Cette protéine, longtemps associée au cancer, serait en fait une alliée précieuse pour notre peau
Auteur: Mathieu Gagnon
Imaginez un peu. Pendant des années, quand les médecins voyaient un taux élevé d’une certaine protéine, la SerpinB3, dans une prise de sang, c’était souvent un très mauvais signe. On pensait tout de suite à des cancers difficiles à soigner ou à de vilaines inflammations. Cette protéine était vue comme une sorte de signal d’alarme, nous disant que nos barrières protectrices, comme la peau ou les poumons, étaient en grande souffrance.
Mais voilà qu’une nouvelle étude de l’Université d’État de l’Arizona vient tout bousculer. Et si ce fameux marqueur de maladie avait aussi un rôle positif ? Il semblerait que oui. Les chercheurs ont découvert que la SerpinB3 est en fait l’une des armes secrètes de notre corps pour… aider à guérir nos plaies. Une sacrée surprise, non ?
Le double visage de la protéine SerpinB3
Cette protéine a une réputation qui la précède. Découverte en 1977 dans des tissus de cancer du col de l’utérus, on l’a baptisée « antigène du carcinome épidermoïde-1 ». Un nom bien compliqué, n’est-ce pas ? Depuis plus de quarante ans, elle est utilisée comme un indicateur de cancers agressifs, que ce soit dans les poumons, le foie ou sur la peau. Plus son niveau est haut, plus le pronostic est mauvais. Point.
« C’est fou de se dire que pendant tout ce temps, on a vu cette protéine comme une ennemie qui aide le cancer à se propager, sans jamais vraiment savoir à quoi elle servait dans un corps en bonne santé », explique Jordan Yaron, l’un des auteurs de l’étude. En observant la peau en train de cicatriser, son équipe a vu les cellules produire cette protéine en quantités énormes. C’est donc un mécanisme de réparation naturel que les cellules cancéreuses ont, en quelque sorte, appris à pirater pour leur propre bénéfice. Voilà qui ouvre des portes pour comprendre son rôle dans bien d’autres maladies.
Un espoir pour les plaies qui ne guérissent pas
On n’y pense pas forcément tous les jours, mais les blessures de la peau sont un vrai casse-tête pour la médecine. Rien qu’aux États-Unis, on parle de 6 millions de plaies chaque année, et beaucoup sont très difficiles à soigner. Celles liées au diabète, aux brûlures, aux infections, ou simplement à l’âge avancé… ça devient vite un cauchemar. Et ça coûte une fortune, environ 20 milliards de dollars par an.
Cette découverte sur la SerpinB3 pourrait donc être une véritable lueur d’espoir. Si on arrive à mieux comprendre comment elle fonctionne, on pourrait peut-être développer des traitements pour ces plaies tenaces qui empoisonnent la vie de tant de gens.
Comment ça marche, concrètement ?
Alors, comment cette protéine passe-t-elle du statut de méchante à celui de gentille ? C’est assez simple, au fond. Quand on se blesse, le corps sonne l’alarme et se met à produire beaucoup plus de SerpinB3 à l’endroit de la plaie. Cette protéine agit un peu comme un chef de chantier.
Son premier rôle : motiver les troupes. Elle s’adresse aux cellules de la peau, les kératinocytes, et leur dit de se mettre en mouvement pour aller refermer la brèche. Les cellules deviennent moins « collantes » entre elles et plus mobiles, ce qui leur permet de glisser pour couvrir la blessure. C’est aussi efficace qu’un autre produit bien connu pour la cicatrisation, le Facteur de Croissance Épidermique.
Ensuite, elle s’assure que les fondations sont solides. Elle aide les fibres de collagène, qui sont comme l’armature de notre peau, à bien s’organiser. Résultat : la nouvelle peau est plus forte et mieux structurée. Elle ne se contente pas de boucher le trou, elle aide à reconstruire correctement.
Du laboratoire au chevet du patient : quelles applications ?
Bien sûr, il reste encore du chemin à parcourir. Mais les pistes qui s’ouvrent sont vraiment passionnantes. On peut imaginer deux grandes voies d’application pour l’avenir.
La première, c’est d’utiliser la SerpinB3 pour aider à guérir. On pourrait développer des crèmes ou des pansements enrichis en cette protéine pour traiter les plaies qui peinent à se refermer, comme les escarres ou les ulcères. Ce serait un coup de pouce bienvenu pour le processus naturel de guérison.
La seconde voie est tout l’inverse : bloquer la SerpinB3 pour combattre le cancer. Si les cellules cancéreuses l’utilisent pour se déplacer et envahir d’autres tissus, alors trouver un moyen de la neutraliser pourrait devenir une nouvelle stratégie pour freiner la progression de la maladie. C’est vraiment la preuve qu’en sciences, une même découverte peut ouvrir des portes totalement opposées.
Une nouvelle perspective fascinante sur notre corps
Finalement, cette histoire nous rappelle à quel point le corps humain est une machine incroyablement complexe et pleine de surprises. Une protéine que l’on croyait n’être qu’un messager de mauvaises nouvelles se révèle être un acteur clé de notre capacité à nous réparer. C’est une belle leçon d’humilité face à la nature.
Cette découverte sur le double jeu de la SerpinB3 n’est pas juste une curiosité scientifique. C’est la promesse, un jour peut-être, de meilleurs traitements pour soigner les blessures et de nouvelles armes pour lutter contre le cancer. Une preuve de plus que la recherche fondamentale, même quand elle semble abstraite, finit souvent par avoir des retombées très concrètes sur notre santé à tous.
Selon la source : medicalxpress.com