Quand le cerveau se fragmente pour survivre : la lente reconnaissance du trouble dissociatif de l’identité
Auteur: Adam David
Loin des clichés sensationnalistes du « double maléfique », ce mécanisme de survie extrême cache presque toujours l’ombre de traumatismes infantiles sévères. Une récente enquête vient éclairer le parcours bouleversant de ceux et celles qui vivent avec une conscience morcelée, et la lente reconnaissance médicale de leur réalité.
Aux origines d’un scepticisme durable
Le trouble refait timidement surface dans les années 1970, porté par une nouvelle vague de libération de la parole concernant les violences sexuelles. Il a été officiellement reconnu en 1980 sous le nom de trouble de la personnalité multiple, avant d’être rebaptisé TDI en 1994.
Malgré cette officialisation, la méfiance persiste. Selon la chercheuse Coraline Hingray de l’Université de Nancy, moins d’un psychiatre sur cinq en France affirme croire réellement à l’existence de ce trouble, ce qui pose un problème fondamental d’accès aux soins.
La fragmentation, mécanisme de survie
Concrètement, certaines parties du soi restent figées dans l’horreur et la peur passées, tandis que d’autres se séparent radicalement des émotions afin d’assurer la continuité fonctionnelle et la survie quotidienne de l’enfant.
Vivre avec plusieurs identités
« On a tous la même importance. Je ne suis pas la cheffe », confie-t-elle, soulignant que le système n’est pas hiérarchisé mais coopératif. Chaque identité a une fonction précise, qu’il s’agisse de porter la douleur, de protéger le corps, ou de gérer les interactions professionnelles. L’un d’eux a même pris le relais l’été dernier pour éviter à Émilie une période associée à de douloureux souvenirs traumatiques d’enfance.
Le rythme perturbant des « switchs »
Contrairement à une idée reçue tenace, le TDI se distingue très clairement de la schizophrénie. Les « voix » sont intérieures et cohérentes, car elles représentent d’autres parties du soi. Les patients ne présentent pas de délire ni de rupture avec la réalité, mais une utilisation massive de la dissociation – dépersonnalisation, anesthésie émotionnelle – pour survivre à la douleur.
vers une thérapie de l'intégration
Heureusement, la prise en charge évolue. La thérapie intégrative n’aspire plus à la fusion des identités, souvent vécue comme une violence, mais cherche plutôt à établir une communication et une collaboration apaisées entre les alters.
L’ouverture de structures spécialisées, comme la Maison de la Résilience à Nancy, marque un tournant dans la reconnaissance. Ces initiatives offrent enfin aux patients le lieu sûr nécessaire pour que leur souffrance, longtemps niée, soit écoutée. « Dire que ça n’existe pas, c’est fini », conclut Émilie, dont le témoignage porte la voix d’une nouvelle génération mieux comprise.
Selon la source : passeportsante.net