
Une nouvelle façon d'étudier les planètes lointaines
Jusqu’à présent, pour la plupart des exoplanètes, on pouvait au mieux estimer une température moyenne globale. Un chiffre, et c’est tout. Cette nouvelle méthode, c’est comme passer d’un bulletin météo flou à une carte radar en direct et en 3D.
Selon Megan Weiner Mansfield, professeure à l’Université du Maryland, cette technique est « la seule qui puisse sonder les trois dimensions à la fois : la latitude, la longitude et l’altitude ». Ce niveau de détail, c’est une révolution. Cela signifie que les chercheurs peuvent enfin commencer à comparer ces mondes lointains à ceux de notre propre système solaire, comme Mars ou Vénus. Le télescope James Webb a vraiment ouvert une nouvelle porte.
Conclusion : Et maintenant, vers des planètes comme la Terre ?
Ce n’est bien sûr qu’un début. WASP-18b était une cible de choix car sa taille et sa chaleur rendaient le signal plus facile à détecter et à cartographier. Mais des milliers d’autres exoplanètes nous attendent. L’équipe de la professeure Mansfield espère bientôt appliquer cette technique 3D à des planètes plus petites et rocheuses.
Cela pourrait, à terme, nous conduire à créer des cartes de température de planètes qui ressemblent davantage à la Terre. Même si une planète n’a pas d’atmosphère, la technique pourrait révéler la température de sa surface et donner des indices sur sa composition. C’est une étape passionnante qui nous prépare à voir des choses que nous n’aurions jamais pu imaginer auparavant. Grâce à cet outil, l’exploration des mondes lointains entre dans une nouvelle dimension.
Selon la source : earth.com