Cette épilepsie extatique qui offre une ‘perception directe’ du monde : quand la maladie ouvre la voie à la conscience supérieure
Auteur: Mathieu Gagnon
Depuis son enfance, Margot – qui préfère utiliser un pseudonyme, ce que l’on comprend aisément pour une question de vie privée – raconte qu’elle ressentait, lors de ces moments étranges, un « lien spécial » avec Dieu. Elle avait la sensation d’être, je cite, « comme choisie ».
Ce n’est pas un cas isolé, loin de là. Un petit nombre de personnes atteintes d’épilepsie connaissent un état rare qu’on appelle l’épilepsie extatique. Juste avant la crise, ces patients vivent un moment d’« unité » bouleversant avec le monde. C’est un état modifié de conscience capable de transformer une vie. Certains chercheurs croient même que ce phénomène pourrait éclairer nos plus profondes expériences religieuses.
L’aura épileptique : une fenêtre sur l’extase pure
Attention, cette « aura » n’a rien à voir avec le terme spirituel désignant une énergie. Ce sont de brèves expériences sensorielles. Pensez à des hallucinations visuelles très courtes ou à des sentiments intenses de déjà-vu.
Mais dans le cas extatique, l’aura est un pur moment d’extase. Les patients sont envahis par un sentiment accablant d’éveil, de conscience de soi accrue, et de positivité absolue. Margot, par exemple, souligne que si elle fait plusieurs épisodes épileptiques par an, les crises qui mènent à cet état de conscience particulier sont rares. Elle n’en a vécu qu’une poignée de fois, ce qui rend l’expérience d’autant plus précieuse, je suppose.
Où se cache l'origine de cette béatitude neurologique ?
Mais les études récentes sont un peu plus nuancées, et c’est ça qui est passionnant. On suspecte désormais l’insula antérieure d’être impliquée. C’est une petite zone du cerveau que nous comprenons encore très mal, mais qui est fortement liée au traitement des émotions.
Une étude de 2021, publiée dans la revue Annals of Neurology, a même montré qu’en stimulant électriquement cette insula antérieure, on pouvait déclencher une aura extatique. Même si la procédure est invasive, elle est généralement utilisée pour identifier l’origine de l’épilepsie avant une chirurgie. Bon, cela dit, les auteurs précisent que la stimulation ne garantit pas l’extase chez tous les patients. Parallèlement, une autre publication de 2021 a proposé que l’hypothalamus — situé près de l’hypophyse et responsable de l’équilibre interne (température, glycémie) — puisse également jouer un rôle. Un vrai mystère, n’est-ce pas ?
Un effet transformateur : ne plus craindre la mort
Prenons un exemple concret. La Dre Picard a raconté, lors d’un podcast, qu’une de ses patientes ne craignait plus la mort grâce à ces états extatiques ! Une autre patiente lui a confié que l’aura l’avait rendue plus sûre d’elle, car elle avait compris qu’« il y a quelque chose de plus grand que nous ».
Margot, elle, insiste : son expérience transcende le simple corps physique. Même si elle n’est pas pratiquante ou croyante dans sa vie de tous les jours, elle ressent une étrange sensation de croissance intérieure, de changement profond juste avant la crise. Elle se sent littéralement flotter, submergée par un sentiment de pouvoir et, surtout, par une compréhension accrue de l’univers.
La théorie du filtre cérébral : une « perception directe »
La Dre Picard propose que ces « expériences d’éveil » pourraient simplement être dues à un glissement momentané du filtre de notre cerveau. Ce n’est pas si farfelu : les humains sont devenus incroyablement doués pour prédire leur environnement. C’est notre mode de fonctionnement normal. L’aura extatique, elle, viendrait interrompre ce processus de prédiction. En conséquence, nos notions préconçues seraient balayées, révélant une « perception directe » du monde, sans intermédiaire ni interprétation habituelle.
Imaginez un instant que ce que nous percevons d’ordinaire n’est qu’une version filtrée de la réalité… Et que, l’espace d’un instant, ce filtre tombe. Vertigineux.
Le paradoxe du traitement : faut-il interrompre le bonheur ?
Mais, c’est là que le problème arrive : ce bref instant de béatitude est presque toujours suivi d’une perte de conscience ou d’une crise convulsive pénible. C’est cela qui oblige les patients à chercher une intervention médicale. En d’autres termes, même si le bonheur est immense, il ne peut pas compenser le lourd tribut physique et mental de la crise qui suit. C’est une situation vraiment déchirante, quand on y pense.
Au-delà de l'épilepsie : une question de conscience
Figurez-vous que, selon la Dre Picard, même ceux qui ne souffrent pas de cette maladie pourraient atteindre des « expériences mystiques » similaires. Comment ? Elle mentionne notamment la méditation ou l’utilisation de psychédéliques, deux pratiques fréquemment associées à l’atteinte d’états de conscience altérés. Peu importe la méthode d’induction, ces expériences sont selon elle un « aspect essentiel de la fonction humaine ».
Elles nous aident à comprendre nos relations les uns avec les autres. Elle conclut d’ailleurs sur une note magnifique : « Derrière tout, il y a une interconnexion fondamentale. » Une perspective pleine d’espoir, je trouve, qui nous rappelle que nous sommes tous liés d’une manière ou d’une autre.
L'Humain et son besoin de sublime
Ces expériences, rares et puissantes, offrent un aperçu fascinant de ce que pourrait être la conscience au-delà des filtres quotidiens. Si les scientifiques continuent de déchiffrer le rôle précis du lobe temporal ou de l’insula antérieure, l’impact le plus important reste sur le patient lui-même : une transformation de vie qui éradique la peur de la mort et renforce un sentiment d’unité avec l’univers.
Selon la source : popularmechanics.com