Une nouvelle lumière sur le cerveau : comment la science accélère la cartographie de nos neurones
Auteur: Mathieu Gagnon
Explorer la jungle de notre cerveau

Imaginez que notre cerveau est une immense ville, avec des milliards de maisons (nos neurones) et un nombre incalculable de rues et de chemins les reliant. Depuis des années, les scientifiques essaient de dessiner une carte précise de cette ville pour comprendre comment tout fonctionne. C’est un travail de titan. Mais voilà qu’une nouvelle technique, un peu comme un GPS ultra-rapide, vient de voir le jour. Elle promet de cartographier ces connexions bien plus vite qu’on ne l’aurait jamais imaginé.
Deux équipes de chercheurs, l’une aux États-Unis et l’autre en France, ont eu, presque en même temps, une idée lumineuse. Et c’est le cas de le dire, car tout repose sur l’utilisation de la lumière.
Les anciennes méthodes : un travail de patience

Jusqu’à présent, pour voir les connexions entre les neurones, il fallait utiliser des outils comme le microscope électronique. C’est incroyablement précis, on peut voir des détails minuscules. Le problème ? C’est terriblement lent. Et surtout, ça ne fonctionne que sur du tissu cérébral qui n’est plus vivant. C’est un peu comme regarder la photo d’une ville sans pouvoir voir le trafic, les gens qui bougent… On a une carte, mais elle est figée. On ne peut pas voir comment les messages circulent en temps réel.
Les scientifiques voulaient donc trouver un moyen de faire cette cartographie directement dans un cerveau vivant et actif, pour vraiment comprendre le « comment du pourquoi ».
L’idée de génie : utiliser la lumière pour ‘allumer’ les neurones

La nouvelle approche s’appelle l’optogénétique holographique. Ça a l’air compliqué, mais l’idée de base est assez simple. D’abord, les chercheurs modifient génétiquement certains neurones pour qu’ils deviennent sensibles à la lumière. Ils leur ajoutent une sorte de petit interrupteur qui réagit quand on l’éclaire. Ensuite, grâce à une technologie de pointe, ils peuvent projeter des faisceaux de lumière très précis, comme de minuscules spots, sur un ou plusieurs neurones à la fois, même en profondeur dans le cerveau.
En gros, ils peuvent choisir un neurone et l’activer sur commande, juste en l’éclairant. C’est un peu magique, non ?
Comment savoir si deux neurones se parlent ?

Une fois qu’on peut allumer un neurone, comment savoir s’il est connecté à un autre ? C’est là que l’expérience prend tout son sens. Les chercheurs allument un premier neurone (le neurone A) avec leur rayon lumineux. En même temps, ils « écoutent » l’activité électrique d’un deuxième neurone (le neurone B). Si le neurone B réagit juste après que le A a été allumé, bingo ! Cela veut dire qu’un message est passé entre les deux, qu’ils sont connectés par ce qu’on appelle une synapse.
Le souci, c’est que les connexions sont assez rares. Tester les neurones un par un prendrait une éternité. C’est là qu’une autre astuce entre en jeu.
Le secret de la vitesse : tester en groupe et laisser l’ordinateur travailler

Plutôt que de tester les neurones un par un, les scientifiques ont eu l’idée d’en allumer plusieurs en même temps. C’est un peu comme si, pour trouver quel interrupteur allume quelle ampoule dans une grande pièce, vous en actionniez une dizaine à la fois. C’est le chaos au début, mais si on répète l’opération avec des groupes différents, un ordinateur très malin peut analyser les résultats et en déduire qui est connecté à qui. C’est ce qu’on appelle la « détection compressée ».
Grâce à cette méthode, combinée à l’intelligence artificielle, ils peuvent cartographier les connexions dix fois plus vite qu’avant. En cinq minutes, ils peuvent tester jusqu’à 100 neurones, ce qui était impensable il y a peu.
Conclusion : et demain, à quoi ça va servir ?

Cette avancée est vraiment prometteuse. Elle va permettre aux chercheurs d’observer comment les connexions dans le cerveau se font et se défont, par exemple pendant qu’on apprend quelque chose de nouveau. On pourrait enfin commencer à comprendre les mécanismes de la mémoire, de la perception, et peut-être même de la conscience.
Sur le long terme, l’espoir est immense. En comprenant comment les circuits du cerveau sont « câblés », on pourrait mieux saisir ce qui ne va pas dans certaines maladies neurologiques, comme Alzheimer, Parkinson ou l’autisme. Les chercheurs travaillent déjà à améliorer encore la technique, pour la rendre totalement « optique », c’est-à-dire sans plus aucune électrode invasive. Le but ultime ? Pouvoir observer en direct et en détail comment notre cerveau s’adapte, apprend et, parfois, guérit. On n’en est qu’au début, mais une nouvelle fenêtre vient de s’ouvrir sur l’organe le plus complexe de l’univers.