Le silence mortel des îles : Ces reptiles menacés qui disparaissent sans qu’on le sache
Auteur: Mathieu Gagnon
Ces petits bouts de terre — des pics volcaniques perdus aux archipels reculés — représentent pourtant moins de 7 % de la surface terrestre. Ça paraît fou, mais c’est là que se concentre une énorme partie de la biodiversité globale. C’est pour cela que leur rôle est si crucial. Malheureusement, même avec toute cette importance écologique, les reptiles des îles sont en train de glisser dans l’oubli, et vers l’extinction, avant même qu’on ait vraiment pris la peine de les étudier correctement.
Les chiffres qui alarment : une double menace
Ce qui est peut-être le plus révoltant, c’est le manque d’attention qu’on leur porte. Depuis 1960, seulement 6,7 % de la recherche sur les reptiles a ciblé les espèces insulaires. C’est une misère. En d’autres termes, les scientifiques s’intéressent le moins aux reptiles qui ont le plus grand besoin d’aide. Quelle frustration !
Pourquoi s’inquiéter de la disparition des reptiles insulaires ?
Ricardo Rocha, professeur agrégé en science de la conservation à l’Université d’Oxford, a été très clair : « Si l’on permet aux reptiles insulaires de disparaître, cela aura d’énormes répercussions sur beaucoup d’autres espèces. »
Il y a aussi l’épineux problème des prédateurs. Beaucoup de ces reptiles ont évolué tranquillement, sans jamais avoir eu à se méfier de mammifères agressifs. Le jour où l’homme a introduit des animaux comme les chats domestiques (souvent errants) sur ces îles, les reptiles se sont retrouvés sans défense. À Madère, l’équipe de recherche a découvert qu’un seul chat peut dévorer plus de 90 lézards en une seule année. Ils sont des cibles faciles pour ces nouveaux prédateurs, qui sont une cause principale d’extinction sur les îles.
Le trou noir de la recherche scientifique
Sara Nunes, candidate au doctorat à l’Université de Porto, le déplore : « Beaucoup des reptiles les plus distinctifs au monde – ceux qui ont évolué en isolement sur des îles – sont les moins connus. » Je suppose que c’est parce que certaines îles sont difficiles d’accès. Mais soyons honnêtes, c’est aussi parce que certains reptiles ne sont pas jugés assez « excitants » ou importants pour justifier un financement.
Et puis, il y a le facteur économique. Dans les pays insulaires plus riches, l’argent est trop souvent alloué au tourisme plutôt qu’à la recherche sur la faune sauvage. C’est un dilemme déchirant entre l’économie immédiate et la préservation à long terme.
Des points chauds à ne pas négliger : Madagascar et l’Asie du Sud-Est
Ce n’est pas étonnant que Madagascar soit un lieu de préoccupation majeur : une espèce de reptile menacée sur quatre, figurant sur la Liste rouge de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature), vit là-bas. Un autre endroit critique est la région indo-malaise. Elle est pleine de reptiles insulaires, mais elle est à peine étudiée.
Dans cette région, les chercheurs ont identifié plusieurs espèces prioritaires qui vivent sur une seule île… et qui n’ont tout simplement jamais fait l’objet d’une étude scientifique. On est vraiment en train de les laisser s’éteindre dans le silence.
Un plan d’urgence en quatre points
Deuxièmement, ils insistent pour qu’il y ait beaucoup plus de collaboration entre les communautés insulaires et les institutions scientifiques nationales. Les habitants locaux possèdent des connaissances précieuses que les chercheurs étrangers pourraient facilement ignorer. C’est du bon sens, finalement.
Ensuite, la science doit apprendre à regarder au-delà des articles de revues de luxe. Les rapports des agences gouvernementales, des ONG et des groupes communautaires peuvent grandement aider à combler les lacunes d’information. Et enfin, comme beaucoup de recherches sont rédigées dans d’autres langues que l’anglais, il est vital de traduire ces études. C’est la seule façon d’avoir une vue d’ensemble claire de ce qui se passe vraiment partout dans le monde.
Le temps nous file entre les doigts
Comme le dit si bien le professeur Rocha : « Alors que la crise de la biodiversité s’aggrave, comprendre et protéger les reptiles insulaires n’a jamais été aussi urgent. »
Il est absolument essentiel de concentrer nos efforts scientifiques et de conservation là où ils sont le plus nécessaires – c’est-à-dire sur les îles et leurs espèces uniques – si nous voulons éviter des pertes irréversibles. Vous imaginez visiter l’île de Komodo et ne pas y voir ses dragons ? Ça ne serait juste plus du tout la même chose, n’est-ce pas ? La publication de cette étude, dans la revue Conservation Science and Practice, est un appel au réveil pour nous tous. Nous devons agir maintenant.
Selon la source : earth.com