Alzheimer : l’espoir du lécanémab brisé par la prudence de la haute autorité de santé
Auteur: Adam David
Près d’un million de Français vivent avec la maladie d’Alzheimer, une pathologie neurodégénérative qui, jusqu’à présent, défiait la pharmacopée. L’arrivée du lécanémab (vendu sous le nom de Leqembi) avait ravivé une flamme d’espoir, étant le premier traitement ciblant réellement les mécanismes d’accumulation des plaques amyloïdes. Mais cette lueur s’est éteinte brutalement : la Haute Autorité de Santé (HAS) a décidé de refuser son remboursement, jugeant son bénéfice clinique trop faible face à la gravité de ses effets secondaires potentiels. Une décision douloureuse qui plonge les familles dans un profond sentiment d’injustice.
Un vide thérapeutique persistant
La déception est d’autant plus vive que le pays est engagé, depuis près de sept ans, dans un vide thérapeutique total. En 2018, les traitements symptomatiques classiques, tels que le donépézil ou la mémantine, avaient déjà été retirés de la liste des produits remboursés. La justification de l’époque reposait sur une efficacité jugée trop modeste pour la dépense publique engagée. Pour les patients et leurs aidants, ce précédent avait marqué l’absence de soutien pharmacologique pris en charge, rendant l’attente d’une nouvelle molécule encore plus critique et angoissante.
Leqembi : un mécanisme inédit contre les plaques amyloïdes
Autorisé par l’Agence Européenne du Médicament (EMA) en avril 2025, le lécanémab représente pourtant une avancée scientifique majeure. C’est la première fois qu’un traitement parvient à cibler directement les plaques amyloïdes, ces agrégats protéiques toxiques dont l’accumulation progressive asphyxie les neurones dans le cerveau des patients.
L’étude clinique pivot, baptisée Clarity AD, a montré une réduction du déclin cognitif de 27 % sur dix-huit mois par rapport au placebo. Certes, il ne s’agit pas d’un remède curatif : il ralentit la progression, il ne l’arrête pas. Mais pour ceux qui combattent cette maladie dévastatrice, chaque mois de lucidité gagné est considéré comme une victoire non négligeable.
Des risques sérieux qui freinent les autorités sanitaires
Mais la prudence des autorités sanitaires repose sur des bases solides. Le lécanémab expose les patients à des risques sérieux. Lors des essais, près de 17 % des sujets ont présenté des anomalies d’imagerie liées à l’amyloïde (ARIA), pouvant se manifester sous forme d’œdèmes cérébraux ou de micro-hémorragies.
Si ces effets secondaires sont la plupart du temps asymptomatiques, 0,3 % des cas se sont révélés sévères, nécessitant hospitalisation et, dans de rares cas, conduisant au décès. Ces contraintes imposent un protocole de suivi par IRM particulièrement strict avant et pendant le traitement, excluant de fait les patients les plus vulnérables. C’est ce coût médical, cette logistique de surveillance intensive, et une efficacité jugée seulement «modeste» qui ont conduit la HAS à estimer que le service médical rendu ne justifiait pas, à ce stade, un remboursement intégral.
Colère et sentiment d’injustice chez les familles
Pour les associations de patients, à l’image de France Alzheimer, la rigueur de la HAS est incompréhensible et cruelle. Ce refus sonne comme un nouveau coup de poignard pour les familles qui cherchent désespérément la moindre option thérapeutique. L’association souligne que ce choix risque d’aggraver les inégalités d’accès aux soins, car seuls les patients les plus aisés pourront potentiellement financer ce traitement coûteux.
De plus, la France se retrouve isolée en Occident. Des pays comme les États-Unis et le Japon proposent déjà, depuis 2023, un accès partiel ou remboursé au Leqembi, soulignant le retard français en matière d’innovation et de prise en charge des maladies neurodégénératives.
une attente au prix fort
Bien que la porte à un remboursement immédiat ait été fermée, la HAS a laissé entendre qu’un réexamen pourrait être envisagé si de nouvelles études fournissaient des données plus robustes, ou si la molécule s’inscrivait dans des stratégies thérapeutiques combinées. En attendant, l’accès restera limité aux protocoles hospitaliers très encadrés ou aux autorisations temporaires d’accès précoce (ATAP).
Pour les militants et les proches de malades, cette temporisation est inacceptable au regard de l’urgence. Chaque mois de perdu, c’est le risque de voir des milliers de patients franchir le seuil d’un stade irréversible, où même la science de pointe comme le lécanémab ne pourra plus leur apporter le moindre soulagement.
Selon la source : passeportsante.net