Une invention ingénieuse : produire de l’électricité grâce au froid de la nuit étoilée
Auteur: Mathieu Gagnon
Leur travail, mené par le Dr. Jeremy Munday, est fascinant. Ils ont construit une petite machine capable d’utiliser ce refroidissement naturel de la nuit pour créer un flux constant d’énergie. En gros, ils se servent du ciel nocturne comme d’un immense ‘réservoir froid’.
Cette différence de température — aussi petite soit-elle — s’est avérée suffisante pour maintenir un moteur en marche et, tenez-vous bien, faire tourner un petit ventilateur ! C’est une toute nouvelle manière de récolter l’énergie de la nuit en utilisant uniquement la physique passive. Une démonstration vraiment très astucieuse.
Le secret du ciel nocturne : la fenêtre atmosphérique
Le ciel devient un « puits de chaleur » et aspire l’énergie loin de nous. Une surface spécialement conçue et orientée vers le ciel peut alors émettre fortement de la chaleur sous forme de lumière infrarouge et se refroidir bien en dessous de la température de l’air ambiant, tout ça sans avoir besoin de compresseurs ou de pompes électriques coûteuses.
C’est grâce à la fameuse « fenêtre atmosphérique », une bande spécifique de longueurs d’onde infrarouges (ou « couleurs » invisibles) où l’air est le plus transparent, permettant à la chaleur de s’échapper directement vers l’espace. L’appareil capte cette fuite.
Le moteur Stirling : l’ami des petites différences thermiques
Ce qui rend le Stirling si parfait pour cette application, c’est son efficacité étonnante, même quand les écarts de température sont minimes. Il fonctionne grâce à un gaz scellé qui est déplacé entre une zone chaude et une zone froide par des pistons et un régénérateur. Le gaz se dilate, puis se contracte, faisant tourner un volant d’inertie. C’est mécanique, élégant et ça n’a pas besoin de beaucoup pour démarrer, pourvu qu’il y ait un écart.
Comme l’a dit le Dr Munday, « Ces moteurs sont très efficaces lorsque seules de petites différences de température existent. Si vous le posez simplement sur la table, il ne produira aucune énergie par lui-même. » Il a besoin d’un chaud et d’un froid bien définis, ce que le sol et le ciel peuvent fournir.
L’expérience de Davis : un écart constant et utilisable
Cette énergie captée a été suffisante pour faire tourner le moteur près d’un tour par seconde et délivrer une puissance mécanique utilisable. Dans un essai, le dispositif a directement fait fonctionner un ventilateur ! Avec l’ajout d’un petit moteur électrique, il a même généré un courant électrique, modeste, mais bien réel.
Les chercheurs estiment qu’avec de meilleurs composants, on pourrait atteindre une puissance de plusieurs watts par mètre carré. C’est prometteur. La plaque chaude du moteur, d’ailleurs, suit la chaleur du sol, qui change lentement et permet ainsi au moteur de continuer à tourner pendant que la plaque supérieure rejette la chaleur vers l’espace.
Où cette énergie est-elle la plus efficace ?
Pour identifier les zones les plus propices, les scientifiques ont examiné les données de la NASA. Ils ont utilisé les cartes de rayonnement CERES, qui montrent où l’infrarouge descendant du ciel est le plus faible (ce qui est bon), ainsi que les données de température de surface terrestre de MODIS, qui fournissent l’image du côté chaud (le sol).
Sans surprise, le plus grand potentiel d’énergie apparaît dans les zones arides, les déserts par exemple, et aux altitudes élevées et sèches, là où l’air est mince et le manque d’humidité est la norme. C’est là que l’écart thermique sera le plus important, et donc que le rendement sera maximal, je suppose.
Applications concrètes : bien plus qu’un simple ventilateur
Pensez aux serres. Elles ont besoin d’un mouvement d’air constant la nuit. C’est à ce moment-là que les plantes absorbent le dioxyde de carbone et que l’humidité monte dangereusement. L’équipe a montré un mouvement d’air suffisant pour circuler le CO2 autour des feuilles.
Dans les bâtiments, les gens ont besoin d’une circulation d’air douce pour le confort, même quand le chauffage ou la climatisation sont à l’arrêt. Le débit d’air atteint environ 5 pieds cubes par minute par personne, ce qui est conforme aux directives de ventilation pour de nombreux espaces publics, comme l’indiquent les normes ASHRAE (l’organisme américain pour le confort des bâtiments).
Imaginez des unités installées sur un toit qui pourraient déplacer l’air la nuit sans consommer un seul watt du réseau. Cela soutiendrait nos objectifs de santé et de ventilation tout en réduisant la charge électrique après le coucher du soleil.
Améliorer la performance : les pistes futures
L’utilisation de revêtements spécialisés et de films minces peut aider à amplifier l’émissivité dans la fenêtre atmosphérique. Mieux encore : ces revêtements pourraient aussi réfléchir la lumière du soleil pendant la journée, permettant peut-être aux futures versions de fonctionner même en plein jour !
Une autre amélioration consisterait à créer une enceinte sous vide autour du radiateur. C’est une solution très efficace pour limiter les fuites de chaleur par convection (le vent, l’air qui bouge). Et pour augmenter la différence thermique, on pourrait utiliser de la chaleur résiduelle d’usines ou de fermes sur le côté chaud du moteur, au lieu de s’appuyer uniquement sur la température du sol. C’est vraiment de l’énergie intelligente.
Un espoir silencieux pour la nuit
Le plafond de température que l’on peut atteindre est fixé par la combinaison entre la chaleur que le ciel renvoie vers la surface (l’infrarouge descendant) et la température locale du sol. Mais pour les besoins modestes, comme assurer la ventilation de nuit dans des zones isolées ou des serres, cette technologie offre une solution autonome et incroyablement écologique.
C’est un bel exemple d’ingéniosité humaine, utilisant les lois fondamentales de l’univers pour répondre à nos besoins quotidiens, un espoir silencieux qui pourrait bien éclairer nos nuits futures.
Selon la source : earth.com