Le secret enfin dévoilé : comment les caméléons voient-ils le monde à 360 degrés ?
Auteur: Mathieu Gagnon
Après des siècles d’observations — et même de spéculations erronées par des génies comme Aristote, vous imaginez ? — la technologie moderne a enfin percé ce secret millénaire. Ce qui a été découvert, grâce à l’imagerie de pointe, c’est une structure anatomique inédite chez les lézards : des nerfs optiques longs et spiralés, cachés derrière chaque œil protubérant.
C’est une découverte qui donne le vertige, et qui prouve, une fois de plus, que la nature a toujours un coup d’avance sur nous.
Des caméras de surveillance sur pattes
Mais attendez, il y a une nuance cruciale. Une fois que la proie est repérée, c’est à ce moment précis que leurs yeux, jusque-là autonomes, se coordonnent. Ils s’alignent pour former une seule ligne de mire, permettant au caméléon de calculer la distance exacte nécessaire pour projeter sa langue. C’est une précision chirurgicale !
En 2017, Edward Stanley, le directeur du laboratoire d’imagerie numérique du Florida Museum of Natural History, a aperçu cette structure bizarre lors d’un scan du tout petit caméléon-feuille (Brookesia minima). Ils étaient tous les deux étonnés, bien sûr, mais aussi très sceptiques. Comment un trait aussi évident avait-il pu être manqué pendant si longtemps ? « J’ai été surpris par la structure elle-même, mais j’ai été encore plus surpris que personne ne l’ait remarqué avant », a confié M. Daza. Oui, vraiment, ça laisse songeur.
L'artisanat de l'adaptation et la force de frappe
Enfin, pas la vitesse de déplacement en tout cas ! Car lorsqu’il s’agit d’attaquer, il devient le prédateur le plus rapide du coin. Équipé d’une langue puissante à ressort, un caméléon peut passer de 0 à 100 km/h en seulement un centième de seconde. Un clin d’œil, et la victime est capturée. Cette langue élastique et collante peut s’étendre jusqu’à deux fois la longueur de son corps ! C’est incroyable, n’est-ce pas ?
Vu leur singularité, on comprend pourquoi ces reptiles captaient déjà l’attention dans les pétroglyphes égyptiens antiques. Les chercheurs, convaincus que quelqu’un avait déjà dû décrire ce fameux nerf spiralé, ont fouillé les archives. Ils ont même fait appel à des experts linguistiques pour déchiffrer d’anciens textes anatomiques rédigés en latin, italien, français, parfois dans un mélange confus de tout ça.
Les théories historiques et l'erreur des géants
Au milieu du XVIIe siècle, Domenico Panaroli, un médecin romain, contredit Aristote. Il affirmait qu’ils avaient bien des nerfs optiques, mais qu’ils ne se croisaient pas. Normalement, chez la plupart des animaux, ce croisement fait que l’image de l’œil droit est traitée par le côté gauche du cerveau, et vice versa. Panaroli rationalisait que, sans croisement, les yeux pouvaient bouger librement. Même Isaac Newton s’est penché sur cette idée et l’a citée dans son célèbre ouvrage Optiks en 1704.
Pourtant, la vérité était sous leurs yeux. En 1669, l’anatomiste français Claude Perrault avait bien dessiné les deux nerfs optiques du caméléon, les montrant se croiser avant de continuer tout droit. Il avait le bon tracé, mais ce détail crucial a été ignoré par la majorité, y compris Newton. C’est fou de voir comment un petit détail peut passer à travers les mailles du filet de la science pendant des siècles, n’est-ce pas ?
La clé de l'énigme : le rôle crucial du scanner CT
Mais pourquoi, après tant d’études, cette structure est-elle restée cachée ? La réponse est dans la méthode. Auparavant, les chercheurs se fiaient aux dissections. Le problème, c’est que cette pratique délicate déplace ou même détruit les nerfs optiques. On perd l’information essentielle. « Si vous disséquez physiquement l’animal, vous perdez l’information qui pourrait raconter toute l’histoire », explique Stanley.
Aujourd’hui, nous avons la technologie du scanner CT (tomodensitométrie aux rayons X). Ça permet de visualiser des structures cachées, sans abîmer le spécimen. Mieux encore, l’équipe a pu profiter de l’initiative oVert (openVertebrate), qui fournit des modèles 3D numériques et libres d’accès. Avant, jamais on n’aurait pu découvrir de tels détails sans nuire à l’anatomie ! C’est une véritable révolution dans le domaine, je suppose.
Une adaptation pour la mobilité maximale
Puis, ils ont étudié le développement embryonnaire. Au stade embryonnaire le plus précoce, les nerfs sont droits, mais juste avant l’éclosion, ils s’allongent et forment ces fameuses boucles. Le bébé caméléon sort de l’œuf avec ses yeux déjà parfaitement mobiles.
Chez les vertébrés, les animaux avec de grands yeux ont généralement deux stratégies pour augmenter leur champ de vision : soit ils bougent leur cou (pensez aux hiboux), soit ils bougent leurs yeux (comme nous, avec nos nerfs extensibles). Le caméléon, lui, a très peu de mobilité cervicale. Il lui fallait donc une solution pour ses yeux.
La solution, c’est ce nerf optique en spirale. M. Daza utilise une analogie très parlante : « Vous pouvez comparer les nerfs optiques à de vieux téléphones. » Les premiers téléphones avaient un cordon droit, mais quelqu’un a eu l’idée d’enrouler le cordon pour lui donner plus de mou. Ainsi, les gens pouvaient marcher plus loin en le tenant. C’est exactement ce que fait l’évolution chez ces animaux : maximiser l’amplitude de mouvement de l’œil en créant une structure enroulée. C’est intelligent, vous ne trouvez pas ?
Le monde recèle encore des merveilles
Cette découverte des nerfs optiques longs et spiralés est une preuve éloquente que, même les créatures les plus étudiées, celles que les géants de la science comme Newton et Aristote ont observées, recèlent encore des secrets bien gardés. Les scientifiques sont désormais curieux de savoir si d’autres lézards arboricoles partagent cette adaptation. La nature, décidément, n’a pas fini de nous étonner.
Selon la source : scitechdaily.com