Un café qui vaut de l’or, mais pourquoi ?

Vous avez peut-être déjà entendu parler du « kopi luwak », ce fameux café qui est l’un des plus chers au monde. Sa particularité ? Il est récolté… dans les excréments d’un petit animal appelé la civette. Ça peut paraître étrange, c’est vrai. Mais beaucoup de gens disent qu’il a un goût incroyablement doux et riche. Jusqu’à présent, c’était un peu un mystère.
Une nouvelle étude menée en Inde, dans la région du Karnataka, vient de lever un coin du voile. Des chercheurs ont comparé des grains de café récupérés dans 68 déjections de civettes sauvages avec des cerises de café cueillies à la main dans les mêmes fermes. Et ce qu’ils ont trouvé pourrait bien expliquer, de façon très simple, pourquoi ce café est si différent.
Le rôle surprenant des matières grasses

Alors, quel est ce grand secret ? Eh bien, il semblerait que tout soit une histoire de gras. L’analyse a montré que les grains « traités » par la civette contenaient nettement plus de matières grasses que les grains cueillis normalement. Mais ce n’est pas tout.
Ils étaient aussi plus riches en deux composés spécifiques, des sortes de cousins des graisses appelés esters (le méthyl caprylate et le méthyl caprate, pour les curieux). Dans le monde de l’alimentation, on sait que ces petites molécules sont des alliées du goût. Elles peuvent apporter une note douce, presque laiteuse. C’est assez fascinant, non ? Il faut voir les graisses du café comme un véhicule : elles transportent les arômes et influencent la texture en bouche. Plus de gras peut donc complètement changer la perception des saveurs dans la tasse.
La magie opère dans l’intestin de la civette

Comment est-ce possible ? Le tube digestif de la civette n’est pas une usine magique. C’est un véritable écosystème rempli de microbes. Les scientifiques pensent qu’une bactérie en particulier, du nom de Gluconobacter, jouerait un rôle clé. En se nourrissant des sucres présents à la surface du grain de café, ces microbes déclenchent une fermentation.
Leurs « déchets » modifient la composition chimique du grain, et préparent le terrain pour les saveurs qui se révéleront plus tard, pendant la torréfaction. C’est un point important : les chercheurs ont analysé les grains avant torréfaction. Pourquoi ? Parce que la chaleur de la torréfaction mélange tout et crée de nouveaux arômes très rapidement (c’est la fameuse réaction de Maillard). En étudiant les grains crus, ils ont pu isoler précisément ce que la digestion de la civette changeait, à la base.
Une question d’éthique, et quelques bémols

Tout cela est bien beau, mais il y a un côté sombre à cette histoire. Le prix exorbitant du kopi luwak a conduit à des dérives terribles, avec des civettes enfermées dans des cages dans des conditions déplorables. C’est une vraie préoccupation pour le bien-être animal.
Heureusement, l’étude dont on parle a été réalisée avec des grains provenant de civettes sauvages et libres, qui se promènent dans les plantations. C’est une différence capitale. Il faut aussi rester prudent : l’étude a porté sur du café Robusta, connu pour son amertume, alors que le kopi luwak vendu dans le commerce est souvent fait avec de l’Arabica. Les résultats pourraient donc varier. De plus, tous les échantillons venaient d’une seule région. Il faudra plus de recherches pour confirmer tout ça.
Vers un café « façon civette », mais sans la civette ?

Et si on pouvait obtenir ce goût unique sans déranger le moindre animal ? C’est la piste la plus prometteuse. Des chercheurs explorent des moyens de recréer la fermentation de la civette en laboratoire. L’idée est d’utiliser des bactéries et des levures spécifiques, dans des conditions de chaleur et d’humidité contrôlées, pour imiter ce qui se passe dans son système digestif.
Les premiers essais sont encourageants. On pourrait ainsi développer une nouvelle catégorie de cafés « fermentés », où le goût serait le fruit de la science plutôt que de la controverse. En apprenant de la biologie de la civette au lieu de l’exploiter, on pourrait créer des saveurs nouvelles, durables, et qui plairaient à la fois à nos papilles et à notre conscience.
Conclusion : Qu’est-ce que ça change pour notre café du matin ?

Au fond, même si vous ne comptez pas dépenser une fortune pour du kopi luwak, cette découverte pourrait bien améliorer votre café de tous les jours. Comprendre comment certaines graisses peuvent donner un goût plus crémeux pourrait aider les producteurs de café du monde entier à affiner leurs propres méthodes de fermentation.
Imaginez que l’on puisse, en ajustant le processus, augmenter naturellement ces fameux esters pour obtenir une tasse plus riche, sans passer par une source exotique. Bien sûr, on n’en est pas encore là. La prochaine étape, c’est de faire goûter ces cafés à des experts. Seul un palais entraîné pourra nous dire si ces changements chimiques se traduisent vraiment par une meilleure saveur. Le verdict final reste donc… dans la tasse !